Décryptage d’un arc : la course contre la montre de Naruto et D.Gray-Man
Il n’y a pas à dire, la trêve estivale est l’occasion parfaite pour réfléchir et donner vie à des articles dont on n’a pas forcément le temps de travailler en temps normal. Après tout, les sujets sont presque infinis quand on se penche sur le monde du manga. Pourtant, il y a un thème en particulier que l’on souhaitait aborder depuis très longtemps. Il s’agit d’un type d’arc narratif qui était très en vogue il y a de ça plusieurs années au sein de nombreuses séries. Un passage très fréquent qui semblait presque une étape cruciale dans la construction d’une histoire. Il s’agit de celui consistant à une course effrénée pour atteindre un objectif précis et qui est représenté par une succession de combats. Pour alimenter notre propos, on a choisi d’aborder deux très bons exemples qui sont la course-poursuite contre Sasuke dans Naruto et l’Arche des Noah dans D.Gray-Man. Vous allez voir à quel point la construction narrative peut sembler similaire, mais aussi l’importance de ces moments pour le développement de l’histoire et de l’attrait du lecteur. On espère que vous êtes prêts pour un petit voyage dans le temps qui s’annonce palpitant.
Des moments palpitants
Il faut tout d’abord comprendre que ce genre d’arcs narratifs était très répandu à l’époque et quasiment chaque nekketsu a eu le droit à ça. On aurait très bien pu choisir deux autres titres, mais ces deux séries sont celles qui nous ont montré à quel point ce passage pouvait être crucial dans l’expérience proposée. Tout d’abord, que cela soit dans Naruto ou D.Gray-Man, cette situation est là pour créer une tension palpable. Dans le premier cas, il est question de rattraper l’un des leurs avant qu’il ne passe totalement à l’ennemi. Pour la seconde œuvre, il s’agit de se dépêcher pour éviter une mort effroyable et de nombreux dégâts à cause de cette arche en perdition. De ce fait, on est rapidement immergé dans cette précipitation qui accompagne chaque personnage sur leur chemin pour atteindre leur destination finale. Au même titre qu’eux, on entrevoit un compte à rebours imaginaire qui semble défiler à toute vitesse. L’arc narratif a beau durer plusieurs tomes, on conserve cette inquiétude du fait que nos compagnons de route ne puissent pas réussir leur mission. On est donc dans un rapport très particulier avec le manga. Après tout, on a déjà eu le droit à des situations tendues où l’on est pris à la gorge, mais cela est souvent désamorcé ou ne dure finalement que quelques minutes. Là, on parle d’une longue période où le mangaka doit réussir à tenir en haleine son lectorat sans aucun temps mort. Une mission difficile, mais qui permet aussi de voir s’il est possible pour un artiste de réussir ce pari. On se doit donc de ne plus tenir en place au fur et à mesure que le chronomètre dans notre tête se réduit. Pour accentuer cette impression d’étouffement, il y a aussi un élément qui va entrer en ligne de compte.
Il est sûr que s’il n’y avait pas d’obstacles dans la progression de nos héros, cela n’aurait pas beaucoup d’effet. Il est nécessaire de mettre des embûches sur leur chemin pour que cette oppression se renforce, car on est sur le fil du rasoir. C’est pour ça qu’il y a souvent une construction narrative similaire qui consiste en un enchaînement de combats qui va retenir l’attention d’un groupe afin de les détourner suffisamment longtemps de leur mission. On a donc devant nous un type d’arc qui nous prend aux tripes sur plusieurs tomes et qui va aussi être le terrain propice à des affrontements grandioses, car le temps est compté. Il n’est pas question de se ménager étant donné que chaque seconde perdue peut causer la fin du périple. On n’est plus dans des moments où l’action prend le temps de s’installer et où l’on peut admirer tranquillement les compétences de chaque individu. Il se passe alors quelque chose de très intéressant chez le lecteur alors qu’il parcourt cette voie obstruée par un nombre incroyable d’obstacles. Celui-ci va assister aux duels et va autant avoir le désir de profiter de ces instants que de voir la suite de cette course effrénée. Une impatience qui prouve que le travail est réussi et qui va contribuer à nous plonger un peu plus dans la détresse du moment. On a beau savoir que tout est pensé à l’avance ou que l’on peut s’arrêter à tout instant sans que cela ne change quoi que ce soit, on est emporté dans cette spirale infernale et prenante. Un excellent exercice et qui a eu son heure de gloire dans quasiment toutes les grandes œuvres de l’époque.
