Lone Wolf & Cub-Vol.-1-2

Lone Wolf & Cub tome 1 : les pérégrinations d’un loup et de son enfant

Il y a des titres dont le simple nom suffit à nous faire vibrer par rapport à leur qualité. Des noms devenus légendaires et qui ont ponctué longuement notre quotidien de lecteur. C’est ce genre de manga où il suffit d’une poignée de secondes pour être totalement immergé dans l’histoire. On enchaîne alors les pages en contemplant cette remarquable aventure que l’on est en train de vivre. Rare sont les œuvres à pouvoir faire ça, mais c’est un pur bonheur que de se lancer dans une telle épopée quand on l’a enfin entre les mains. Si l’on parle de ça aujourd’hui, c’est parce que l’on va aborder l’une de ces séries qui a fait son grand retour la semaine dernière chez Panini. Il ne s’agit ni plus ni moins que de Lone Wolf & Cub qui revient de manière magistrale à travers une toute nouvelle édition rendant grandement hommage à ce grand classique. Une occasion en or de découvrir ou redécouvrir ce récit qui nous emmène aux côtés du célèbre assassin et de son fils. C’est en se replongeant dedans que l’on a pu entrevoir toute la force de cette saga qui s’exprime déjà pleinement dans cette imposante introduction. L’heure est donc venue d’accompagner ce binôme dans leur périple sanglant.

Voyage au coeur du Japon de Tokugawa

Lone Wolf & Cub Vol. 1Lone Wolf & Cub, imaginé par Kazuo Koike et Gôseki Kojima, nous plonge en plein Japon féodal alors que les Tokugawa ont pris le pouvoir. Instaurant une ère de paix après des années de violents conflits entre les différents clans, tout semble enfin être paisible pour la population. Malheureusement, la réalité est tout autre et ces terres ont beau être calmes en apparence, les violences existent toujours. Bandits, règlements de comptes, assassinats et luttes de pouvoir ne s’arrêtent jamais et peuvent transformer n’importe quelle existence en un véritable cauchemar. C’est à cette période qu’une légende s’étendit peu à peu dans tout le pays. Il est dit qu’il existe un homme poussant un landau parcourant ces contrées et arborant une bannière indiquant “fils à louer, sabre à louer”. Un étrange duo dont les services permettraient à n’importe qui de résoudre son problème si cela satisfait le caractère si spécifique de ce ronin. Si certains pensent qu’il ne s’agit que d’une rumeur sans fondement, la vérité est bien différente. En effet, il existe bien un homme dont la lame peut être monnayée afin de s’abattre sur ceux qu’on lui indique. Transportant son fils, ce dernier est aussi un outil pouvant être engagé pour diverses tâches. Après tout, personne ne se méfie d’un enfant qui ne parle presque pas. Cependant, ceux qui font appel à leurs services ignorent souvent qui ils ont face à eux. Cet inconnu n’est autre que Ittô Ogami, l’ancien bourreau officiel du shogun.

Un être dont les mains sont tachées de sang depuis bien des années et qui était craint dans tout le pays pour ses compétences martiales. Son simple nom suffisait à faire trembler le pire des criminels qui ne pouvait rien faire face à la puissance de son art. Malheureusement, un tel pouvoir finit toujours par attirer les convoitises surtout quand on a un caractère comme Ittô. Voulant l’écarter de son poste, il fut la victime d’un funeste complot le faisant tomber en disgrâce. A présent, il a perdu le pouvoir et le prestige dont il jouissait et est obligé d’errer sans fin en répondant aux quelques contrats qu’on lui donne. Cependant, il est loin d’en avoir fini avec toute cette histoire. Cette vie de vagabond lui permet d’enquêter et surtout de retrouver la trace de ceux qui sont derrière sa chute. Une quête de vengeance semblant impossible à réaliser, mais qui ne fait nullement reculer ce samouraï qui est prêt à perdre la vie pour son objectif. Ses yeux continuent d’abriter cette flamme de haine et de colère qui l’anime depuis fort longtemps. Peu importe son sort ou celui de son fils, il est déterminé à avancer et à suivre ses principes jusqu’au bout. A présent, une nouvelle légende naît et mieux vaut ne pas être sa proie, car personne n’en ressort jamais vivant. Un loup et son petit qui répondent à l’appel de l’argent et semblent impossibles à stopper. Une fois que la bête referme ses crocs sur sa cible, il est impossible de s’en défaire.

