Le Dévoreur de souvenirs-Vol.-1-1

Le Dévoreur de souvenirs tome 1 et 2 : les complaintes oubliées

Alors que l’on approche de la fin de semaine, on se rend compte à quel point on a vécu de formidables expériences tout au long de ces derniers jours. Des voyages littéraires fabuleux qui nous ont donné des souvenirs que l’on chérit énormément. Parmi ceux-là se trouve d’ailleurs un nouveau venu dans la collection Moonlight de Delcourt Tonkam qui nous a littéralement bluffés. Il est d’ailleurs très intéressant de voir que l’on conserve de fabuleux souvenirs de ce titre qui s’intitule Le Dévoreur de souvenirs. Une ironie bienvenue pour cette saga qui trouve sa conclusion en deux volumes qui sont sortis simultanément la semaine dernière. En nous plongeant au coeur de recherches autour d’une légende urbaine, ce manga va clairement proposer une lecture profondément humaine. Alors que l’on ne savait pas trop dans quoi on allait embarquer, force est de reconnaître que l’on a été soufflé par les propos tenus et surtout l’émotion qui se dégage de chaque planche. Un périple où oubli et souvenirs se confondent afin de laisser exprimer un message aussi pertinent que triste. Il est donc grand temps de traquer l’être qui se cache derrière cette vague d’amnésie.

Une légende urbaine tenace

Le Dévoreur de souvenirs - légende

Une légende bien étrange.

Le Dévoreur de souvenirs, scénarisé par Kyoya Origami et dessiné par Nachiyo Murayama, nous fait aller à la rencontre de Ryôichi. Ce jeune étudiant passe le plus clair de son temps à faire des recherches sur les légendes urbaines et plus particulièrement sur la manière dont ces dernières se propagent parmi la population. Pour lui, le mystère vient surtout d’une déformation de la réalité qui n’a fait que croître au fur et à mesure que l’histoire est partagé. Cependant, il y a un récit en particulier qui occupe toutes ses pensées du moment et qui concerne le Kiokuya. Si ce mythe n’est pas vraiment connu du grand public, sa présence s’avère surtout se cantonner au quartier de l’adolescent qui a un passé commun avec celui-ci. En effet, cet être fantomatique aurait la faculté de se nourrir des souvenirs des gens et apparaît toujours devant ceux désirant se débarrasser de certaines parties de leur mémoire. Pour Ryôichi, son rapport avec cet individu surnaturel est important, car plusieurs personnes de son entourage ont brusquement perdu la mémoire concernant des événements bien précis de leur existence. S’il a du mal à accepter l’existence d’une telle créature, le jeune homme ne peut rester sans rien faire alors qu’il voit des amis à lui aller jusqu’à l’oublier tout simplement. Une situation qui l’attriste profondément et le pousse à aller plus loin dans son enquête.

Cependant, une grande question demeure tout au long de cette affaire. Existe-t-il vraiment une entité capable d’un tel exploit ? L’étudiant va alors tout faire pour montrer que cela ne sont que des racontars et qu’il y a autre chose derrière toute cette histoire. Malheureusement, il pourrait bien être chamboulé par la vérité qui ne se cantonne pas à une simple compréhension humaine. Après tout, quel serait le but du Kiokuya en s’attaquant aux souvenirs des gens ? Pense-t-il faire une bonne action en les privant de ces moments qui ont forgé leur caractère ? Ryôichi ne peut accepter le fait que l’on préfère oublier un souvenir même si celui-ci est traumatisant que de faire son possible pour continuer d’avancer. Il va donc s’aventurer dans un épais brouillard nourri par les récits de ceux qui pensent l’avoir vu et espère ainsi retrouver sa piste. La chasse au fantôme est ouverte et pourrait bien conduire le jeune homme à se poser de nombreuses questions sur sa proie, mais aussi sur tous ces gens qui désirent ardemment une entrevue avec lui. Une quête qui va être particulièrement difficile étant donné que poursuivre un être ayant la capacité d’effacer les souvenirs oblige à se frotter à l’idée qu’il pourrait aussi s’attaquer à la mémoire du lycéen.

La première chose qui nous frappe lorsque l’on s’aventure dans Le Dévoreur de souvenirs est l’efficacité avec laquelle l’enquête est menée sur cet étrange individu aux pouvoirs hors du commun. Le fait de suivre notre jeune héros dans sa recherche de la vérité nous captive tant cela est mené avec un rythme incroyable. Ce qui commence comme une simple curiosité va se transformer en une course contre la montre où il est presque impossible de se fier uniquement à ces souvenirs. L’intérêt pour ce mythe se transforme alors par moments en une vive inquiétude d’avoir été, sans le savoir, la victime de cet être mystique.

