Wakka : une âme en peine s’accrochant à des promesses
Quand on évoque Final Fantasy X, beaucoup d’éléments et de souvenirs nous viennent en tête. Ses musiques fabuleuses, son histoire tragique et ses moments emblématiques. Parmi tous ces symboles, le casting du jeu fait partie intégrante du plaisir que l’on a une fois la manette en main. Pourtant, cet épisode est aussi celui qui a vu certains personnages être assez détestés par les fans au vu de leur comportement, agissements ou même principes. Parmi eux, il y a un membre de l’équipe qui a longtemps fait parler de lui et qui n’est autre que Wakka. Le capitaine des Besaid Aurochs a toujours été un sujet assez singulier quand on évoque cet opus de la franchise. Se présentant comme un individu campé sur ses positions et qui va même souvent être en contradiction avec l’évolution du scénario. Pourtant, c’est justement cette écriture qui rend ce coéquipier aussi intéressant notamment quand on prend en considération son passé et le monde dans lequel on évolue. Un gardien qui a su trouver une sorte de réconfort dans les croyances de Spira à tel point que cela a brisé son propre libre-arbitre et esprit de réflexion. Il est donc grand temps de voir ce qui se cache derrière ce grand gaillard.
Un joueur ayant de l’énergie à revendre
Quand on fait pour la première fois la rencontre de Wakka, c’est au moment où Tidus se retrouve sur l’île de Besaid. C’est là qu’il va faire la connaissance de ce joueur de blitzball et de ses coéquipiers. Il est vrai que la première chose qui nous frappe le concernant est cette mèche rebelle qui lui donne un style si particulier. De plus, on peut rapidement sentir qu’il est un personnage débordant d’énergie et qui ressemble, dans un sens, à notre héros. Même s’il se montre plus âgé et parfois plus posé, il y a rapidement cette forme d’alchimie qui naît entre lui et son nouvel ami. Un lien qui va progressivement se transformer pour devenir presque une relation fraternelle. A ce moment précis où l’on fait sa rencontre, on est encore un peu déboussolé par tout ce qui se passe. Après tout, on avait été témoin de la destruction de Zanarkand avant de passer un court moment avec Rikku pour ensuite être propulsé sur cette plage. Wakka est donc présenté comme le nouvel individu qui va prendre Tidus et le joueur sous son aile. On a beau être dérouté par son look, il symbolise une forme de réconfort dans ce début d’aventure particulièrement tumultueux. De même, le cadre que nous délivre sa terre natale contraste avec tout ce que l’on a connu auparavant. Une île paradisiaque en apparence et qui nous permet de souffler un peu après tout ce que l’on a vécu. Cependant, Wakka n’est pas uniquement le premier véritable équipier que l’on va connaître. Il est aussi celui qui va nous introduire progressivement aux croyances et à la religion propres au monde de Spira. Un élément essentiel que j’aborderais un peu plus tard dans la chronique.
Se battant avec sa balle de blitzball, il se présente comme le sniper du groupe capable de toucher aisément ennemis volants et autres adversaires ayant une grande agilité. N’hésitant jamais à exprimer son enthousiasme débordant, Wakka est une figure remarquable dans le sens que ce qu’il nous montre initialement est loin d’être ce qu’il est au plus profond de lui. Au départ, il montre un visage particulièrement enjoué et est toujours prêt à taquiner son nouveau camarade alors que cela fait à peine quelques heures qu’il le connaît. Cela appuie pleinement le fait cette sensation d’avoir un ami devant nous qui cherche avant tout à venir en aide à ce naufragé qu’est Tidus sans pour autant faire preuve d’une naïveté exacerbée. Au contraire, il montre des signes de méfiance le temps d’apprendre à connaître son nouvel invité. Pourtant, il va rapidement baisser sa garde du fait qu’ils sont tous les deux des joueurs de blitzball. Un sport commun qui va les unir et va même convaincre Wakka de faire de ce nouveau venu une potentielle recrue pour son équipe. Il y a donc cette similitude qui se forme entre les deux protagonistes qui fait que l’on est tout de suite dans une ambiance plus chaleureuse et conviviale où tout semble initialement rythmé par la compétition à venir. Ce n’est qu’un peu plus tard que l’on va réellement prendre conscience du rôle qu’il endosse et qui ne se limite pas à celui de capitaine des Besaid Aurochs. Un gardien qui va être un peu le grand frère de l’équipe à venir, mais surtout celui qui va connaître le plus grand conflit interne au sein de cette team. Lui qui se montrait si chaleureux et souriant de prime abord cache un traumatisme bien plus profond qui a radicalement changé sa vision du monde, de la vie et de ses principes.