Vous l’aurez compris en lisant ce synopsis, Lone Wolf & Cub s’inscrit dans une fresque historique qui va rapidement nous convaincre par la retranscription de cette ère et tout ce qui gravite autour. A la fois très riche dans la découverte de cette époque, ce manga va aussi parfaitement utiliser ce contexte pour mettre en scène un voyage qui nous épate autant qu’il nous marque. A travers ce duo fantastique, on découvre de nombreuses facettes de ce pays où l’honneur est présent, mais les complots aussi. Un monde pouvant autant exprimer une grande beauté qu’une tristesse sans nom et qui est parfaitement retranscrit à travers les traits du dessinateur.

Un tandem emblématique

Il est quasiment impossible d’évoquer Lone Wolf & Cub sans parler de ces deux principaux personnages. Ittô Ogami et son fils Daigorô ne mettent pas longtemps à capter notre attention. Il faut dire qu’entre ce combattant aguerri imperturbable et ce jeune garçon silencieux, le contraste nous saute rapidement aux yeux. D’ailleurs, il n’est pas rare de se demander tout au long de notre voyage s’il existe réellement un lien du sang entre les deux. Cependant, plus on passe du temps en leur compagnie et plus on se rend compte de la richesse qui s’exprime à travers eux. Pour commencer, le fait d’enchaîner les contrats à leurs côtés va servir à créer un lien entre ce binôme et le lecteur. Même s’ils ne font que semer la mort dans leur sillage, on a une certaine sympathie pour ces deux vagabonds qui vont finalement être complémentaires. C’est en effet au fil des chapitres que l’on va ouvrir les yeux sur l’attachement qu’il y a entre ce père assassin et son fils qui semble accepter ce quotidien funeste. Le fait d’avoir rendu ce dernier quasiment muet ne s’exprimant finalement que par des affirmations aux propos de son père va avoir un effet tout particulier chez le spectateur que l’on est. Notre regard a beau se porter grandement sur cette figure protectrice qui pousse ce landau, on finit par porter notre attention sur ce gamin qui est bien loin d’être comme les autres enfants de son âge. Il semble être totalement résigné à son sort, et même l’accepter totalement comme s’il suivait aveuglément les pas de son géniteur.

Un garçon qui n’exprime aucune innocence et dont la vue du sang ou de la mort ne l’effraie nullement. En fait, les deux protagonistes forment un duo complet où chacun est mis à contribution pour remplir certaines missions. On prend alors pleinement conscience de ce que signifie ce message que porte Ittô, “fils à louer, sabre à louer”. Même Daigorô est présenté comme une marchandise que l’on peut utiliser pour faire baisser la garde d’une cible ou même servir d’otage. Sans même que l’on voit verser le premier sang, cette simple phrase représente à merveille ce tandem et aussi tout ce que l’on va vivre par la suite à leur contact. Un être qui a abandonné depuis longtemps l’idée de pouvoir vivre comme tout le monde et qui entraîne ce jeune garçon sur cette voie. Ainsi, si l’on est ébahi par les prouesses qu’ils arrivent à accomplir à deux, on ne peut s’empêcher de ressentir une profonde tristesse envers ces deux personnages qui ont tourné le dos hier à l’espoir. Cela est magistralement mis en scène tout au long de notre escapade et crée des moments où l’on se questionne sur ce qui serait vraiment le meilleur pour ce père et son fils. Ce manga est autant une succession de contrats devant permettre à cet homme de se rapprocher de son objectif qu’une tragique démonstration du lieu où cette quête finira par les conduire. Un récit mature et violent qui démontre toute sa force dans l’écriture de ses acteurs qui errent sans fin jusqu’à ce qu’un beau jour leur voyage se conclut ou soit coupé par la lame adverse.

