Peleliu-Vol.-10-2

Peleliu tome 10 : le désir de rentrer

On a toujours un grand faible pour les récits historiques, car ils permettent autant de poser un regard sur des événements passés importants que d’avoir une vision sur la société de l’époque. Des ères pouvant apporter leur lot de grandes épopées, mais aussi de moments tragiques. Ce fut le cas chez une série dont le dixième tome vient tout juste de sortir chez Vega-Dupuis. Il ne s’agit nul autre que de Peleliu qui a su nous plonger avec brio dans cette effroyable bataille de la Seconde Guerre mondiale. Brillant notamment par la représentation de ces soldats japonais faisant tout pour survivre et tenir tête à l’adversaire, le récit n’a eu de cesse de nous émouvoir au fil des chapitres. Si l’on avait déjà pu aborder cette saga il y a quelque temps, ce volume fut d’une telle intensité que l’on ne pouvait pas ne pas lui consacrer toute une chronique. Marquant un important changement au sein de la licence, ce nouvel acte est à la fois d’une grande tristesse et porteuse d’un peu d’espoir pour ceux qui ont tenu jusqu’ici. Une fresque militaire d’un réalisme terrifiant où l’on ne peut s’empêcher de ressentir quelques frissons à la lecture de ces pages. Il est donc grand temps de retourner sur cette île ayant déjà versé trop de sang.

Le périple de deux soldats

Peleliu Vol. 10Peleliu, imaginé par Kazuyoshi Takeda avec le concours de M. Masao Hiratsuka, s’était arrêté à un moment très important pour les soldats japonais survivants. Après avoir passé des mois à lutter contre les troupes américaines, à souffrir et à mourir de faim, une nouvelle vint mettre un coup au moral aux rescapés. Étant sans nouvelles de leur foyer depuis que les affrontements avaient redoublé d’intensité, ils étaient persuadés que le combat perdurait et que leur patrie luttait bec et ongles face à ces agresseurs. Malheureusement, certains membres du groupe découvrirent des journaux et photos indiquant que la guerre était finie et que les japonais avaient perdu. Ne pouvant tolérer de voir des américains et des compatriotes l’un à côté de l’autre, les officiers restants sur cette île déclarent que ces renseignements n’étaient qu’un leurre. Persuadés que tout cela faisait partie d’un stratagème vicieux pour les faire sortir de leur cachette, ils décidèrent de continuer le combat avec une hargne renouvelée. Même en sachant pertinemment qu’ils ne pourraient tenir indéfiniment dans ces conditions et avec aussi peu d’hommes, tous étaient prêts à sacrifier leur vie pour accomplir leur devoir. Il ignore alors totalement que tout ceci est la pure vérité et s’apprêtent à faire perdurer une guerre qui n’est plus la leur. Cette optique de pouvoir enfin rentrer chez eux va pousser Tamaru et Yoshiki à faire un choix qu’ils n’auraient jamais cru prendre un jour.

Après avoir suggéré d’entrer en contact avec les américains pour espérer retrouver leur demeure, les deux comparses furent finalement considérés comme de potentiels traîtres. Mis à l’écart au sein de l’abri et constamment surveillé, le duo parvient tout de même à profiter de la situation pour s’enfuir. A leurs yeux, le seul objectif qui reste à défendre est leur promesse de retourner au Japon vivant. Malheureusement, ils savent très bien que leur geste signifie le déshonneur dans l’esprit de leurs frères d’armes qui n’auront plus d’autres choix que d’essayer de les arrêter morts ou vifs. Tout cela se trouve à présent entre les mains du lieutenant Shimada qui s’est efforcé pendant tous ces longs mois de maintenir une cohésion au sein de ce groupe. Après avoir vu tant de ses hommes périr de manière effroyable, il ne sait plus quelle politique il doit aborder par rapport à cette situation. Son patriotisme pourrait bien finir par l’aveugler totalement et le conduire sur un chemin où l’espoir n’est plus permis. Ce qui est sûr, c’est que Peleliu va une fois de plus se réveiller au son des balles qui fusent et par l’odeur des morts qui se décomposent progressivement. Un lieu qui autrefois était paradisiaque, mais qui n’est plus aux yeux de ces survivants qu’un immense tombeau où chacun semble destiné à disparaître. Faut-il rester fidèle à des ordres dépassés ou bien abandonner cette fierté dans le vain espoir de pouvoir un jour retrouver ces êtres qui leur sont chers ? Un choix terrible qui risque d’apporter encore son lot de malheurs.

