Sahashi et les créatures fantastiques T1 : un bestiaire envoûtant
Que l’on soit fan ou non de culture pop ou même d’imaginaire tout court, il existe forcément des êtres fictifs qui nous parlent ou que l’on connaît. Rien qu’à l’évocation de leur nom, on a une certaine d’eux ou bien l’on sait à quoi nous attendre. Et c’est souvent fascinant de voir comment certains artistes arrivent à utiliser des éléments ancrés dans l’esprit populaire pour les retravailler à leur sauce. Cela peut donner des récits assez uniques et permettant une autre vision de ce qui nous semble pourtant si classique. Et c’est justement ce que l’on va voir avec le titre du jour qui nous provient de chez Glénat et qui sort tout juste aujourd’hui. Il s’agit du premier volume de “Sahashi et les créatures fantastiques”. Comme son l’indique bien, ce manga veut nous montrer la cohabitation mouvementée entre un jeune garçon et des bêtes divines ou bien folkloriques. Si c’est un choix qui m’intéresse toujours fortement, j’étais surtout curieux de voir ce que donnerait cette histoire sur toute la durée de ce tome. Force est de constater que l’auteur va réussir à attiser notre curiosité et surtout s’emparer pleinement de l’imaginaire autour de ces entités pour les tordre à sa manière. Soyez donc prêts à découvrir un autre visage de ces créatures.
Rencontre avec un étrange oiseau

Synopsis
Il a un phénix pour animal de compagnie, son professeur est un tanuki capable de se métamorphoser, et son copain d’école est un garçon-serpent ! Sahashi a beau être parfaitement ordinaire, il n’attire que les choses, phénomènes et individus étranges.
Découvrez le quotidien farfelu et surprenant d’un jeune garçon aux prises avec des compagnons fantastiques. Parce que la liste des NAC (nouveaux animaux de compagnie) peut s’étendre bien au-delà du réel…
Mangaka : Nizo Miura
En seulement quelques lignes, ce résumé de Sahashi et les créatures fantastiques retranscrit bien ce qui nous attend. Prenant la forme d’une tranche de vie où l’imaginaire va s’inviter, on va constamment faire la connaissance de nouveaux êtres magiques. Si cela est surprenant à chaque fois de voir ces derniers s’agglutiner autour de notre protagoniste, la véritable force de cette lecture réside dans la parodie qui va être faite d’eux. Une aventure où chaque chapitre est l’occasion de s’étonner face à ce voisinage qui est bien plus surnaturel qu’on l’aurait imaginé et aussi un peu farfelu.
Drôle de voisinage
En fait, quand je me suis lancé dans la découverte de Sahashi et les créatures fantastiques, je m’attendais à assister à une succession de rencontres autour de ces êtres mythiques. Ce fut totalement le cas, mais si j’apprécie toujours être au contact de cette partie de l’imaginaire populaire, je ne me doutais pas que cette lecture puisse autant parodier celle-ci. Car oui, il ne faut pas attendre longtemps pour être témoin de la volonté de l’auteur de présenter un autre visage de ces bêtes légendaires. Il suffit de voir le fameux oiseau que l’on a sur la couverture et qui est un phénix très loin de ce que l’on nous décrit habituellement concernant ce volatile qui ressuscite constamment. Ici, on a un être au visage assez vide, particulièrement rondouillard et loin d’être impressionnant qui passe son temps à manger du poulet frit. Un contraste qui va être au cœur de toute cette aventure. C’est justement ce qui permet à cette série d’afficher une identité qui lui est propre et de nous surprendre tout au long de notre périple. A chaque fois que l’on nous présente une nouvelle créature, notre esprit imagine tout de suite une représentation assez classique qui s’est installée depuis longtemps dans la culture pop. Finalement, on découvre une toute autre facette et interprétation de leur mythe. Et cela permet autant de montrer l’ingéniosité du mangaka que de rire en voyant l’écart entre ce que l’on s’attendait et ce que l’on finit par découvrir.
En réalité, on peut clairement prendre ce manga comme une volonté de la part d’un auteur de montrer que tout n’est pas gravé dans le marbre. Ces êtres, qui ont émerveillé l’esprit de chacun au fil des années, ont fini par avoir une identité marquée et des caractéristiques dont ils semblent maintenant impensables de les imaginer sans. Et là, on veut nous rappeler que l’on est libre d’imaginer d’autres façons de présenter ce bestiaire. Ici, c’est fait sous un angle parfois parodique ou bien amusant, mais cela peut prendre bien d’autres formes. Et c’est ce que je trouve le plus captivant dans cet ouvrage. En mettant en scène un petit gamin qui fait face à ces créatures, l’auteur créé une mise en abyme du lecteur. Ce petit garçon peut tout à fait être le reflet de ce que l’on est ou fut avec des idées déjà préconçues sur des monstres comme le phénix, les sirènes ou bien les démons. Mais au fil de ses rencontres, il prend conscience que ce qu’on nous présente comme faisant partie intégrante du mythe n’est parfois qu’un moule bloquant réellement ce que symbolisent ces êtres : une créativité sans limite. En effet, quand on parle de ces entités, on est admiratif de cette imagination qui a parcouru les siècles et à su créer des légendes inoubliables. Mais cela signifie aussi que conserver une identité immuable de cette “fantasy” la transforme en une vérité parfois ennuyante. Avec ce tome, on nous montre que chacun est libre de donner son interprétation de ces êtres fabuleux.