Si nos deux principaux protagonistes de Lone Wolf & Cub forment l’âme de ce manga, un autre point nous a rapidement sauté aux yeux au fil des pages. En suivant les divers contrats de cet assassin, le lecteur va constamment être en contact avec la mort, la souffrance et le sang. Tout le récit est teinté de cette aura funeste qui va autant contribuer à l’atmosphère oppressante de l’ouvrage qu’à nous transmettre une multitude de messages. Dès l’instant où les lames sont dégainées, c’est un véritable ballet mortel qui se déclenche et où finit toujours par se dresser celui qui a su apprivoiser la grande Faucheuse.

La mort est partout

Voilà un élément que l’on tenait à évoquer, car autant le dire tout de suite, Lone Wolf & Cub tourne grandement autour de la mort. Notre assassin a beau aider certaines personnes à travers ses actes, cela revient toujours à ôter une vie. Le reflet de ce que nous transmet tout ce premier volume où la lumière n’est jamais présente. Bien sûr, on a le droit à des instants où l’honneur arrive à se frayer un chemin à travers cette montagne de cadavres, mais il est toujours question de périr. Comme dit un peu plus haut, nos deux protagonistes ont décidé de dédier leur existence à raccourcir celle des autres. Même la figure de l’enfance disparaît en un éclair pour laisser place à une coquille vide qui a renoncé à tout bonheur fugace pour accomplir son devoir en tant que fils de ronin. Il est vrai que Ittô fait toujours preuve de principes dans l’approche qu’il a de chaque contrat. Il s’agit bien du seul élément qui lui reste après avoir perdu tout ce qui fait de lui un être humain lambda. Prêt à se mettre en danger s’il le faut, la mort n’est pas une chose qui l’effraie, mais qu’il est prêt à accepter les bras ouverts quand son heure sera venue. Une manière de vivre qui va déteindre sur son propre fils à qui il va inculquer sa vision des choses, mais aussi la rudesse d’une existence sur les routes. En réalité, quand on s’attarde en détail sur ce premier volume, il n’y a pas un seul chapitre où le souffle glacial de la mort ne souffle pas.

On est donc constamment ramené à cette situation où tout peut s’arrêter du jour au lendemain surtout quand on est dans le collimateur d’un combattant aussi aguerri que Ittô. On pourrait ainsi croire que l’on est ébahi devant sa capacité à vaincre des dizaines d’ennemis à lui seul, mais l’excitation des affrontements disparaît rapidement pour laisser place à une certaine tristesse. Que ce soit pour ce père ou son fils, on ne peut s’empêcher de penser qu’une telle voie ne peut apporter que souffrance et qu’il risque fort de ne jamais pouvoir s’en extraire. En plus de ça, le fait d’être mercenaire et de louer ses talents ne fait qu’apporter encore plus de poids à ce sentiment que la mort n’est rien de plus qu’un marché pouvant régler bien des querelles ou des problèmes. Un marchand à sa manière qui instille la peur chez ses ennemis avant que ces derniers ne trépassent. D’ailleurs, on a le droit à une partie absolument magistrale abordant avec brio ce thème afin de montrer le danger d’embrasser un tel destin. En vivant par l’épée, on ne peut que mourir par elle et l’on est totalement bouleversé en voyant que cela pourrait se répercuter sur ce gamin qui ne fait que suivre et obéir à ce père désireux de se venger. Les agissements de l’un ont fini par façonner l’avenir de l’autre avant même qu’il soit vraiment conscient de ce qu’il souhaite faire réellement. Deux êtres étroitement liés qui entament un long et terrible voyage où les corps ne font que se multiplier dans leur sillage. C’est une terre gorgée de sang que l’on découvre et qui n’a pas fini de s’abreuver de ceux qui oseront se tenir devant ce mercenaire et son louveteau.

