Blue Wolves T1 & 2 : l’ascension d’un jeune loup
On le sait, le Shinsen Gumi est une grande source d’inspiration dans l’univers du manga. On ne compte plus le nombre de séries qui abordent ce groupe historique ayant fait tant trembler le Japon. Que cela soit au cœur de l’intrigue ou bien intégré au récit, les figures iconiques de cette organisation n’ont eu de cesse de s’incruster dans la culture pop après avoir gravé leur nom dans l’Histoire. Vous l’aurez compris, si je parle de ces gens c’est parce qu’ils sont au cœur de l’œuvre que l’on va aborder aujourd’hui. En effet, on aborde cette fois les deux premiers volumes de Blue Wolves qui viennent tout juste de sortir chez Kana. Dès son annonce, j’étais impatient de voir ce que donnerait cette série. C’est vrai que l’on peut se demander comment apporter quelque chose de nouveau en prenant un sujet ayant déjà été traité de si nombreuses fois. Et pourtant le manga réussit habilement à nous amener une proposition captivante avec l’arrivée d’un personnage en particulier. On va alors avoir une vision assez unique de ce groupe à travers les yeux de ce protagoniste qui va les suivre. L’heure est donc venue de suivre ces épéistes aguerris qui ont été le cauchemar de tellement de gens.
Le garçon qui voulait un monde meilleur
Blue Wolves, imaginé par Tsuyoshi Yasuda, nous emmène à Kyoto en 1863. On y fait la connaissance d’un jeune garçon répondant au nom de Nio et qui est un orphelin ayant été adopté par une vieille femme tenant un modeste restaurant. En compagnie de sa jeune sœur adoptive, il semble profiter pleinement de la vie qui s’offre à lui. Prenant un immense plaisir à aider au service, Nio garde toujours le sourire et apporte beaucoup de joie aux gens qui font sa connaissance. Cependant, il ne s’attendait pas du tout à ce que deux clients changent radicalement son existence. C’est durant un jour qui commençait normalement qu’un binôme va faire son apparition à l’entrée du bâtiment. Ces visiteurs ne sont autres que Toshizô Hijikata et Sôji Okita, deux membres importants des Miburo. Chargés de veiller à la quiétude de la ville, ces combattants aguerris sont pourtant loin d’être appréciés par la populace. Considérés comme des gens faisant fi des lois pour instaurer leur propre ordre, ils sont coupables de bien des meurtres sous couverts de leur justice. Les événements qui vont suivre et les échanges que Nio va avoir avec ces deux épéistes vont réveiller en lui quelque chose qu’il a toujours gardé enfoui. En fait, s’il fait mine de sourire et d’être heureux, le jeune garçon sait pertinemment que la réalité des citoyens est bien loin d’être joyeuse. A chaque coin de rue, il est possible de se faire détrousser ou bien de mourir.
Impossible non plus de sortir la nuit de peur d’être la victime d’un vagabond mal intentionné. L’angoisse est palpable dans le cœur de chacun même si la population fait tout pour vivre avec ce sentiment effroyable. Pour Nio, cette situation est insoutenable et il ne peut accepter un monde aussi sinistre et violent à l’égard des innocents. Son rêve est de changer cette société afin que les sourires affichés par son entourage ne soient plus des faux-semblants. En voyant la détermination dont il fait preuve, les deux agents de Miburo lui proposent alors de rejoindre leur groupe. C’est après avoir bien réfléchi à ce que cela entraînerait pour son entourage qu’il finit par accepter. A ses yeux, cela est une occasion pour lui de se rapprocher de son rêve même si cela implique de s’éloigner de ceux qu’il considère comme sa famille. Le voilà maintenant sur le point d’entrer dans un environnement où le combat est constant et surtout la mort omniprésente. Si ce groupe peut sembler loufoque et chaleureux de prime abord, Nio va rapidement se rendre compte que son nouveau mode de vie sera fait de sueurs, de sang et de larmes. La réalité qu’il a tant cherché à combattre risque fort de lui revenir au visage. La question est maintenant de savoir si sa vision de la justice et d’un monde en paix pourra tenir face à cette violence. Face à la lame tranchante de ceux qui veulent nuire à la quiétude des habitants, de simples mots ne seront pas suffisants pour stopper cette escalade de haine.
