86 tome 1 : la guerre sous tous ses aspects
L’année dernière fut une bonne année pour le light novel avec la sortie de nombreuses séries. Un type de récit à l’origine de beaucoup d’excellentes histoires et qui mérite amplement que l’on s’attarde dessus. C’est pour ça qu’aujourd’hui, on va aborder un titre que l’on attendait avec impatience tant on a été bluffé par la qualité de son adaptation en anime. Il s’agit de 86, édité chez Mahô Editions, dont le premier volume est sorti en décembre. Si ce nom vous dit quelque chose, c’est parce que la version anime est disponible actuellement sur Crunchyroll et a su séduire de multiples spectateurs au fil de ses deux saisons. Ce fut le cas pour nous et on s’est dit qu’il serait captivant de voir ce que pouvait apporter l’œuvre à l’origine de cette aventure. Après lecture, on peut dire que l’on a été ébloui par la capacité de cette saga à nous faire vivre des émotions d’une rare intensité. En nous plongeant dans un terrible conflit faisant ressortir le pire chez l’être humain, cette épopée veut nous mettre mal à l’aise à travers toutes les injustices dont on est témoin. Un conte qui nous retourne l’estomac et il est important d’analyser cette première partie. On espère donc que vous êtes prêts pour vous rendre sur un impitoyable champ de bataille.
Un conflit qui bafoue les valeurs d’un royaume
86, imaginé par Asato Asato, illustré par Shirabii et dont le mecha design a été fait par I-IV, nous emmène au cœur de la république de San Magnolia. Composé de 85 districts, cette gigantesque place forte semble passer des jours paisibles. En effet, les habitants profitent d’une quiétude singulière par rapport au contexte du royaume. Alors que la guerre fait rage en dehors des murs, les pontes de cette société déclarent que ce conflit ne fait aucune perte humaine dans leurs rangs. Des propos surprenants, mais qui confortent l’opinion publique dans son mode de vie insouciant à l’égard de la menace qui guette à l’extérieur. Cette dernière n’est autre qu’une gigantesque armée de drones appelée la “légion”. Guidé par des intelligences artificielles de pointe, rien ne semblait pouvoir les arrêter lors de leurs premiers assauts il y a des années de ça. Pourtant, un équilibre a finalement été trouvé après que la république ait mis en place ses propres machines de guerre pour s’opposer à l’ennemi. Baptisés “Juggernauts”, ces sortes d’araignées mécaniques sont les outils idéaux pour contrer cette marée robotique qui ne cesse de s’en prendre à eux. Donnant l’impression d’un statu quo, la vérité derrière cette situation est bien différente et sinistre. Derrière les hautes murailles qui protègent l’ensemble de ces quartiers se trouve un 86e district. Basée à l’extérieur de l’enceinte, elle sert de ligne de front face à l’invasion adverse. Cependant, ce secteur est considéré comme inexistant par les habitants de San Magnolia qui ne considèrent les Eighty-six que comme des êtres bons à envoyer se battre à leur place.
Ils leur ont enlevé leur citoyenneté et les forcent à lutter dans une guerre pour espérer regagner la tranquillité de la capitale. En fait, les victimes sont innombrables et la mort partout à l’extérieur, mais pour les habitants privilégiés des autres districts, ces pertes ne sont pas humaines. Une situation qui bafoue les valeurs de cette soi-disant république qui n’a que faire de ces jeunes gens qui entrent dans ces machines et se lancent dans un combat qui semble perdu d’avance. C’est dans ce contexte que Léna, jeune commandante, se retrouve affectée au 1er escadron de défense nommé “Spearhead”. Elle est l’élite de ces unités sur le front dont le taux de réussite et de survie est largement plus grand que les autres groupes. Mené par un chef que l’on surnomme le “Faucheur”, ces hommes et femmes luttent sans cesse pour ne serait-ce qu’assister à un nouveau lever de soleil. Dégoûtée par le comportement de ses compatriotes, leur nouvelle commandante va tout faire pour aider au mieux ce groupe qu’elle ne peut voir qu’à travers un écran. Malheureusement, même en sachant la vérité, il est parfois difficile d’agir. Se retrouvant embarquée dans un cercle perpétuel de haine, de violence et de sang, Léna va ouvrir les yeux sur la réalité de ce champ de bataille. Elle pensait avoir déjà vu le pire chez l’être humain, elle n’en avait vu en réalité qu’une infime partie. Ainsi débute une nouvelle journée pour cette escouade qui est résignée à mourir, mais est déterminée à vendre chèrement sa peau.