Tous ces éléments permettent à Sahashi et les créatures fantastiques de proposer une expérience assez unique en son genre. S’il n’y a pas de réel fil rouge qui semble se dessiner pour le moment, on est avant tout là pour apprendre à connaître et découvrir tout ce qui entoure ces monstres de tout horizon. En plus de nous réserver déjà une surprise de taille, cette introduction est avant tout pensée pour installer la base de ce schéma que l’on va suivre ensuite. Il reste maintenant à savoir comment cette formule va évoluer et si l’on va continuer à en apprendre plus sur toutes ces créatures.
Sahashi attire le regard
Comme j’ai pu le citer un tout petit peu plus haut, Sahashi et les créatures fantastiques est une expérience littéraire assez unique. Ne dégageant pas de réelle intrigue d’entrée de jeu, on peut se questionner sur où le titre veut nous emmener. C’est réellement dans sa dernière partie que le mangaka va nous amener vers une vérité surprenante et qui chamboule notre regard sur tout ce qui s’est passé jusqu’ici. Mais ce qui fait pour moi la véritable force de ce titre vient de ce qu’il y a derrière ce que l’on trouve au premier plan. Pourquoi on a le droit à un phénix qui n’a rien d’éclatant ? Est-ce normal de voir un démon jouer les marchands ambulants négligés ? Il y a énormément de questions qui sont en suspens et qui nous poussent à réfléchir à ce que l’artiste a vraiment voulu raconter. Pour ma part, je trouve justement que cette déformation de l’imaginaire que l’on a est une excellente idée. Cela montre que même si le fantastique s’est créé autour de légendes, mythes et autres récits devenus maintenant des classiques, cela ne doit pas empêcher de revisiter ces derniers. Au contraire, c’est justement en proposant notre propre regard sur toute cette fantasy que l’on nourrit cette dernière et qu’elle peut continuer à s’enrichir d’histoires différentes et uniques. C’est ce que j’aime par-dessus tout avec ce manga qui prend un malin plaisir à détourner ces créatures pour offrir des rencontres inattendues, drôles et surprenantes. Un pari risqué, mais qui fonctionne admirablement bien à mes yeux.
Sahashi et les créatures fantastiques est clairement un manga qui peut diviser. Si vous cherchez une histoire qui peut être spectaculaire et jouer à fond la carte du fantastique, alors vous pourriez être déçu de ce que vous trouverez dans ce premier tome. Car la réalité est que l’on est avant tout dans un slice of life où l’imaginaire s’invite pour transformer le quotidien de ce gamin en une succession de jours où tout peut se passer. Et ce qui est génial, c’est que la surprise des débuts est maintenue tout en amenant aussi une sorte d’habitude qui amène des réactions amusantes de ce petit garçon qui n’est même plus étonné de tomber sur de nouvelles créatures fantastiques. Un développement maîtrisé et qui, au vu des dernières pages, peut amener à quelque chose de très intéressant pour la suite de cette petite épopée. Donc, si vous cherchez une œuvre qui déforme l’identité de ces monstres imaginaires pour créer une tranche de vie fun, amusante et étonnante alors vous trouverez sûrement votre bonheur. A présent, j’ai tout de même pas mal de questions au vu de ce qui est raconté dans cette introduction. Suite à la grosse révolution de fin de tome, est-ce que l’on va totalement changer notre approche du récit ? Sahashi va-t-il avoir des interactions inédites suite à ce rebondissement ? Quelles autres créatures vont croiser sa route ? Va-t-il chercher à regagner une vie normale ou bien s’adapter à cet environnement mouvementé ? Je suis intrigué de voir comment tout ça va évoluer.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Sahashi et les créatures fantastiques. Trouvez-vous que Nizo Miura arrive à proposer une interprétation à la fois drôle et intéressante de ces êtres imaginaires ? Est-ce que le titre a su vous interpeller notamment dans le rapport qu’a ce jeune garçon avec cet entourage atypique ? Etes-vous curieux de voir les prochaines entités qui pourraient croiser sa route ? Êtes-vous intrigué par ce que cherche à raconter l’auteur à travers ce slice of life fantastique ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? Je reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.