Un arc largement répandu
On en a parlé un peu précédemment, mais ce type d’arc imposant une sorte de course contre la montre était très répandu pendant une longue période. Alors que l’on souhaite souvent voir chaque œuvre se démarquer des autres même si on sent parfois des inspirations, il y a tout de même eu cet élément en commun pour beaucoup de titres. On parle ici de Naruto et D.Gray-Man, mais One Piece en a eu beaucoup, Fairy Tail aussi, Bleach, et bien d’autres classiques du nekketsu. Mais pourquoi ce type de situations était aussi fréquent ? Il est vrai que l’on peut se poser cette question étant donné qu’actuellement, cela s’est effacé pour parvenir à d’autres manières de développer un récit. A notre avis, c’est surtout parce que cela permettait de créer un moment assez unique dans un récit. On a l’habitude dans les mangas du genre d’avoir le droit à des arcs assez complets où l’on prend le temps de mettre en place le décor et les divers acteurs. Ici, tout doit être précipité afin de marquer une certaine césure entre ce qu’il s’est passé jusqu’ici et ce qui arrive ensuite. Il en découle alors un rythme effréné et qui va souvent conduire à de gros bouleversements dans le scénario, le développement des personnages, mais aussi de l’univers. Par exemple, l’arc en question dans Naruto va être celui qui va séparer toute l’enfance de nos ninjas afin de nous amener à la transition de plusieurs années. Un enchaînement de combats qui va imposer une épreuve qui va aller à contre-courant de ce que l’on a l’habitude de lire et ainsi créer un tel bouleversement que c’est l’ensemble de la licence qui va s’en retrouver impacter.
Pour D.Gray-Man, c’est pareil même si dans une moindre mesure. Cette tentative de fuite de l’arche va conduire nos exorcistes à se confronter au véritable ennemi derrière les akumas, mais aussi de révéler bien des informations sur Allen Walker alors que la Congrégation de l’Ombre va ensuite prendre une voie bien plus sombre. Les akumas ne sont plus le principal adversaire derrière lequel se cachait le Comte Millénaire. On comprend que c’est tout un groupe qui se dissimulait dans l’ombre, même si on avait le droit à quelques rencontres par le passé avec eux. C’est vraiment la première fois qu’il y a un conflit ouvert entre les deux camps et ainsi nous faire basculer dans un tout nouvel acte de la licence. Ce revirement de situation n’est pas propre uniquement à ces deux sagas, mais à une grande partie de celles qui affichent une telle construction narrative. D’ailleurs, cette dernière peut être particulièrement efficace pour en même temps lancer de nouvelles possibilités pour la suite qu’assurer le spectacle concernant notre périple au sein de ces univers. Une facette de ces licences qui s’est un peu perdue avec le temps, mais qui a su apporter bon nombre d’excellentes péripéties tout en prouvant la maîtrise des artistes à l’égard de leur ouvrage. Il s’agissait d’un parfait compromis entre tension, action et changements. En effet, il ne faut pas croire que ces moments étaient uniquement propices à raconter une intrigue jouant uniquement sur ce rythme soutenu. L’impact serait beaucoup moins fort sans ces duels qui ajoutent encore plus de piments à un arc déjà infernal.
A chacun son combat
Comme évoqués auparavant, ces arcs narratifs offrent un terrain de jeu propice au mangaka de mettre en scène des obstacles de taille. De par la nature urgente de la situation, il n’est rien de plus grisant que de voir des héros devoir concilier une avancée constante avec des affrontements retardant leur progression. On a donc très souvent eu cette composition qui nous demande d’atteindre un objectif tout en observant un groupe d’ennemis faire son apparition pour gêner ce voyage. Dans Naruto il s’agit des disciples d’Orochimaru tandis que dans D.Gray-Man il s’agit des Noah. Des adversaires qui sont loin d’être anodins ou de simples figurants, faisant souvent preuve d’une puissance hors du commun. C’est là qu’arrive l’élément le plus intéressant de ces moments, car les héros doivent souvent faire un choix cornélien. Ne pouvant se permettre d’être retenu trop longtemps, mais ne pouvant laisser un tel adversaire les ralentir dans leur avancée, ils se retrouvent obligés de laisser l’un des leurs faire face à celui-ci. Une sorte de sacrifice étant donné qu’ils ne savent absolument pas s’ils peuvent gagner, mais se démènent pour simplement gagner du temps. C’est ainsi que va être rythmé ce type d’arcs où l’on assiste à la séparation progressive de l’ensemble du groupe afin que le protagoniste puisse faire face à son objectif. Naruto contre Sasuke, Allen contre Tyki Mikk, des combats symboliques qui servent parfaitement de conclusion à ces passages. Cependant, il ne faut pas limiter notre regard vers l’arrivée, mais aussi sur toutes ces luttes qui animent le parcours. L’objectif d’une telle situation de crise n’est pas uniquement d’atteindre le but final, mais aussi de mettre en avant des personnages que l’on n’a pas forcément l’occasion de voir.
Il s’agit du parfait compromis pour que chacun puisse avoir son moment de gloire ou faire étalage de ses capacités. D’ailleurs, il arrive souvent que ce que l’on retient le plus sont certains affrontements menés par des acteurs considérés comme secondaires. Il suffit de voir ce passage dans Naruto pour être ébloui par la prestation de Chôji et son mode papillon. Il en est pareil pour Shikamaru, Neji, Kiba, Rock Lee et même leurs opposants. C’est exactement la même chose dans D.Gray-Man avec le premier combat entre Kanda et Boric ou bien Krory et Jasdavi. Des scènes d’actions qui restent gravées dans notre mémoire et nous font vibrer tant ce spectacle élargit notre vision de ces mondes. Il n’est plus question de seulement suivre un héros dans son ascension. Avec ses arcs, tous les guerriers nous paraissent grandioses et cherchent à prouver qu’ils ont autant leur place ici que celui au centre de l’histoire. En plus de nous tenir en haleine et d’être le théâtre de nombreux changements pour la suite, il s’agit aussi d’une scène parfaite pour que des gens dont on aurait aimé en voir plus puissent se hisser au sommet. Rien n’est alors plus palpitant que d’être surpris par ces combattants dont on n’imaginait pas du tout qu’ils étaient capables de tenir tête à de tels adversaires. De plus, on a souvent le droit dans ces instants à l’apparition de nouvelles techniques qui vont venir enrichir un arsenal déjà conséquent. L’oppression que l’on ressent à l’idée que nos camarades de route ne puissent pas atteindre leur destination finit par se dissiper, le temps de quelques minutes, tant on est emporté par ces affrontements dantesques et qui ont su écrire certaines légendes. Ceux qui ont lu D.Gray-Man se souviennent toujours du Crowley sanglant et pour Naruto cet arc a permis à Kimimaro de briller en le faisant apparaître, combattre et disparaître dans le même arc.
Le dépassement de soi
Bien évidemment, ce genre d’arc narratif n’est pas uniquement là pour nous donner notre dose d’action et de frissons. Il s’agit aussi d’un élément souvent capital dans l’évolution de certaines parties de l’histoire. On peut bien sûr citer les divers personnages qui sont au centre de l’attention. Par les combats qu’ils vont mener, ils finissent toujours par se transcender pour finalement ressortir victorieux ou bien être suffisamment puissant pour retarder l’adversaire. La notion de dépassement de soi est parfaitement représentée dans ces chapitres où personne ne se restreint. Il n’est pas rare que les acteurs de cet acte se rapprochent des portes de la mort et doivent donc tout faire pour ne pas se faire engloutir par ces dernières. Les épreuves du passé n’étaient qu’une préparation pour ce véritable défi qui constitue un rouage important dans la construction d’une histoire. Les gens peuvent totalement changer dans ces instants où la vie d’un camarade est en jeu. On peut prendre l’exemple d’Allen, Kanda et Crowley qui se sont totalement surpassés pendant leur visite de l’arche à tel point que même le premier va pouvoir prendre sa revanche sur son opposant. Une victoire qui va aussi avoir des conséquences en permettant aussi à l’ennemi d’évoluer. C’est ça aussi qui est fantastique étant donné que la progression n’est pas uniquement d’un seul côté. Il n’est pas rare de voir aussi les adversaires se surpasser même si c’est seulement le temps d’une rencontre. Le danger appelle le danger alors que l’on a le droit à un jeu de ping-pong entre les combattants où chaque camp prend le pas sur l’autre à un moment donné.
