Yôkai War Guardians tome 1 : de trop grandes responsabilités
Dans le monde du manga, il n’est pas rare de voir les auteurs s’inspirer de leur folklore et culture pour écrire leurs histoires. C’est ainsi que le thème des yokais est devenu un élément récurrent dans beaucoup de séries nous permettant ainsi de faire plus ample connaissance avec ses esprits japonais. Même en étant peu connaisseur, le terme suffit à éveiller en nous certaines connaissances liées à ce que les artistes nous partagent. Il est alors toujours intéressant de voir comment cet élément profondément ancré dans leurs mythes et histoires peut être représenté à travers le dessin. Si je parle de tout ça, c’est parce que le titre dont je vais vous parler aujourd’hui part totalement dans cette approche, mais à sa manière. Il s’agit de Yôkai War Guardians, édité chez nobi nobi, dont le premier volume est sorti la semaine dernière. N’ayant eu que peu d’informations sur cette courte série, ma curiosité a fini par l’emporter en me disant de voir ce qui pouvait bien se cacher derrière cet ouvrage. J’ai alors pu découvrir un récit qui utilise des codes classiques du genre, mais qui va les tordre pour raconter une intrigue qui lui soit propre. L’heure est donc venue d’assister à la naissance d’un jeune héros… ou pas.
Le futur du Japon
Yôkai War Guardians, dessiné par Sanami Suzuki d’après l’œuvre originale de Yûsuke Watanabe, nous fait suivre l’histoire du jeune Kei Watanabe, 11 ans. Toujours plongé dans ses pensées et portant constamment son casque sur les oreilles, ce gamin semble s’être totalement renfermé au monde extérieur. Ayant perdu son père, il y a quelque temps, il doit maintenant vivre avec son petit frère et sa mère. Malheureusement, cette dernière a un travail qui lui prend beaucoup de temps et qui pousse Kei à devoir s’occuper régulièrement de son frangin Dai. Mais là où au sein de certaines fratries, la relation peut être fusionnelle, c’est tout le contraire ici. Kei ne peut s’empêcher d’être agacé par Dai qui se montre toujours enjoué et insouciant. La raison de cette colère est qu’il le tient pour responsable du décès de leur père. Il n’hésite pas d’ailleurs à le lui dire quand il ne supporte plus cette situation et cette absence au sein de leur famille. Malgré tout, Dai fait de son mieux pour garder le sourire et ne semble voué aucune rancœur à l’égard de la haine de son aîné. Ainsi, le quotidien des Watanabe est loin d’être réjouissant et s’apprête à connaître un revirement inattendu pour les deux frères. Un soir, Kei est tiré de son sommeil par des créatures surnaturelles qui ne sont autre que des yôkai. Ces êtres, faisant partie de la culture japonaise, ont toujours été pour le garçon de simples mythes qui n’existaient que pour effrayer les gamins.
Mais le voilà maintenant face à ces créatures qui semblent avoir désespérément besoin de lui. En effet, un monstre gigantesque a fait son apparition et répond au nom de Yôkaijû et se dirige actuellement vers Tokyo en détruisant tout sur son passage. Si rien n’est fait, cette entité monstrueuse finira par conduire à la destruction de l’ensemble du pays. Un résultat qui n’arrangerait en rien les autres yôkai malgré le fait que leurs homologues d’autres contrées semblent les avoir abandonnés. Ils n’ont alors pas eu d’autre choix que de demander à Kei de leur venir en aide, car il serait le descendant d’un célèbre chasseur de démons ayant vécu il y a 1 000 ans. Face à tout ça, Kei ne peut s’empêcher de croire qu’il fait face à un mauvais rêve et qu’il va bientôt se réveiller. Malheureusement pour lui, tout ça est bien réel. Mais alors que tous ces esprits attendent patiemment qu’il accepte, sa réponse sera tout autre étant donné qu’il préfère refuser cette proposition. A son sens, il n’a absolument pas les épaules pour endosser ce rôle et a tout simplement peur de partir combattre ce monstre qui ravage tout sur son passage. Mais c’est à cet instant précis qu’un événement va avoir lieu bousculant totalement son avis sur cet effroyable problème. A présent, il n’a plus vraiment le choix et doit tout faire empêcher cette catastrophe d’avoir lieu et surtout de sauver la vie de Dai, son petit frère. Une quête qui s’annonce mortelle, mais qui pourrait autant lui permettre de faire la paix avec son passé.
