Le péché originel de Takopi tome 1 et 2 : un éprouvant conte

On a déjà pu le dire à de nombreuses reprises, mais il existe des œuvres dont l’impact va se ressentir même lorsque l’un de ces titres est encore cantonné uniquement au Japon. C’est exactement ce qui s’est passé avec notre sujet du jour qui a rapidement fait parler de lui de par ses sujets complexes et surtout par l’émotion qu’il a su offrir tout au long de son récit. Il s’agit du Péché originel de Takopi qui a finalement fait son apparition chez nous grâce aux éditions Pika. Un manga court étant donné qu’il trouve sa conclusion dès le second volume et qui, pour sa sortie française, débarque avec ses deux tomes. On avait beaucoup entendu parler de cette saga l’année dernière et tout le monde s’accordait sur le fait que l’on tenait là une histoire aussi importante qu’éprouvante. Réservé à un public averti, ce titre a été une totale découverte pour nous et on a été bluffé par l’ascenseur émotionnel que l’on a pu vivre tout au long de cette lecture. On se tient devant une œuvre qui ne peut laisser indifférent au vu de l’écriture de ses personnages et surtout de cet enchaînement de drames dont on va être témoin. Ayez le cœur bien accroché, car nous allons accompagner un extraterrestre dans son envie de répandre la joie sur Terre.

Comment rendre happy

Le péché originel de Takopi, imaginé par Taizan 5, nous fait suivre Takopi. Ce dernier est un petit extraterrestre qui provient de la lointaine planète Happy. Comme le dit si bien son nom, les habitants de ce monde se dévouent à répandre le bonheur tout autour d’eux. Pour ce jeune alien, son choix s’est porté sur la Terre. Il affiche une énergie folle à concrétiser son but et se dit que la première personne qu’il croisera sera la première à connaître la joie. Malheureusement, il ne s’attendait pas du tout à ce que cette planète puisse se montrer aussi hostile à son égard. C’est finalement une jeune fille à la mine triste qui va lui tendre la main en lui offrant un peu de nourriture. Elle se présente sous le nom de Shizuka et n’est pas vraiment très bavarde. Il n’en faut pas plus pour Takopi pour désigner cette fille comme la personne à qui il donnerait le sourire. L’enthousiasme débordant de cet étranger à la Terre ne semble pas vraiment toucher cet enfant dont le regard reste dans le vide. Mais même ce manque de réaction ne met pas un frein aux ambitions de son nouveau camarade. Possédant de multiples gadgets, il se dit que l’un d’eux parviendra sûrement à lui donner du baume au cœur. Malheureusement, malgré tous ses efforts, il ne parvient pas à exaucer ce vœu qui lui est si cher et continue de contempler cette demoiselle dont le quotidien semble si triste. 

La seule réjouissance qui arrive à lui faire décrocher un sourire est la présence de son chien. Un animal qui a toujours été auprès d’elle et qui se présente comme son seul ami. Voilà une situation que Takopi n’arrive pas à comprendre. A ses yeux, elle devrait avoir plein de camarades en allant à l’école. Lui qui a toujours évolué dans une société où la joie et le bonheur sont les maîtres-mots, il s’apprête à découvrir que les humains sont loin d’être aussi prompts à s’entraider. En observant les journées de Shizuka, il va se rendre compte que toute la bonne volonté dont il peut faire preuve sera loin d’être suffisante pour changer la donne. Entre un environnement particulièrement toxique et un entourage faisant fi du bonheur de l’écolière, l’alien pourrait bien provoquer un terrible événement par ses actes. Même en ne désirant qu’apporter la paix à tous ceux qui croisent sa route, ses agissements vont le conduire à une situation où le pire risque de se produire. Peut-il prendre conscience de toute cette tristesse qui entoure Shizuka, mais aussi les gens qui forment son entourage ? Parfois, il faut savoir prendre du recul pour mieux arranger les choses. Une leçon que l’extraterrestre risque bien d’apprendre trop tard. Ses gadgets ont beau avoir des pouvoirs magiques pensés pour donner le sourire, ils sont loin d’être suffisants pour réparer des cœurs brisés.

Si le contexte initial du Péché originel de Takopi peut sembler étrange de prime abord, celui-ci va rapidement prendre tout son sens dès lors que l’on progresse un petit peu dans l’histoire. On va ainsi être emporté dans cette mission que se donne ce petit être venu d’ailleurs face à toute la tristesse et l’obscurité pouvant se trouver en chaque être humain. Un individu dont la naïveté et l’innocence vont le rendre incapable de comprendre réellement ce qui se joue autour de lui. C’est ainsi que vont se confronter sa vision très idyllique du bonheur et la réalité propre à cette planète où chaque jour peut devenir un enfer.

A la croisée de deux mondes

Avant d’attaquer la puissance émotionnelle du manga, il faut parler d’un élément que l’on a trouvé fantastique afin de renforcer l’impact des thèmes abordés. En effet, Le péché originel de Takopi va briller par cette approche si particulière du drame humain. Tout se passe à travers le prisme de ce petit alien ressemblant à un poulpe. En lui donnant pour origine une planète où tout est tourné vers la notion de bonheur, le mangaka va créer une entité abusivement naïve. Cela est loin d’être péjoratif étant donné que cela va apporter une dualité très importante par la suite. Il est vrai que quand on pose les yeux sur Takopi, on ne peut que souligner sa trop grande innocence qui fait qu’il n’arrive même pas à comprendre ce qui se passe réellement autour de lui. En entrant en contact avec des êtres humains, l’extraterrestre va directement poser un regard sur ce que l’on peut connaître que trop bien. Là où il pense qu’il ne peut y avoir que de la joie et des sourires, on voit des larmes et de la détresse presque partout autour de cet enfant. D’un côté, on a une gentillesse presque excessive et de l’autre une représentation très sombre de la nature humaine. Deux extrémités qui vont entrer en collision par la rencontre entre nos deux protagonistes. Cela est fantastique d’avoir créé ce contraste si flagrant, car cela ne va faire qu’appuyer encore plus les tragédies que l’on va vivre en compagnie de ces personnages. 

On a envie de secouer Takopi afin qu’il puisse ouvrir les yeux sur ce qui se passe véritablement devant lui et pourtant, il représente aussi cette innocence que l’on souhaite protéger. Au même titre qu’un nouveau-né faisant ses premiers pas, cet alien nous montre juste qu’il n’a jamais été au contact d’une telle noirceur. Dans un sens, les événements horribles dont on va être témoin sont encore plus impactants du fait que l’on suit une créature qui n’a pas du tout conscience de l’horreur qui se passe devant ses yeux. Au contraire, il va chercher à s’immiscer un peu plus sans même se rendre compte que cela n’arrange pas forcément les choses. Une bonne volonté qui peut conduire à encore plus de souffrances et de tristesse pour ces enfants qui vont faire sa connaissance. D’ailleurs, le fait de le voir se démener pour corriger constamment ce qu’il se passe ne fait qu’appuyer encore plus cette envie que tout s’arrête pour que ce cycle puisse prendre fin. De même, en effectuant un tel appui sur ce qu’il y a de plus mauvais et effroyable chez ces individus, on s’implique encore plus dans ce qui se passe. Mais pourtant, si l’on a d’un côté une lumière trop éblouissante et de l’autre des ténèbres insondables, cela ne signifie pas pour autant que le titre est manichéen. Au contraire, ce rapport initial va finir par nous dévoiler d’autres facettes qui vont nous montrer que derrière chaque acteur de ce récit se trouve un cœur meurtri qui est plus dicté par un désespoir grandissant que par une volonté de surmonter des obstacles semblant si imposants.

Si l’on prend conscience de toute la justesse dans l’écriture de cette histoire au fil des pages, il y a une chose qui va rapidement affecter le lecteur. Il s’agit tout bonnement du torrent d’émotions que l’on va ressentir en voyant les personnages du Péché originel de Takopi tenter de survivre à leur éprouvant quotidien. Chaque case va renforcer ou amener de nouveaux sentiments chez le lecteur qui va alors totalement appréhender cette épopée sous un autre regard en fonction de ce qu’il éprouve. Un manga qui veut être oppressant et déchirant pour mieux exprimer toute la pertinence de ses propos.

Un déferlement d’émotions

Autant le dire tout de suite, il faut avoir le cœur bien accroché quand on se lance dans la lecture du Péché originel de Takopi. Si l’on a déjà pu aborder dans la partie précédente cette opposition entre l’innocence de notre alien et la dure réalité du quotidien de ces enfants, il faut aussi prendre en compte la maîtrise du récit pour toucher la corde sensible. Evidemment, le fait que l’on soit face à des figures enfantines qui subissent des actes ignobles joue inéluctablement sur le lecteur. Alors que l’on voit ces êtres comme des gens à protéger, c’est tout le contraire qui se passe. On assiste impuissant au harcèlement et sévices que subit Shizuka et cela nous conditionne à avoir envie que tout s’arrange pour elle. D’ailleurs, il faut aussi souligner à quel point le trait du mangaka renforce la tristesse qui s’exprime par les expressions faciales de ces êtres humains. Impossible de ne pas sentir une colère monter en voyant ce que subit cette gamine et de partager sa douleur en voyant les larmes qui coulent sur ses joues. Ce manga, derrière son aspect science-fiction du départ, va se présenter comme un drame social et humain qui nous dépeint avec brio et une tragique sincérité ce que certaines personnes peuvent subir. Le pire, c’est que si tout ce qui nous est montré se présente comme du harcèlement scolaire, le manga ne s’arrête pas là. Il va encore plus loin en nous montrant que toute cette haine, cette colère et ces souffrances proviennent très souvent des parents. 

Les problèmes, exigences et erreurs de ces derniers finissent par avoir un impact considérable sur leur progéniture et ils ne s’en rendent même pas compte de ce qu’ils font. En réalité, on suit des enfants qui ne sont pas mauvais ou bons par leur propre personnalité. Ils réagissent en fonction de leur propre environnement qui se veut déjà néfaste et ils ne savent tout simplement pas comment faire pour sortir de cette spirale infernale. Ainsi, on observe ces personnages déverser leur rage sur d’autres alors qu’ils ne sont pas directement concernés. Chacun cherche un exutoire à ses propres malheurs et cela ne fait qu’engendrer encore plus de blessures. On prend conscience de cela au fur et à mesure de l’intrigue et cela ne fait que nous serrer le cœur un peu plus, car on voit très bien que tout ça aurait pu être différent. Cette série veut nous amener face à ces familles détruites où de simples écoliers finissent par commettre l’irréparable, car ils ne voient aucune porte de sortie. Un discours qui peut toucher n’importe qui étant donné que cela s’inscrit dans une réalité concrète où l’on peut s’identifier à ces protagonistes ou comprendre leurs malheurs. Cela rend cette aventure encore plus déchirante et montre que l’auteur, en plus de vouloir traiter de thèmes forts et graves, va rythmer son récit au gré des émotions qu’il nous fait éprouver. Tout nous semble si sincère que ce que l’on ressent à la lecture est aussi authentique. Un manga qui dépasse le cadre du divertissement pour être porteur de propos qui nous frappent violemment et nous rappellent à quel point on peut basculer du bonheur au désespoir en très peu de temps.

Le péché originel de Takopi est une œuvre dont on ne peut ressortir totalement indemne. En voyant ces enfants subir toutes ces souffrances et cet alien ne pas comprendre ce qui se passe, le spectateur que l’on est ne peut rester de marbre. On a envie de leur venir en aide, de crier et de pleurer avec eux tant ce qu’ils nous racontent est le reflet d’une triste réalité. Là où l’on voyait au départ la terrible existence d’une jeune fille harcelée, on finit par entrevoir une tragique épopée humaine où chaque individu vit avec de profonds stigmates en lui. Une expérience littéraire comme on en voit très rarement et qui a un réel impact sur ceux qui le lisent.