La vérité derrière ce sourire
Avant de s’attarder plus profondément sur ce qui fait le personnage de Wakka, il est important de remettre en avant les quelques éléments que l’on peut reprocher à ce protagoniste. En réalité, quand on prend le temps d’écouter les joueurs, on se rend compte qu’il y a un élément qui revient très souvent. Il s’agit tout bonnement de cet entêtement qui le caractérise concernant Yevon et tout ce qui tourne autour des préceptes propres à ce dogme. S’il est loin d’être le seul à suivre cette religion prédominante à Spira, il est sûrement celui qui en est le plus fervent défenseur au sein de l’équipe. Il n’y a pas un seul acte que l’on va faire qui ne va pas le faire réagir en tant que fidèle et aussi en tant que gardien. C’est pour ça que Wakka est souvent considéré comme un personnage irritable. Il n’arrête jamais de faire un peu le moralisateur du fait qu’il faut rester dans la voie tracée par les pontes de Bevelle. S’il n’est pas sujet ici de remettre forcément en question sa foi, qui aura été d’un grand secours pour lui, c’est surtout le fait que celle-ci s’exprime bien plus à travers sa bouche que le libre-arbitre de Wakka. Cela ne vous rappelle rien ? En fait, les raisons pour lesquelles ce protagoniste est peu apprécié sont les mêmes que pour Steiner de FFIX. Un caractère bien trempé pour deux personnages qui sont aveuglés par ce qui gouverne leur vie. Pour le chevalier, c’était sa loyauté sans faille à l’égard de la reine Branet qui l’empêchait de voir réellement ce qui se passait autour de lui. De l’autre, notre capitaine se recroqueville dans cette religion à un point qu’il cherche toujours à expliquer ou à raisonner de manière à ce que tout entre en concordance avec les principes de cet ordre. Deux approches différentes, mais pour un traitement qui est assez similaire.
Mais dans un sens, le fait que l’on puisse ressentir à son égard indique que l’écriture fonctionne concernant ce personnage. Après tout, il est loin d’être le seul à suivre les préceptes de Yevon étant donné que Lulu, Yuna et lui sont les principaux représentants de cette croyance au sein de l’équipe. Ils sont unis par des liens presque familiaux et aussi par cette envie de croire en ce que dit cet ordre pour justement guider la population en cette époque troublée. Pourtant, si l’on aurait pu croire que Yuna serait la plus fervente défenseuse de cette religion, celui qui reste le plus ancré dans ses positions est Wakka. Contrairement à notre invokeur et à notre mage noir, il voue une haine farouche aux Al Bhed pour leur utilisation de machines prohibées par l’Eglise. Lui qui se montrait si souriant et avenant au départ montre un visage bien plus sévère et surtout une vision du monde étriquée du fait qu’il ne veut pas voir au-delà de ces lois instaurées par quelques individus. En réalité, Wakka se complait dans cette sécurité qu’offre Yevon, car il a peur de réfléchir de lui-même à ce qui est juste ou non. Une solution qui peut sembler facile à première vue, mais qui le dépouille de ce qui fait de lui un être humain doué de raison et surtout de réflexion. La question ici n’est pas de savoir si oui ou non ces préceptes ont raison, mais de ne pas enfermer son esprit dans cette cage réconfortante pour justement se permettre de remettre en cause certaines idées de nous même. Il ne faut donc pas voir Wakka comme un fervent défenseur de ce courant juste par une croyance poussée à l’extrême. C’est avant tout un homme qui a perdu pied depuis longtemps et qui a su trouver un refuge dans la seule voie qui lui était offerte à ce moment. Un cocon qui a fini par entraver son regard sur ce qui l’entoure et sur sa propre existence.
Un être rongé par la perte de son frère
Mais quand on prend du recul concernant le personnage de Wakka, on se rend compte qu’il est avant tout un homme guidé par les blessures du passé et la perte de son petit frère Chappu. Ce dernier a trouvé la mort en portant sur lui une arme prohibée par l’Eglise lors d’une opération ayant eu lieu un an avant l’apparition de Tidus. En comprenant ça, on change progressivement notre regard sur ce grand frère qui n’a pas su protéger sa seule famille. Sa dévotion à Yevon, sa haine des machines et des Al Bhed découlent directement de ce tragique événement. Ne pouvant accepter la perte de Chappu, il a trouvé comme unique refuge cette religion qui lui permettait de soulager sa conscience et surtout de trouver un bouc émissaire pour déverser sa détresse et sa rage. Il ne s’est pas jeté dans les rangs des fidèles de Yevon de sa propre volonté, mais c’est juste tournée vers elle, car il fut incapable de réellement avancer suite à cette disparition. Là où Lulu fut aussi profondément impactée par la mort de Chappu, elle a su prendre un peu plus de recul que celui qui deviendra son futur partenaire de vie. Pour ce dernier, c’est la culpabilité et le désespoir qui ont fini par l’entraîner sur cette pente où il pensait avoir trouvé un refuge, mais qui a fini par l’enchaîner pour qu’il ne pense plus réellement par lui-même. C’est pour ça qu’il est celui qui veut constamment remettre ses coéquipiers dans le chemin de cette foi qui a presque eu une sorte d’endoctrinement sur son esprit. A ses yeux, cela est devenue l’unique solution pour continuer de vivre et faire face à cette calamité qu’est Sin. Pourtant, plus on progresse dans l’histoire et plus il doit faire face à l’envers du décor concernant Yevon.