On comprend rapidement, en lisant le synopsis de Blue Wolves, que l’on va suivre la destinée de ceux qui forment le Shinsen Gumi. Cependant, là où la série va se différencier, c’est dans l’introduction d’un autre personnage. Un simple gamin qui ne s’attendait pas du tout à voir sa vie changer du jour au lendemain et qui va avoir une influence de plus en plus forte sur le fameux groupe. On est alors intrigué par l’avenir qui attend ce garçon se retrouvant du jour au lendemain au sein d’un groupe qui va entrer dans la légende. Une part d’humanité qui va s’intégrer habilement à cette équipe provoquant tant d’angoisses.
Confrontation des idéaux
Comme je l’ai dit un peu plus haut, il n’est pas rare d’avoir des œuvres traitant du Shinsen Gumi et de ses représentants. Cependant, Blue Wolves va prendre une direction inattendue grâce au personnage de Nio. Ce jeune garçon est présenté comme un nouveau membre qui va surtout servir de prisme au spectateur pour entrevoir le quotidien de ces guerriers. On entre alors dans une dimension fascinante étant donné que le manga va énormément jouer sur l’opposition des idéaux. S’il y a un peu d’action dans ces deux premiers volumes, le titre ne souhaite pas se présenter comme une œuvre purement tournée vers ça. Au contraire, l’auteur va prendre son temps pour que l’on s’imprègne du quotidien des Miburo et surtout apprendre à mieux cerner les diverses personnalités qui composent cette faction. Quand on voit Nio pour la première fois, notre personnage principal peut sembler grandement simplet, et même un peu naïf dans sa manière de voir les choses. Ayant un désir presque utopiste sur l’évolution de la société, il semble ne pas avoir sa place au sein de ces combattants qui sont bien conscients de la triste vérité de ce monde. Mais c’est là qu’est tout le génie de la série. En effet, on peut facilement penser que le regard de Nio est encore très enfantin et pur, mais c’est justement ce qui fait sa force. Alors que tout le monde semble s’être tristement habitué à ce quotidien souvent sanglant, il est le seul pour se lever et crier haut et fort que tout ça n’a rien d’acceptable.
Il offre cette petite lueur d’espoir qu’a pu voir le tandem ayant fait sa rencontre et qui peut être le déclencheur de quelque chose de bien plus fort pour le pays. Cela peut paraître un peu trop grand, mais on se rend progressivement compte à quel point la présence de cet adolescent apporte énormément à l’équipe. S’il est loin d’être le plus doué au maniement du sabre, il va malgré tout faire preuve d’une vivacité d’esprit remarquable. Ainsi, il n’a aucun mal à comprendre ce qui peut se cacher derrière les agissements de certains membres, et même à déceler si quelqu’un est réellement digne de confiance. Cela contraste avec son attitude pacifiste et innocente rendant le personnage encore plus insaisissable à suivre. Cette complexité dans son écriture est justement ce qui rend sa présence aussi indispensable. Conscient du monde qui l’entoure, Nio est loin d’être un idéaliste ne comprenant rien à ce qui se passe réellement. Au contraire, c’est parce qu’il est bien conscient du danger qui plane sur chaque habitant qu’il est autant déterminé et prêt à suivre une voie qu’il n’aurait pas voulu initialement. Ce que Hijikata a vu en lui n’est rien d’autre qu’un avenir possible où les lames seraient enfin rangées à jamais et où la peur ne guiderait plus les pas du commun des mortels. Nio a beau être un personnage n’ayant pas la renommée des autres, il a pourtant déjà su impacter fortement le destin de certains de ses camarades. Ce qui fait la force de cette série est l’introduction d’un tel personnage au sein d’un groupe avec une telle aura.