En dehors de ça, il est important de s’arrêter quelques minutes sur ce qu’apporte cette phase dans une œuvre. On le sait, on a toujours eu le droit à des arcs pouvant être palpitants, car le danger est palpable et va permettre de construire certaines intrigues et individus. Pourtant, ces courses contre la montre ajoutent une donnée essentielle qui n’est pas à prendre à la légère. C’est tout simplement que l’incertitude du moment laisse la porte ouverte à de multiples possibilités. Est-ce que l’on était beaucoup à penser à l’époque que Sasuke tournerait totalement le dos à ses amis ? Aurions-nous imaginé une seule seconde l’intensité du combat entre lui et Naruto ainsi que toute la symbolique qui en découle ? Pareil pour D.Gray-Man. Qui aurait envisagé que Tiky Mikk se réveille à une nouvelle forme de puissance ? C’est aussi pendant leur fuite de l’arche que Allen va pleinement lancer l’histoire autour de son autre facette. Il est très rare que ces passages n’apportent pas des choses servant à préparer la suite du récit sur le long terme. On est donc autant happé par ce qui se passe directement devant nos yeux que par tout ce que cela laisse supposer pour l’avenir de la licence. On s’imagine tout un tas de choses et l’on se demande donc quelle direction va prendre l’aventure. Là où certains arcs narratifs souhaitent apporter une conclusion directe à ce qu’ils ont amené, la course contre la montre permet d’aller bien au-delà. A la fois présent et futur, ces scènes nous permettent de devenir le témoin privilégié d’un tournant souvent majeur pour ces gens qui se jettent dans la mêlée.
Un passage important pour ces deux œuvres
Pour en finir avec l’analyse de ces arcs narratifs, il est important de voir ça comme un élément crucial à n’importe quelle histoire. On pourrait se dire qu’il est facile d’utiliser le même schéma d’une œuvre à l’autre, mais cela serait bien contraire à la vérité. Si ce passage fut aussi répandu, c’est aussi parce qu’il est un terreau fertile pour permettre à chaque auteur d’écrire les prochains chapitres de sa saga. C’est justement à travers le talent du mangaka que ce dernier peut réussir à s’approprier un genre d’arcs répandu pour ensuite l’appliquer à sa sauce. C’est juste magistral de passer de Naruto à D.Gray-Man en passant par One Piece et autre grand nekketsu afin d’analyser ce type de passage. On remarque alors avec admiration la petite touche personnelle qu’a su apporter l’artiste à ce moment précis de son récit. Qu’il s’agisse d’un changement conséquent dans le scénario, de nouvelles questions font leur apparition, la mise en avant de certains personnages ou bien les pistes que cela laissent entrevoir pour la suite, il y a une multitude de façons de transformer une structure classique pour atteindre un résultat différent. C’est aussi pour ça que l’on souhaitait aborder ce cas si spécifique, car cela montre qu’un élément que l’on a l’habitude de voir ne signifie pas pour autant que celui sera redondant. On retrouve des similitudes, mais tout ceci s’inscrit aussi dans le contexte de la fiction ainsi que de ce que l’on a pu ressentir jusqu’à cet instant. Cela peut devenir une certaine routine dans certaines sagas, pour d’autres il s’agit d’une remarquable scission entre ce que l’on a vécu et ce qui nous reste à découvrir.
A nos yeux, ces passages sont autant une formidable source de souvenirs, mais aussi un héritage particulièrement puissant de ces nekketsus. Un élément qui faisait partie intégrante de notre vie de lecteur et qui a permis de construire bien d’autres aspects de la narration tout en nous délivrant des combats mémorables. On aura toujours un petit sourire en ressassant ces instants qui sont autant une source de nostalgie qu’une preuve du formidable travail que certains auteurs et autrices ont su apporter à leur art. Un arc récurrent, mais qui a su se démarquer par rapport à la vision de tous ceux qui sont à l’origine de ces titres. Il était nécessaire de poser un regard sur cette partie non négligeable de ces lectures que l’on a pu avoir auparavant et qui s’est déclinée de plusieurs façons par rapport aux licences plus actuelles. Des situations fortes, poignantes et qui ont su transformer de simples personnages secondaires en des héros qui nous font encore vibrer aujourd’hui. On voulait donc remettre en avant ce contenu qui nous a accompagnés plus souvent qu’on ne peut le croire et qui fait partie intégrante de notre aventure en tant que spectateur de tous ces mondes. Les outils sont les mêmes et c’est à chaque créateur de savoir la manière dont il va s’en servir. Un même schéma, mais pouvant donner vie à des expériences diamétralement différentes.
On espère que cette chronique vous aura plu et vous aura donné envie de voir d’un autre œil ces arcs narratifs. N’hésitez pas à nous dire dans les commentaires si vous souhaitez que l’on vous propose d’autres articles de ce genre ainsi que votre propre avis sur ce sujet. Les mangas ont toujours su donner des courses contre la montre haletantes pouvant autant ajouter de la tension qu’un développement intéressant de la plupart des personnages. Et vous, quel est votre passage favori de ce style dans une œuvre ? On reste toujours à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ces thématiques que l’on affectionne tant.