Après tout ce qu’il venait de se passer, il était clair que Peleliu allait nous conduire à des situations qui allaient sûrement nous enserrer le cœur. Pourtant, on était très loin d’imaginer que cela atteindrait un tel niveau. A la fois d’une grande brutalité et cherchant tout de même à offrir un peu de lumière, cette lecture s’empare de nous pour ne plus relâcher son étreinte même après la dernière page. On nous décrit là non plus un conflit entre deux armées, mais une lutte pour simplement survivre de la part de ces soldats qui veulent retrouver leur foyer. Une opposition entre le devoir et cette peur de tout perdre.

Un nouveau combat pour survivre

Il est important de noter tout d’abord à quel point on s’est éloignés de ce qui nous était raconté au départ. En effet, depuis quelques tomes, on n’est plus tellement dans cette optique où il est question de lutter contre les soldats adverses. Le véritable objectif à présent était surtout d’observer la quête de survie de ces japonais qui devaient autant faire face à une possible attaque qu’aux conditions de vie déplorables de leur cachette. L’action frénétique des premiers volumes s’est peu à peu estompée pour laisser place à un récit beaucoup plus porté sur l’humain et sur la condition de ces hommes qui continuent de se battre alors qu’ils ignorent totalement ce qu’il se passe dans le reste du monde. C’est là où l’auteur fait quelque chose de brillant avec l’arrivée de ces fameuses informations indiquant que la guerre est finie. A travers ce moment, on aurait dû voir la fin de cette lutte et une possibilité de retour pour ces individus ayant déjà beaucoup trop souffert. Pourtant, on a le droit à un revirement qui s’inscrit dans cette exposition du patriotisme à outrance qu’il pouvait y avoir à l’époque. Ne pouvant accepter une telle conclusion, la plupart préfère rester dans le déni en prétextant que tout ceci est faux. Une réaction qui peut sembler étrange, mais qui est aussi la suite logique de tout ce qui s’est passé jusqu’ici. Après tout, ces quelques survivants ont passé des mois à voir leurs camarades mourir par la main de l’ennemi ou les conditions de vie sur cette île. Ils ne peuvent accepter le fait que tout ceci fut fait en vain et cela s’inscrit dans cette notion de sacrifice qui était proche de l’endoctrinement à l’époque.

Le mangaka nous présente cela avec une grande habileté, mais aussi un réalisme qui fait froid dans le dos. Finalement, les deux seuls individus auxquels on peut se raccrocher sont Tamaru et Yoshiki. Ils sont ceux qui décident de braver l’autorité de leur supérieur en sachant pertinemment que cela fait d’eux des traîtres afin d’avoir le cœur net sur la situation. A travers ces quelques pages, on nous dépeint cette confrontation aussi fascinante que terrifiante du devoir absolu à ce désir de simplement retrouver ses proches. On comprend totalement les agissements de nos deux fuyards qui veulent juste retourner chez eux en vie. Cette lecture va alors nous délivrer des moments particulièrement touchants entre les deux comparses, mais aussi une succession de scènes déchirantes. On est témoin du désespoir qui peut animer certaines personnes qui ne savent tout simplement plus quoi faire. Il n’y a plus de bien ou de mal, mais juste des hommes souhaitant vivre quitte à marcher sur ceux qui les entourent. Une série qui dépeint avec maestria ce conflit qui a déjà fait trop de ravages et qui a tout simplement conduit des individus ordinaires à commettre les pires actes au nom d’un idéal qui était fini depuis maintenant un long moment. Cette lecture sera parvenue à nous faire vibrer à un niveau que l’on n’aurait jamais imaginé tant on a ouvert les yeux sur ce que l’on a vécu en leur compagnie et l’enfer que furent toutes ces longues journées. Un coup de poing dans le ventre qui nous met face à un terrible chapitre de l’Histoire.

