Elden Ring & Mon fils semble avoir été réincarné dans un autre monde
La semaine dernière, on a eu le droit à un véritable florilège de nouvelles licences. Il est toujours intéressant de voir ce que peuvent proposer ces aventures inédites ainsi que de savoir à qui elles s’adressent. De ce côté, Mana Books a été particulièrement prolifique avec la sortie de deux titres faisant leurs débuts dans leur catalogue. Je me suis donc dit, suite à la lecture de ces ouvrages, qu’il serait pertinent de faire une chronique regroupant mon analyse les concernant. Au programme donc de cet article, le tome 1 de Elden Ring et de Mon fils semble avoir été réincarné dans un autre monde. Deux lectures qui sont très loin de se limiter uniquement à ce que leur nom peut refléter. Si le premier va parler à tous ceux ayant joué ou vu de près ou de loin le fameux hit de l’année dernière, ils risquent d’être surpris par la manière dont le récit est amené. De même, le second va aussi se jouer habilement des stéréotypes que l’on connaît autour de l’isekai pour proposer une histoire particulièrement touchante. L’heure est venue de se poser quelques minutes et de voir ce qui peut se cacher derrière ces séries.
Elden Ring
Elden Ring, comme son nom l’indique, s’inspire du célèbre jeu éponyme de FromSoftware. Cette adaptation en manga est réalisée par Nikiichi Tobita. On se retrouve propulsé dans Nécrolimbe, un royaume de l’Entre-Terre. C’est là que l’on fait la rencontre d’un individu sans le sous et sans vêtements répondant au sobriquet de “Sans-nom”. Pensant pouvoir rapidement mener une vie paisible et enrichissante, il va rapidement s’en mordre les doigts. Ces terres sont le lieu d’une multitude de dangers et chaque rencontre devient un combat impitoyable pour sa survie. Heureusement pour lui, il va faire la rencontre de la mystérieuse Mélina. Cette dernière compte bien l’aider dans son périple vers une destinée grandiose. Pour cela, elle lui indique de suivre la grâce jusqu’à l’Arbre-Monde. Mais Sans-nom est très loin de faire exactement ce qu’elle lui demande. Pour simplement survivre en cet endroit, il ne va avoir de cesse de vivre des expériences inattendues et surtout de faire des rencontres particulièrement gratinées. Entre Pat l’Affranchi, Blaidd le Semi-Loup, Margit le Déchu, Godrick le Greffé et Ranni la Sorcière, ce royaume n’a pas fini de le surprendre. Chaque pas est pour lui une torture et va surtout l’amener à bien des misères. Après tout, comment un homme vêtu d’un simple bout de tissu et passant son temps à aller contre les directives de son guide a une chance de survivre ? Son chemin le menant à sa première grande escale s’annonce bien long alors que le château de Voilorage se dresse fièrement au loin. Voici le récit d’un élu n’ayant absolument rien d’un héros. Ne placez pas trop d’espoir en lui, car cela ne serait que bêtise de croire qu’il peut s’en sortir de son propre chef. Heureusement pour lui, les autres personnes habitant ces terres sont aussi barrées.
Ce qui est remarquable avec le manga Elden Ring, c’est qu’il va prendre à contrepied tout ce que l’on pensait connaître du jeu. En effet, comme la majorité des productions du studio, ce titre fut considéré comme un éprouvant challenge où la mort accompagne constamment le joueur qui doit redoubler d’efforts dans un monde particulièrement éprouvant. Ici, on nous fait rapidement comprendre qu’il y a d’innombrables dangers sur ces terres, mais tout ce sérieux va être désamorcé par l’aspect totalement loufoque de cette épopée. Quoi de mieux alors pour surprendre les habitués du matériau de base que de prendre une œuvre aussi sombre et éprouvante qu’Elden Ring et d’en faire une pure comédie. S’il est vrai que cela peut dérouter et même nous donner l’impression de dénaturer le jeu d’origine, le récit va pourtant fonctionner à merveille. Cela est dû, en grande partie, à cette maîtrise des codes propres à l’épopée initiale afin de les parodier. Ainsi, toutes les réflexions que le protagoniste va se faire ainsi que ses réactions vont possiblement faire écho à des événements que l’on a connu manette en main. De plus, l’humour absurde fonctionne très bien, car il contraste pleinement avec les nombreuses menaces qui existent sur ces terres. Alors que les monstres devraient nous effrayer, le personnage de Sans-nom réussit toujours à dédramatiser ça par une de ses réflexions ou bien un comportement absurde. Mais ce qui est encore plus fort, c’est que ce côté burlesque ne se limite pas uniquement à ce pseudo-héros qui n’est finalement qu’un gars ordinaire plongé dans un monde infernal. L’ensemble des personnages emblématiques du titre vont se montrer sous un autre jour. Il y a toujours un écho par rapport à leur lore et à leur histoire, mais tournée de manière à susciter le rire plutôt que l’inquiétude. En plus de ça, le trait de Nikiichi Tobita colle à merveille avec le style du titre à l’origine de ce manga. Un récit qui nous montre que l’on peut tout à fait proposer une approche aussi étonnante qu’hilarante d’un univers pourtant connu pour être à l’opposé de tout ça. Une autre manière d’aborder cet univers et qui sait où frapper pour provoquer l’amusement du lecteur.
Mon fils semble avoir été réincarné dans un autre monde
Derrière ce titre assez évocateur se trouve Kanemoto au scénario et Hikari Shibata au dessin. L’histoire de Mon fils semble avoir été réincarné dans un autre monde nous plonge dans un univers contemporain et plus particulièrement au Japon. On y fait la connaissance de Dobara, un employé de bureau âgé de 35 ans. Ne faisant jamais de vague et évitant au mieux toute interaction avec ses collègues en dehors du cadre professionnel, cet homme est un otaku ayant nourri depuis des années des difficultés concernant tout ce qui touche aux relations humaines. Malgré cela, il s’est finalement habitué à son mode de vie en étant presque résigné de ce fossé qui le sépare des autres. Pourtant, sa vie va prendre un tournant inattendu quand Mio Hayama débarque dans sa vie. Cette ravissante femme s’avère être une ancienne camarade de classe de Dobara. Cependant, alors qu’il était considéré comme un pestiféré par la plupart des gens par rapport à sa passion du manga et des light novels, elle était tout le contraire. Véritable coqueluche de l’école, il ne se passait pas une journée sans qu’elle ne soit entourée de nombreux amis. Totalement opposé, il se demande pourquoi elle refait surface après tant d’années. Elle va alors lui apprendre une bien triste nouvelle. Son fils de dix-sept ans a perdu la vie dans un tragique accident de voiture. Une nouvelle qui chamboule son interlocuteur, mais pas autant que ce qu’elle va dire ensuite. En effet, elle déclare que son enfant n’a pas totalement disparu et qu’il vit sûrement en ayant été réincarné dans un autre monde. Elle demande alors l’aide de Dobara à travers ses connaissances d’otaku afin qu’elle puisse le retrouver. Une requête totalement saugrenue, mais qui va pourtant les amener à s’ouvrir l’un l’autre et à voir ce qui se cache réellement derrière tout ça.
Autant le dire tout de suite, j’ai eu un énorme coup de cœur pour ce premier volume de “Mon fils semble avoir été réincarné dans un autre monde”. Avec cette œuvre, on nous montre à quel point le genre de l’isekai peut foisonner d’excellentes idées et nous amener sur des terrains inattendus. N’ayant absolument rien de féérique, ce récit s’ancre dans une réalité bien concrète et à laquelle on peut s’identifier. On ne nous compte pas ici une histoire où la fantasy prend le pas sur le monde réel. Il est question avant tout d’une jeune femme qui a perdu son fils et qui ne peut accepter cela. Elle se raccroche donc à cette idée que celui-ci est toujours en vie quelque part et que cela pourrait être dans un de ces mondes qui voient le jour dans les mangas ou light novels. S’il y a un petit côté comique de la voir en train de chercher toutes les méthodes connues pour être amenées dans un autre univers, on prend rapidement conscience du drame qui se dessine devant nous. On nous conte avec brio le désarroi d’une mère pour qui son enfant était tout et qui, par une forme de désespoir, cherche juste une branche à laquelle s’accrocher. Ses recherches, en compagnie de Dobara, vont alors nous serrer le cœur, car on prend conscience petit à petit de ce que cela signifie. Mais ces retrouvailles entre les deux anciens camarades de classe vont aussi être l’occasion pour les deux d’avancer progressivement. On apprend à mieux les connaître et on se rend compte, d’un côté comme de l’autre, que les apparences sont souvent trompeuses. Une lecture qui parle avec brio et justesse des rapports humains, de la mort, de la passion et surtout de la difficulté à trouver sa place dans ce monde. On assiste à la naissance d’un duo formidable pour lequel on a beaucoup de sympathie et que l’on a envie de suivre dans cette quête farfelue pour beaucoup, mais importante à leurs yeux afin de tourner la page.