Quand on s’attarde quelques instants sur le synopsis de Yôkai War Guardians, on peut déceler plusieurs choses intéressantes. S’il est vrai que le schéma initial peut rappeler pas mal d’autres œuvres du genre, il faut aussi voir au-delà de tout ça. On va alors découvrir un titre qui, même s’il s’annonce comme court, arrive déjà à nous offrir une réflexion pertinente sur la notion de famille et notamment entre deux frères. Utilisant l’univers des yokais pour offrir un enjeu conséquent à l’histoire, ce récit va surtout être celui d’un jeune garçon désireux de protéger ce qu’il reste des siens malgré la blessure qui le lance encore au plus profond de lui.
Le destin d’un jeune garçon
Comme j’ai pu l’évoquer un peu plus haut, Yôkai War Guardians est un manga qui part sur des bases assez classiques et qui ne compte pas s’étaler sur le long terme. On peut donc se questionner sur ce qui peut vraiment faire l’intérêt de cette série. C’est là qu’il est important de s’attarder sur le fond de ce récit et ce que l’on peut en ressortir. Tout d’abord, l’œuvre s’attarde sur une thématique toujours aussi fascinante en traitant des yokai. S’il est vrai que l’on ne compte plus le nombre d’œuvres mettant à l’honneur ces créatures du folklore japonais, il est toujours intéressant de voir comment elles sont représentées. Ici, on nous offre une approche assez simple et instructive de ce qu’elles sont ainsi que de leur rapport avec le monde moderne. Alors qu’ils sont pensés comme des êtres terrifiants devant autant apporter la peur que l’admiration, la société actuelle a fait d’eux des figures récurrentes de la culture populaire. Il est donc assez drôle et intelligent de voir que là où les monstres d’autres régions du globe inspirent toujours une certaine frayeur, ceux du Japon sont ramenés au rang de mascottes ou détournés par tout ce qui touche à la fiction. Une mise en abyme pertinente et qui fait que l’on est directement visé par ce qui nous est décrit ici. Mais en dehors de ce discours, ce manga va aussi briller par un autre élément particulièrement important. Il s’agit tout bonnement de son protagoniste.
Kei est un jeune garçon loin d’être présenté comme un héros. Pouvant se montrer froid à l’égard de son petit frère et peu enclin à s’ouvrir au reste du monde, nous sommes plus face à un protagoniste réaliste au vu de ce qu’il a sur le cœur. Un gamin perdu et enchaîné à cette perte tragique qui l’empêche d’aller de l’avant et le pousse à en vouloir à son cadet. Et quand il fait face à ces créatures surnaturelles venues quérir son aide, il a une réaction totalement logique, mais qui va à l’encontre de l’image de héros que l’on a l’habitude de connaître. Il refuse tout simplement parce qu’il ne se sent pas concerné et surtout parce qu’il est terrorisé à l’idée de devoir combattre un tel ennemi. On est face à un tout jeune garçon qui est conscient du danger que représente une telle tâche là où son jeune frère est beaucoup plus innocent dans son approche. Le fait de voir un protagoniste refuser de sauver tout un pays est marquant, car ici cela entre en adéquation avec sa personnalité, son âge et surtout le réalisme de son écriture. D’ailleurs, la suite du tome va continuer dans ce sens, car s’il décide finalement d’entrer en action ce n’est pas tant pour la sauvegarde du monde que pour protéger sa famille. Derrière l’aspect fantastique du titre se dissimule avant tout une épopée humaine remarquable nous narrant la quête d’un garçon pour devenir le grand frère qu’il devrait et surtout se confronter aux fantômes du passé.
Avec Yôkai War Guardians, on ne cherche pas à être forcément la grande épopée qui nous fera pleinement rêver. Ce n’est pas du tout l’objectif de cette histoire qui se présente avant tout comme une aventure rapide et divertissante où l’on a simplement le plaisir de suivre le combat de ce jeune homme. Il n’est pas nécessaire d’avoir de grandes ambitions pour captiver le lecteur. Même les séries les plus modestes peuvent devenir d’excellents moments d’évasion si l’on est emporté dans ce qui nous est raconté. C’est le cas ici avec ce jeune garçon qui est pris entre deux feux et se lance dans une course effrénée pour sauver son frère, Tokyo et lui-même.
Yôkai War Guardians inaugure sa quête
Il est clair que Yôkai War Guardians n’a pas pour ambition d’être une grande aventure. Mais ce n’est pas pour autant que le titre n’en est pas moins plaisant. J’ai surtout apprécié le fait que cette histoire était une bonne manière d’introduire l’univers des yôkai et de cette partie du folklore japonais. Mais là où le titre est le plus brillant, c’est bel et bien dans l’écriture du personnage de Kei. Un jeune garçon qui a tout bonnement peur et qui est enfermé dans ce triste passé qui est celui de sa famille. Ne sachant pas quoi faire pour tourner la page ou bien avancer, on suit avant tout un protagoniste qui est en pleine confusion. Le fait d’être appelé pour répondre à un combat qui n’est pas le sien et particulièrement dangereux le met bien évidemment face à une énorme crainte. Une écriture logique par rapport à sa personnalité de jeune garçon et qui va simplement trouver le courage de faire face au danger pour sauver son petit frère. Ainsi, s’il y a une grande part de fantastique dans ce premier volume, c’est notamment par sa partie humaine que le manga réussit à briller. Une oeuvre qui se présente donc comme un très beau divertissement et qui nous interpelle concernant l’avenir de cette mission périlleuse. On ressort en ayant envie de voir comment notre jeune héros va s’en sortir et surtout ce qui va se dégager de cette course contre la montre. A voir maintenant ce qui va en ressortir pour les deux volumes restants concernant cette quête et aussi le futur de cette famille.
Si nous ne sommes pas face à un coup de cœur, ce premier volume de Yôkai War Guardians n’en est pas moins une surprise fort plaisante. Il y a largement de quoi se divertir au sein de cette introduction. Le tout est maintenant de savoir si les graines plantées au cours de ces premiers chapitres vont se développer de manière pertinente au fil des prochains volumes. Quoi qu’il en soit, j’ai eu beaucoup d’attachement à l’égard de Kei qui, même s’il peut paraître froid et abrupte dans son rapport avec son entourage et le monde, est un personnage que l’on a envie d’encourager. Un garçon ayant malheureusement connu un drame et qui doit se confronter à un danger sans nom pour peut-être enfin ouvrir les yeux sur ce qui est le plus important maintenant. Une lecture qui pourra autant plaire aux fans de yokai qu’à ceux souhaitant une aventure touchante et prometteuse. Bien évidemment, les questions se bousculent dans ma tête à présent que j’ai terminé ce premier acte de la série. Est-ce que Kei va réussir à faire face à ses démons ? Qu’est-ce qui se cache réellement derrière l’apparition de ce monstre gigantesque ? Que va bien devenir cette fratrie face à ces événements surnaturels ? Le passé continuera-t-il d’hanter cette famille ? Avec encore deux volumes, ce manga peut nous réserver quelques belles surprises et on espère en tout cas que cela amène à un récit complet et réussissant à aller au bout de ses idées.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Yôkai War Guardians. Trouvez-vous qu’il y a suffisamment de matière pour que l’on soit captivé durant les trois volumes composant la série ? Est-ce que vous avez eu de la sympathie pour notre protagoniste et son rapport avec son passé ? Pensez-vous que cette aventure sera l’occasion pour lui d’aller de l’avant ou de s’enfoncer un peu plus dans le désespoir ? Appréciez-vous le fait que le titre soit aussi une bonne découverte du monde des yokais ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.
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