Peleliu fait partie de ces mangas qui arrivent parfaitement à combiner un récit historique captivant à une œuvre avant tout humaine qui s’adresse directement au lecteur. Il est presque impossible de rester de marbre devant cette lecture qui nous arrache une larme au vu de tout ce qui se passe. On ouvre les yeux sur cette frontière qui peut exister entre le sens du devoir et une certaine folie due à toutes ces conditions. Suivre tous ces hommes s’étant battus pour simplement voir un autre lever de soleil est un voyage que l’on ne pourra oublier tant ce manga a balayé la frontière entre fiction et réalité.

Peleliu fait sortir les mouchoirs

Peleliu est un récit historique qui nous prend aux tripes tant tout est maîtrisé de A à Z. On en est au dixième tome et on n’a jamais eu ce sentiment de lassitude au vu de la qualité de la licence. Une œuvre magistrale qui nous délivre une fois de plus une lecture qui nous tient en haleine et nous fait passer par tout un tas d’émotions. En fait, c’est réellement au sein de ces quelques pages que l’on prend conscience de l’attachement que l’on peut avoir pour ces deux jeunes soldats qui décident de commettre le pire crime possible pour leurs frères d’armes. Un choix qui s’inscrit dans une volonté de connaître enfin la vérité sur le déroulement de cette guerre et de peut-être ainsi permettre à tous de s’échapper de ce lieu. C’est ça qui est aussi remarquable dans ce nouvel acte. Il brave l’interdit de leur supérieur pour enfin en avoir le cœur net, mais aussi pour permettre aux autres d’espérer de nouveau. Ils souhaitent rentrer chez eux et en fuyant, ils savent pertinemment qu’ils s’exposent au courroux de leurs camarades. Pourtant, ils sont prêts à endosser cette responsabilité pour leur propre sauvegarde, mais aussi pour celle de leurs compagnons. Tout est incroyablement bien écrit et l’on nourrit le même petit espoir que nos deux amis à l’approche de cette destination qui peut autant être salutaire que la fin du voyage. En parcourant cette île pendant si longtemps, on ouvre les yeux sur les atrocités de l’époque et surtout sur ce que l’être humain peut faire pour simplement survivre et répondre aux attentes de gens qu’ils n’ont sûrement jamais vu.

Avec cette lecture, il est évident que Peleliu est un immense coup de cœur. Une histoire qui nous fait voyager dans le temps et nous fait vivre un véritable ascenseur émotionnel. On sent que l’on se rapproche de la fin de la série et même là on a encore le droit à de terribles surprises. Des scènes mémorables qui s’inscrivent à tout jamais dans notre mémoire et font que l’on ne peut oublier ces personnages qui n’ont eu de cesse de se battre. En plus de ça, le décalage entre le dessin et la violence de ce récit est toujours aussi efficace et accentue même les sentiments ressentis. Après dix tomes, il n’est plus question ici de savoir si cette saga vaut le coup d’œil ou non, mais d’observer si elle a su évoluer dans le bon sens du terme. Là-dessus, il n’y a aucun doute à avoir, Peleliu frappe très fort et s’inscrit comme une formidable fresque historique qui mérite de trôner dans n’importe quelle bibliothèque. Même si l’on sait pertinemment que la conclusion se rapproche à grands pas, on a quand même quelques questions qui nous restent en tête. Est-ce que ces soldats peuvent encore espérer retrouver une vie normale après tout ce qu’il s’est passé sur cette île ? Qu’est-il advenu de ceux qui ont disparu sans laisser de traces ? Comment ces hommes vont-ils accueillir le fait que la guerre est finie et que leur pays a perdu ? On est juste impatient de découvrir le onzième volume de ce manga qui cache très bien son jeu.

N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce tome 10 de Peleliu. Trouvez-vous que le récit a su conserver toute sa puissance émotionnelle tout au long de son parcours ? Avez-vous eu l’impression de vivre un moment terrible et inoubliable au contact de ces soldats embourbés dans un conflit dont il ignore même la conclusion ? Avez-vous ressenti un profond attachement pour nos deux jeunes officiers rêvant tout simplement de rentrer chez eux ? Qu’attendez-vous pour la suite de cette licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre sur ce sujet.

© 2016 Takeda Kazuyoshi, Hakusensha

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