Une enquête haletante

On l’a dit un peu plus haut, mais on ne savait pas du tout quelle forme allait prendre le récit du Dévoreur de souvenirs. Notre surprise fut donc totale en nous rendant compte que l’on allait assister à une investigation qui n’a rien à envier aux autres oeuvres du genre. D’ailleurs, il est important de noter que le rythme de celle-ci est sûrement l’un des éléments-clé du manga. En effet, ce qui semble débuter comme une enquête pour satisfaire la curiosité d’un jeune homme désireux d’étayer le contenu de ses recherches va rapidement se transformer en une affaire plus personnelle. Cela va prendre alors des dimensions que l’on n’imaginait pas et provoquer en nous une puissante implication à l’égard de ce qui se passe devant nos yeux. Chaque information récoltée devient une donnée essentielle à la recherche de cet être mystérieux. Tous les éléments sont ainsi présents pour nous intéresser à l’intrigue et à cette course-poursuite qui s’organise autour de cette cible. Même le fait de voir d’autres gens se lancer à la recherche de cet individu est loin d’être anodin étant donné qu’ils apportent tous leur pierre à l’édifice tout en amenant leur propre vision de cette entité. On n’est donc pas uniquement en train de pourchasser un fantôme, mais bel et bien de participer à une traque bien plus grande que prévu.

Cela ne s’arrête pas là, bien au contraire. Il y a un autre petit détail qui va avoir son importance et qui réside dans la capacité propre au Kiokuya. En effet, si celui-ci peut s’emparer des souvenirs des gens, rien ne l’empêche de le faire avec notre héros et ses compagnons. De ce fait, il serait tout à fait probable que le jeune garçon puisse l’avoir déjà rencontré sans avoir la moindre réminiscence de son face-à-face avec lui. Cette simple possibilité va totalement changer notre regard sur le déroulement de cette enquête et ajouter une certaine tension dès lors que cette probabilité vient s’incruster dans notre esprit. On voit donc un schéma se dessiner dans la mise en scène de cette investigation qui ne s’arrête jamais de monter en puissance et ainsi provoquer une certaine oppression chez le lecteur. Après tout, on ignore tous des réels motifs du Kiokuya et s’il est vraiment quelqu’un d’humain ou de monstrueux. Tous ces facteurs, qui nous sont inconnus, deviennent alors autant une source d’inquiétude qu’une envie supplémentaire de faire la lumière sur toute cette légende. Sans même nous en rendre compte, on se transpose alors à la place de Ryôichi et l’on se demande ce qu’il faudrait faire par la suite. Une formidable réussite de la part de l’auteur qui parvient à immerger totalement le spectateur dans cette histoire qui mêle fantastique et réalité.

Bien sûr, il est impossible de parler du Dévoreur de souvenirs sans évoquer le thème principal de l’oeuvre. Ce qui est remarquable avec ce sujet, c’est que l’on peut raconter des choses qui peuvent facilement parler au plus grand nombre. Outre cela, l’auteur parvient à mettre en avant deux camps qui s’affrontent concernant l’importance ou non de pouvoir oublier. Une lutte pouvant sembler sans fin et qui pousse le lecteur à réfléchir sur la puissance des souvenirs et leur influence sur la vie de chacun. Une course-poursuite haletante qui dépasse de loin le simple cadre du divertissement.

Une ode aux souvenirs

Le Dévoreur de souvenirs - rencontre

Une phrase terrible.

L’autre point qui forme bien sûr l’âme du Dévoreur de souvenirs est cette notion de mémoire. Si l’on a déjà eu le droit à quelques oeuvres sur le thème des souvenirs, il était souvent question de ne justement pas oublier. Là, c’est tout le contraire qui s’opère alors que notre jeune héros souhaite ardemment comprendre pourquoi des gens souhaiteraient effacer certains événements de leur passé. En réalité, cette lecture va être similaire à un long trajet où ce jeune homme va faire de multiples rencontres où chacun va démontrer son point de vue sur le sujet. Si l’on sait pertinemment que chaque expérience laisse des traces dans notre subconscient, ce conte nous montre aussi que ces instants parfois douloureux peuvent devenir un poids insoutenable pour ceux qui vivent avec. Il y a donc une formidable et pertinente confrontation qui se joue entre le fait d’avancer ainsi que de grandir à travers chaque épreuve de la vie et pouvoir échapper à ces ombres qui peuvent nous pourchasser jusqu’à la fin de nos jours. D’ailleurs, cette souffrance qui peut se cacher dans le coeur de chacun n’est pas forcément lié à la personne en elle-même. Cela peut aussi concerner son entourage et les répercussions que cela peut avoir sur eux. On est donc autant sur un point de vue personnel que tourner vers les autres. Cet aspect ne fait que renforcer l’impact de cette histoire qui nous touche profondément alors que l’on se rapproche de la vérité.