Dans Blue Wolves, il va être captivant de voir toutes ces oppositions qui se jouent au sein même de ce groupe. Ils ont beau être unis, on peut voir se dessiner des dualités intéressantes notamment avec le personnage de Nio. Un garçon qui ne semble pas à sa place au sein de ce groupe et qui pourtant va réussir à capter notre attention par sa vivacité d’esprit et sa vision du monde. De ce fait, on ne s’attarde pas uniquement sur l’aspect martial de nos épéistes, mais aussi sur la raison pouvant les pousser à suivre cette voie. Il va alors être prometteur de voir comment l’histoire va évoluer et surtout l’impact qu’aura cet adolescent au milieu de ces hommes entrés dans la légende.
Blue Wolves sort les crocs
En se lançant dans une oeuvre traitant du Shinsen Gumi, on s’attend très souvent à assister à de nombreuses confrontations ou bien avoir le droit à un côté action fortement représenté. Pourtant, Blue Wolves nous montre que ce groupe ne s’est pas uniquement construit autour des prouesses martiales de ses membres. Au contraire, il y a aussi toute une question d’idéologie ayant nourri cette équipe et le combat qu’elle a mené. Quand on y pense, le personnage de Nio est brillant, car il représente un peu ce regard que va avoir le lecteur. Une vision externe à ce rassemblement qui joue avant tout sur la paix et l’envie d’avoir des lendemains meilleurs. Mais l’auteur ne s’arrête pas là pour son protagoniste. En plus d’être un remarquable prisme pour nous, Nio est aussi un individu qui capte toute notre attention par sa façon d’interagir avec son environnement. Faisant fi de certaines convenances qui vont à l’encontre de son souhait d’un monde plus juste, il arrive à voir au-delà des apparences. Un être bien plus posé qu’il n’y paraît et qui apporte quelque chose de capital et surtout important aux Miburo. Il s’agit de cet espoir en la génération future. Mais cela n’empêche pas d’avoir des hésitations concernant le développement du jeune garçon. Après tout, il risque encore d’être témoin de la réalité qui frappe ces rues et les habitants de la ville. Cela ne fait que nourrir notre intérêt pour le futur de la série et des membres de cette organisation qui commencent tout juste à faire résonner leur nom dans l’histoire.
C’est donc avec beaucoup d’intérêt pour l’ensemble du manga que je ressors de cette découverte des deux premiers tomes de Blue Wolves. Une autre manière de traiter le récit de ces combattants qui ont laissé en lettres de sang leur empreinte dans le patrimoine du pays. Le contraste entre cette nouvelle recrue et le reste du casting est ce qui amène ce vent de fraîcheur au sein de cette histoire que l’on peut déjà bien connaître. Nous sommes avant tout devant une licence qui veut non pas opposer des hommes entre eux, mais des idéaux et des principes. C’est ce que l’on peut constater avec Nio et son combat constant face à la brutalité de ce monde dans lequel il a grandi. Voilà une saga qui pourra plaire aux amoureux de fresque historique, mais aussi à ceux qui veulent une autre manière de traiter la légende du Shinsen Gumi. Bien évidemment, il y a énormément de questions qui me viennent à l’esprit après avoir refermé ce second volume. Est-ce que Nio va réussir à conserver sa détermination face aux atrocités dont il pourrait être témoin ? Comment vont réagir ses camarades face aux changements qui s’opèrent en ville ? Que va bien donner la nouvelle mission qui incombe à ce groupe ? Est-il réellement possible pour ce jeune garçon de changer, ne serait-ce qu’un peu, ce monde en proie au chaos ? J’ai très hâte de voir ce que nous réserve le futur de ce périple.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ces deux premiers volumes de Blue Wolves. Trouvez-vous intéressant la manière dont le Shinsen Gumi est présenté au sein de cette œuvre ? Est-ce que le personnage de Nio a su vous intriguer par ce qu’il amène au sein de ce groupe ? Pensez-vous que l’on va avoir le droit à un traitement pertinent de l’ensemble des personnages au sein de ce contexte historique ? Pensez-vous que l’on va assister à un changement drastique au sein de cette équipe ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? Je reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.
© 2021 Yasuda Tsuyoshi, Kodansha