Le péché originel de Takopi vise en plein coeur

Oui, Le péché originel de Takopi est une œuvre qui vaut largement le coup d’œil. Comme on a pu le dire en introduction, on ne s’était pas du tout attardé sur le titre lors de sa sortie au Japon. On attendait patiemment qu’une parution en France arrive et finalement, cela s’est fait. C’est ainsi que l’on a pu découvrir cette courte série qui n’en est pas moins mémorable autant sur le plan émotionnel que sur tout ce que nous raconte ces chapitres. D’ailleurs, on aurait facilement pu parler de beaucoup d’autres éléments qui rendent cette lecture aussi marquante. Il n’y a qu’à voir comment le mangaka va réussir à proposer une surprise de taille entre le premier et deuxième volume pour ouvrir les yeux sur le véritable sens de ce titre. De même, l’auteur a aussi réussi à créer des personnages qui, s’ils semblent ancrés dans une posture particulière dès leur première apparition, vont rapidement montrer qu’ils ne sont pas uniquement cette image. Ils se présentent comme des êtres beaucoup plus complexes et qui ne dévoilent leur richesse qu’au fur et à mesure de notre avancée. Le lecteur ouvre alors les yeux sur tout ce qui a causé ces malheurs et l’on ne peut que ressentir une profonde injustice pour ces âmes torturées. Cela ne veut pas dire pour autant que l’ensemble de l’histoire est teinté de noirceur. Au contraire, tous ces drames sont là pour nous amener à une conclusion qui, même si elle laisse une certaine tristesse, veut aussi nous montrer une lueur d’espoir pour ces enfants.

Il est donc aisé de comprendre, en lisant ces quelques lignes, que Le péché originel de Takopi fut un véritable coup de cœur. Exposant à la fois des problèmes de société, relationnels et aussi personnels, cette expérience littéraire aura été à la hauteur de nos attentes. Et même si l’on savait que le titre allait être particulièrement violent sur le plan émotionnel, celui-ci est quand même parvenu à nous toucher profondément au vu de ce qui nous est transmis à travers ces dessins. Évidemment, il est important de rappeler que ce manga s’adresse avant tout à un public averti au vu des scènes violentes et éprouvantes auxquelles on peut assister durant cette découverte. On tient là une licence qui, en seulement deux volumes, arrive à exprimer beaucoup de sujets avec une justesse incroyable et surtout d’un réalisme à la fois déroutant, écoeurant et saisissant. Une œuvre qui, même si elle a un côté très viscéral, peut aisément résonner en chaque personne du fait des thèmes abordés et surtout de ce rappel de ce que la vie et l’être humain peuvent engendrer comme stigmates. Avec ce medium, l’artiste utilise le dessin pour éveiller les consciences et donner vie à un chef-d’œuvre qui s’inscrit à jamais dans l’esprit de celui qui le lit. On referme cet ouvrage en ne pouvant faire une croix sur ce que l’on vient de vivre et surtout sur ces personnages qui sont à peine à l’aube de leur existence et qui ont pourtant déjà connu bien trop de malheurs.

N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant Le péché originel de Takopi. Trouvez-vous que l’on tient là une incroyable épopée humaine et dramatique nous mettant en contact direct avec le désespoir qui peut engloutir n’importe qui ? Avez-vous été profondément touché par le calvaire subi par ces quelques personnages et par leur entourage ? Est-ce que cette courte série a su, selon vous, nous amener des thématiques importantes et souvent très difficiles ? L’utilisation de cet être venu d’un autre monde est-il un bon moyen à vos yeux de souligner la violence de ce qui se passe devant nous ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.