Même en étant familier de cet univers à travers l’anime, le light novel 86 parvient pourtant à nous nouer l’estomac. En un volume, on est totalement transposé dans ce monde où une majorité opprime une minorité pour l’envoyer combattre à sa place. Un constat effroyable et qui va permettre d’aborder de nombreux sujets graves autour de cette guerre. Parfois, le pire ennemi n’est pas celui qui se tient devant nous, mais derrière. Cela n’a jamais été aussi vrai que dans cet environnement où la moindre lueur d’espoir semble avoir disparu et où l’unique libération est celle délivrée par les coups adverses.
Un contexte militaire qui ne nous épargne rien
On se rend très vite compte que 86 est un titre qui souhaite nous plonger au cœur des affres de la guerre. Un contexte qui peut sembler avoir été traité à de nombreuses reprises par diverses séries. Cependant, rares sont celles qui réussissent à décrire avec autant de justesse et d’effroi ce que l’être humain est capable de faire en ces temps de troubles. Ici, face à un ennemi qui semble déferler tel un raz-de-marée sans donner le sentiment de faiblir, l’ensemble de la population accepte de faire un choix effroyable. Par pur désir de survie et de ne pas se salir au sein de ce conflit, ils sont prêts à enlever tous les droits à une partie de leurs concitoyens sous prétexte qu’ils sont différents d’eux. Tout un groupe devient paria et on leur promet de leur faire regagner leurs droits en échange de plusieurs années de service face à cet adversaire impitoyable. On nous conte donc avec brio cette différence entre ceux qui se prélassent dans le luxe et l’opulence à ces pauvres âmes forcées de lutter pour la survie de ces tortionnaires qui ne les considèrent même pas comme des humains. Là aussi, le fait que l’on assiste impuissant à la violence des propos engendrés à l’égard de ces conscrits qui sont comparés à des porcs sert à renforcer la haine que l’on ressent pour cette république qui ne respecte aucunement la devise de son drapeau. En fait, tout est pensé pour que l’on soit beaucoup plus en colère par rapport à ce système esclavagiste que par le danger que représente cette légion qui se dresse devant eux.
C’est remarquable d’avoir su exposer avec autant de sincérité cette part d’ombre qui peut aisément apparaître dans le cœur de chacun si cela lui permet de fuir une mort probable. Le sentiment qui anime le lecteur tout au long de cette aventure est l’injustice de voir ces jeunes se lancer dans une guerre et mourir au nom d’individus qui ne jettent pas le moindre regard dans leur direction. Voilà sûrement la première grande qualité de 86 qui est d’aborder un conflit militaire d’un point de vue où les libertés et les droits de chacun sont bafoués par une partie des gens qui vont même aller jusqu’à ignorer totalement la lutte qui se déroule à leurs portes dans le seul but de s’amuser et profiter de leur quotidien. Cela ne fait qu’ajouter encore plus de tristesse aux sacrifices de ces soldats qui sont, pour la grande majorité, des enfants résignés. Une bataille qui semble perdue d’avance et où pourtant quelques individus luttent bec et ongles pour simplement retarder l’inévitable. D’ailleurs, le contraste qui se joue entre les deux parties de la population va aussi résonner au sein même de cette escouade entre leur commandante et ceux formant ce peloton. A travers les yeux de notre héroïne, on ouvre peu à peu les yeux sur les atrocités commises par cet entourage qui gravite autour d’elle. Une jeune femme semblant idéaliste et qui va se confronter à la terrible vérité qui est bien plus sombre que ce qu’elle pouvait déjà contempler chaque jour. L’enfer de ce champ de bataille n’est pas dû uniquement à cet opposant qui abat tout bonnement ses ennemis sans la moindre distinction. Il fut aussi forgé par ces couards qui se dissimulent derrière ces murs et qui n’ont absolument aucun respect pour la vie d’autrui.