C’est dans ces nombreuses pages de doute que le titre va prendre pleinement son envol. On est sans cesse emporté par ce conflit interne qui se joue dans l’esprit de cet adolescent qui cherche absolument à comprendre. Cependant, plus on avance dans l’intrigue et plus ce blanc dévorant semble l’emporter sur tous ces souvenirs. En tant qu’observateur extérieur à tout cela, nous sommes les seuls à être à l’abri et à se remémorer tout ce parcours. On peut donc voir en ce conte une manière pour l’auteur de permettre au spectateur de ne pas oublier tous ces gens qu’il a rencontré. Le témoin privilégié d’une traque où la tristesse et les doutes se confondent derrière de faux sourires. On est emporté dans cette tourmente et l’on ne peut réellement choisir de camp dans ce duel qui se déroule devant nos yeux. Tout est fait pour que chaque camp ait raison dans sa façon d’agir et l’on est autant soulagé de voir certains reprendre un quotidien normal que triste de les voir effacer certaines rencontres qui auraient pu les amener vers de nouveaux horizons. D’ailleurs, il est aussi mentionné de façon brillante le fait que rien n’est immuable et que même des souvenirs qui s’effacent ne peuvent empêcher certaines choses d’arriver. Une magistrale lettre d’amour pour tous ces instants qui s’ancrent dans notre esprit et que l’on peut autant chérir que détester.

Le Dévoreur de souvenirs est typiquement le genre d’oeuvres qui nous fascine de par tout ce qu’elle parvient à raconter. En seulement deux tomes, la série réussit un tour de maître en nous mettant à la poursuite de cette ombre que tout le monde oublie et qui prend son travail au sérieux. On va alors de surprise en surprise et tout cela en étant ébloui par le sujet traité et surtout la façon dont il est représenté dans chaque case. Une thématique singulière et pourtant propice à raconter des histoires prenante et qui nous font aussi réfléchir. Ce manga en est la parfaite représentation et restera longtemps gravé dans notre mémoire.

Le Dévoreur de souvenirs nous hypnotise

Le Dévoreur de souvenirs est un titre tout simplement parfait pour la collection Moonlight. En plus de nous offrir une certaine poésie dans son récit, l’auteur va surtout aborder des thèmes difficiles et captivants surtout dans la manière dont ils sont traités. En invitant le surnaturel dans la réalité, l’oeuvre cherche avant tout à nous faire réfléchir sur toutes ces expériences et souvenirs que l’on accumule au fil des années. Rien que par la confrontation qui se joue au sein de cases, ce titre réussit à merveille cet objectif. On s’attache profondément aux divers protagonistes même ceux que l’on rencontre seulement pour quelques minutes. Il se dégage d’eux une sincérité touchante et surtout une fragilité qui est tout à fait compréhensible. Même la création du mythe de ce Kiokuya va permettre de sublimer cette humanité qui est représentée à chaque instant de notre voyage. On a vraiment eu un pincement au coeur dès lors que l’on a tourné la dernière page, car tous ceux qui ont été en contact avec cet être ont beau avoir oublié, le lecteur reste le témoin privilégié de toute cette épopée. Une sorte d’héritage qui nous est légué tandis que l’on abandonne ces personnages dont on souhaite le meilleur pour eux à l’avenir.

Alors que l’on ne s’attendait pas forcément à une telle claque, Le Dévoreur de souvenirs s’est transformé en un immense coup de coeur. Un récit prenant et qui n’a pas besoin de s’étendre plus que cela pour nous éblouir. Rien que par toutes les émotions véhiculées, la tristesse ressentie et le message tenu, ce manga vaut largement le coup. En plus, il s’agit d’une série en deux volumes qui peut donc être accessible à tout le monde. C’est donc un grand oui pour cette licence que l’on recommande avec joie et qui peut s’adresser à n’importe quel type de lecteur. De par sa thématique, cette série évoquera forcément des choses à tous ceux qui tenteront cette expérience littéraire. Voilà le genre de lecture qui nous montre à quel point l’univers du manga peut proposer des récits dépassant le cadre du simple divertissement. Une fable pouvant presque sembler onirique et dont on referme la dernière page avec un pincement au coeur. Bien sûr, le fait que la saga soit déjà terminée nous empêche de nous projeter plus loin, mais on peut tout de même rêver et imaginer ce qu’il pourrait advenir de tous ces acteurs et actrices qui sont montés sur scène. Un hommage aux souvenirs qui peuvent autant être des fardeaux que des raisons d’aller de l’avant. Tout simplement remarquable et le titre vaut largement de trôner dans n’importe quelle bibliothèque.

N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti sur ces deux volumes du Dévoreur de souvenirs. Avez-vous apprécié les propos tenus sur la mémoire et l’importance des moments passés ? Trouvez-vous que la conclusion de ce récit est parfaitement amenée ? Croyez-vous qu’il soit pertinent d’oublier les mauvaises expériences ou de savoir vivre avec elles ? Avez-vous apprécié la manière dont fut traitée cette légende urbaine ? Selon vous, quel est le véritable message à retenir de toute cette histoire ? On reste à votre disposition pour pouvoir échanger, discuter et débattre autour de ce sujet. 🙂

© 2017 Murayama Nachiyo / Origami Kyoya, Square Enix