Là où les autres membres de l’équipe vont progressivement ouvrir les yeux et privilégier la vie de Yuna à son sacrifice, Wakka hésite encore énormément. Il s’est tellement accroché à cette idée que tout était de la faute des machines qu’il n’a pas pensé un seul instant qu’il pouvait avoir tort ou que ceux utilisant ces objets n’étaient pas forcément de mauvaises personnes. Au contact de Tidus, il va prendre conscience que l’important ici n’est pas de suivre des règles qui prônent le sacrifice d’une personne qui lui est chère pour sauver le plus grand nombre. Il déteint sur lui et montre qu’il ne faut jamais laisser d’autres empêcher au libre-arbitre de s’exprimer. De même, en traînant avec Rikku, il va aussi changer progressivement concernant son rapport avec son peuple. Quand on y pense, Wakka est sûrement l’un des personnages qui évolue le plus tout au long de l’épopée. Le grand frère bienveillant et le fidèle des premières heures va lutter constamment entre ce réconfort factice et cette envie d’aller de l’avant vers un avenir qui lui est incertain, mais où il serait maître de son destin. Il est l’homme agaçant qui veut rester sur ses positions non pas par réelle conviction, mais plus par sûreté. Craignant ce qu’il ne peut maîtriser et ayant déjà été témoin de la mort d’un proche, c’est la douleur qui dicte avant tout les pas de ce joueur de blitzball. Une existence bien tragique, mais qui justement fait toute la force de son écriture. Quand on assiste à ses agissements dans la dernière ligne droite du jeu, on est heureux de voir qu’il ne se bat plus pour assurer une simple période de paix, mais pour une tranquillité éternelle en compagnie de ses amis.
Wakka mène un combat constant
Il est justement génial de voir que même un personnage qui est loin d’être apprécié par les joueurs peut en réalité cacher une profondeur incroyable. C’est exactement le cas pour Wakka qui a parfaitement sa place dans ce dixième opus. Oui, il est énervant à plus d’un titre, mais cela fait partie intégrante de son personnage. Il est cette représentation du disciple qui s’est réfugié dans sa foi pour éviter d’avoir à tenir les rênes de sa propre existence. On a envie de le secouer et qu’il ouvre les yeux sur l’horreur de cette quête afin qu’il puisse chercher, au même titre que les autres, une solution pour changer ce cycle sans fin de vie et de mort. Mais c’est justement ce qui est recherché par les développeurs qui se servent de ce protagoniste pour représenter physiquement cette opposition entre les préceptes de Yevon et ce vent de liberté qui est amené par Tidus. L’humain se confronte au dogme religieux pour un résultat incroyable tant il montre l’influence néfaste que cela peut avoir sur ceux qui en oublient toute pensée personnelle. Quand Wakka parle du fait que personne ne devrait utiliser les machines, ce discours est en réalité celui de l’Église de Yevon qui a finalement été un bon prétexte pour justifier la mort de Chappu alors que tout ça n’a rien à voir. Il croit que ces mots sont les siens, mais c’est en réalité ceux qu’il a pu entendre au moment où tout allait mal et qui ont résonné en lui comme une porte de sortie pour éviter de souffrir de nouveau.
Ce n’est pas pour rien qu’il voit en Tidus une sorte de petit frère de substitution. Le fait que ce dernier soit ignorant de tout concernant Spira lui permet d’endosser une fois de plus ce rôle de protecteur à l’égard d’une personne qu’il prend sous son aile. Finalement, c’est cet étranger qui va lui ouvrir les yeux sur l’importance réelle de ce sentiment de fraternité et surtout de combattre non pas pour trouver une explication à la mort de Chappu, mais pour lutter en son honneur. Une perte tragique qui eut lieu en voulant mettre un terme au règne de terreur de Sin, mais qui ne doit pas devenir un prétexte pour se résigner, mais comme une envie de mettre aussi un terme à cette source de souffrance. Voilà pourquoi Wakka est, selon moi, un personnage fabuleux dans ce qu’il symbolise et surtout ce conflit interne qui l’assaille et qui représente une bonne partie de cette aventure. Au même titre que certains autres personnages centraux de la licence, le capitaine des Besaid Aurochs est avant tout humain dans sa manière de se protéger de la détresse. Voilà pourquoi je tenais autant à parler de ce protagoniste qui est très loin d’être seulement ce que l’on peut penser de lui au premier abord. Il y a beaucoup à creuser autour de ce personnage et il est sans doute l’un de ceux qui représente au mieux cette dualité qui rythme Spira. J’espère en tout cas que cette chronique vous aura plu et n’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant Wakka. Il y a encore beaucoup d’articles à venir sur le monde vidéoludique !