Si 86 est aussi marquant, en plus de tout ce qui tourne autour de cette lutte, vient des personnages qui rythment le récit. En effet, ces derniers ne cessent jamais de retenir notre attention par leurs agissements, leur combat désespéré, mais aussi la manière dont ils entrevoient leur avenir au sein de ce conflit. Des acteurs et actrices qui vont parfaitement sublimer l’horreur de ce monde en menant un combat pour des gens qui n’ont aucune considération pour eux. C’est au cœur de cette escouade que le lecteur va être réellement le témoin des souffrances qui animent ces gens que certains ne considèrent même plus comme des humains.
Des soldats qui nous font trembler
Si 86 est déjà fantastique et prenant par le fond de son histoire, il l’est aussi par ceux qui vont incarner ce combat incessant qui ne peut conduire qu’à un sinistre résultat. En effet, l’escadron Spearhead brille par toutes ces personnalités différentes qui la constituent. Sans même avoir le moindre visuel d’eux, au même titre que leur supérieure, on s’attache aux quelques noms que l’on nous donne. Cela ne fait qu’ajouter encore plus de souffrances quand sonne l’alarme indiquant une offensive ennemie. On se met à espérer de tout cœur qu’ils pourront tous revenir en vie, mais la lumière n’a pas sa place en des temps aussi troublés. On l’apprend tout autant que la jeune femme qui va assister à tout ça derrière son écran. A travers ces quelques lignes, l’auteur donne vie à des enfants qui sont envoyés en pâture à des monstres d’acier en sachant pertinemment que la seule récompense qu’ils auront sera de mourir pour un pays qui ne veut même pas d’eux. Chaque chapitre va appuyer sur cette douleur qui s’est créé dès le prélude et qui ne va cesser de s’élargir au fil des pages. Si cette escouade est aussi forte pour le lecteur, c’est parce qu’elle est présentée comme étant un peu exceptionnelle au milieu des autres troupes. Même si les morts sont inévitables, ils sont avant tout des soldats ayant réussi à tromper la grande faucheuse un nombre incalculable de fois. Des vétérans dont l’expérience nous donne ce faux espoir de penser qu’ils peuvent survivre à tout, même au pire.
On sent le ressentiment qu’ils ont à l’égard de ces supérieurs qui ne vont même pas sur le terrain pour assister à ce qu’il se passe. C’est là aussi où la relation entre Léna et les membres de l’escouade va refléter en grande partie toute la tragédie de ce monde. Alors que eux se battent et mettent en péril leur existence, leur jeune commandante reste bien au chaud derrière les murs de San Magnolia. Elle a beau avoir les meilleures intentions du monde, cela n’empêche pas ce tragique déséquilibre entre elle et les individus sous ses ordres. Ainsi, on a d’un côté une jeune femme désireuse de vouloir changer les choses, mais qui ignore en vérité à quel point cette société est corrompue par la peur et la haine. De l’autre, on a notre Faucheur et ses partenaires qui savent très bien ce qui les attend en montant dans leurs machines. Des enfants qui auraient dû mener une vie faite d’innocence et qui finalement ont perdu tout espoir de retrouver un quotidien normal. La colère a beau ronger beaucoup d’entre eux, ils sont las de devoir se débattre face à un système qui ne changera jamais, mis à part par sa propre destruction. A leur échelle, ces deux côtés sont la représentation de cette scission qui a séparé ces deux peuples qui autrefois n’en formaient qu’un. C’est pour ça que la relation qui va se développer entre Léna et cette escouade est aussi importante qu’intelligente dans ce qu’elle raconte. Une bataille qui ne se joue pas uniquement sur le front, mais aussi à l’intérieur des districts de cette cité.
Avec ce premier volume du light novel 86, on est transposé dans un environnement qui nous marque au fer rouge tant il est d’une rare violence physique et surtout morale. On enchaîne les chapitres en sentant la tristesse et la colère monter en nous tant on s’est attaché à ces enfants qui sont réquisitionnés pour défendre un pays qui n’est plus le leur. L’impact est encore plus fort ici que dans l’anime tant l’esprit du lecteur est en ébullition devant tant de malheurs. Une imagination qui va nous donner des frissons tant on peut facilement y voir une triste sincérité de ce que l’Homme peut vraiment être capable de faire pour se protéger.
86 réussit son opération
On peut l’affirmer tout de suite, ce premier volume de 86 a parfaitement su capter toute notre attention en quelques chapitres. En dévorant ces pages, on a été immergé dans un monde où la haine, la tristesse et la mort sont légion. La joie n’est que factice et seul un certain esprit de camaraderie réside encore sur ce champ de bataille qui a déjà emporté beaucoup trop de vies. Du haut de cette tour blanche, on contemple ces individus se battre et souffrir pour la cause de gens qui ne méritent aucune considération. Un véritable sentiment d’impuissance nous est transmis et montre à quel point l’auteur est parvenu à atteindre son objectif. En nous contant le récit de cette escouade, ce light novel veut nous montrer que derrière chaque individu peut se cacher un monstre bien plus terrible que la plus froide des machines. En dehors de ça, cet ouvrage permet aussi de poser des bases captivantes par rapport à cet univers bien plus riche qu’on pourrait le croire au départ. Une claque autant sur le plan de la construction narrative que des émotions ressenties tout au long de ce périple. On passe de la colère à la frustration combinée à une profonde tristesse pour ces personnages que l’on apprend à apprécier et qui n’ont connu quasiment aucune autre vie que celle menant à guerroyer pour une possible réinsertion qui a plus l’apparence d’un piège. Une expérience littéraire qui nous prend aux tripes et qui ne relâche jamais son emprise jusqu’à la dernière page. Cela faisait bien longtemps qu’un titre ne nous avait pas autant transposés dans son univers et marqués au plus profond de notre être.
Vous l’aurez aisément compris en lisant ces quelques lignes, mais on a été bluffé par la qualité de ce premier volume de 86. Un énorme coup de cœur qui apporte tellement de choses tout au long de cette lecture. On vibre au même rythme que ces acteurs et actrices qui font face à ce tsunami de haine qui semble impossible à endiguer. Malgré tout, ils restent fidèles à leur principe et l’on ne peut qu’être admiratif devant ces jeunes gens qui ne veulent pas abandonner pour ne pas que l’on puisse dire d’eux qu’ils ont été similaires à leurs geôliers. Un light novel qui peut sincèrement émouvoir et toucher un très grand nombre de lecteurs. Même si vous avez vu l’anime, cet ouvrage saura vous éblouir et vous apportera des éléments supplémentaires permettant d’enrichir une épopée déjà mémorable. A travers cette guerre, c’est une peinture bien sombre, mais pourtant nécessaire qui se dessine devant nous afin d’éveiller les consciences sur des sujets de la plus haute importance. A présent, il est temps d’évoquer les questions qui nous viennent à l’esprit maintenant que l’on a conclu ce premier acte. Est-ce qu’il est encore possible pour ce monde d’être sauvé de cette invasion ? Sera-t-il possible de permettre aux 86 de retrouver leurs droits ? Qu’en est-il du destin qui attend l’escadron Spearhead ? La mort continuera-t-elle de faire son travail sur ces terres gorgées de sang ? Il faut prendre maintenant son mal en patience en attendant le prochain chapitre de cette fresque dramatique.
N’hésitez pas à nous partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti sur ce premier volume de 86. Avez-vous été bouleversé par tout ce qui était raconté dans ce light novel ? Trouvez-vous que c’est une représentation fidèle et terrifiante de ce que la guerre et l’être humain peuvent commettre de pire ? Quel est le personnage qui vous a le plus conquis tout au long de ce premier acte ? Avez-vous trouvé la relation entre notre commandante et ses subordonnées bien menée ? Est-ce que ce récit est, selon vous, une réussite au niveau des thématiques qu’il traite ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.