Lone Wolf & Cub est une œuvre qui parvient, en seulement très peu de mots, à nous raconter un périple hors du commun. En errant en compagnie de ce père et de son fils, on ouvre les yeux sur ce pays en plein changement et où de grands bouleversements impliquent toujours la disparition de certaines personnes. Alors que les jeux de pouvoir font rage parmi les puissants, nous sommes avant tout guidés par le chemin sinueux et gorgé de sang que trace cet assassin. Peu importe la politique, les raisons ou les agissements de certains, car ici tout finit toujours par se régler un sabre à la main.

Lone Wolf & Cub démontre son talent

Dès l’annonce de son retour, Lone Wolf & Cub avait su éveiller l’intérêt de nombreux lecteurs dont nous faisions partie. Proposant une nouvelle édition magistrale, l’éditeur nous permet de replonger avec délice dans ce périple où les problèmes se règlent à coups d’épée. En ouvrant la première page de ce manga, on entame un long et périlleux voyage en compagnie de deux personnages qui sont la parfaite représentation de ce monde qui semble régi par là mort. A la fois somptueuse et tragique, cette épopée vient à peine de débuter que l’on est déjà sous le charme de ce qu’elle raconte. Même si on peut avoir l’impression qu’il n’y a pas de fil rouge, le simple fait de suivre les traces de ce sabre et de ce fils à louer raconte quelque chose de fort. On enchaîne les situations sanglantes et il y a un côté grisant à voir ce vagabond parvenir à terrasser des adversaires en surnombre. Un spectacle avant tout visuel et qui nous raconte justement énormément de choses rien qu’à travers ses dessins. En plus de ça, il y a eu un formidable travail réalisé sur cette nouvelle édition qui va nous plonger totalement dans cette époque. On ressort autant captivé par ce que l’on a vu qu’instruit par toutes les informations qui accompagnent chacun de nos pas. Une fresque gigantesque qui se façonne au fur et à mesure de ce périple où la violence prime sur la discussion. On peut alors ressentir des messages importants à travers ce récit qui nous séduit autant qu’il nous touche par ce binôme qui entre rapidement dans la légende.

En lisant cette chronique, vous aurez compris à quel point on a été ébloui par le retour de cette série qualitative. Plus qu’une simple histoire de samouraï en quête de vengeance, Lone Wolf & Cub nous conte l’existence maudite de ce vieux loup et de sa progéniture qui avance inlassablement en espérant juste que chaque jour ne soit pas le dernier. Une œuvre “patrimoine” qui n’a rien perdu de sa superbe et dont on arrive à analyser encore plus d’éléments aujourd’hui. On a devant nous un ouvrage massif et captivant qui réussit à faire ressortir habilement tout ce qui fait l’attrait de cette épopée. Si vous avez envie de vous immerger dans un Japon féodal où la mort prend le pas sur la vie ou que vous souhaitez découvrir un tandem incroyable prêt à tout pour atteindre leur objectif, alors ce titre pourrait largement vous plaire. A présent, il est l’heure de poser les quelques questions que l’on a en tête à la suite de ces premiers pas. Est-ce que notre ronin parviendra à réclamer sa vengeance ? Devra-t-il se confronter à un ennemi insurmontable ? Est-il encore possible pour de tandem d’échapper à ce funeste avenir qui se présente à eux ? Son fils finira-t-il par choisir sa propre voie ou bien suivre les traces de son père ? Le futur s’annonce palpitant et toujours aussi brutal pour cette lame et cet enfant qui passent d’une région à l’autre en ne laissant que le silence derrière eux.

N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Lone Wolf & Cub. Avez-vous déjà lu la série lors de sa première parution ? Est-ce votre découverte de la licence ? Avez-vous été happé par les péripéties de ce loup et de sa progéniture ? Trouvez-vous qu’il y a un charme qui se dégage de ces pages où la beauté finit toujours par se transformer en une sanglante lutte pour survivre ? Est-ce que ce duo fonctionne parfaitement à vos yeux dans cette représentation de cette mort inéluctable qui finit toujours par frapper ? Qu’attendez-vous pour la suite de cette histoire ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.

© 1970 Kojima Goseki / Koike Kazuo

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *