Mashle

Derrière le mainstream : Mashle et sa vision de la normalité

Nous sommes heureux de voir l’engouement que vous avez pour notre rendez-vous “Derrière le mainstream”. En effet, les deux premiers numéros vous ont beaucoup plu et il est donc grand temps d’un tout nouvel article. Il faut dire qu’il existe énormément d’œuvres connues qui peuvent cacher des facettes très intéressantes à analyser. C’est notamment le cas du titre que l’on va aborder aujourd’hui et qui est avant tout réputé pour son récit totalement délirant. Il s’agit de Mashle, édité chez Kazé, qui a toujours su être un très bon divertissement à nos yeux. Si l’on est dans une série qui joue à fond la carte de la parodie et de la dérision, il faut aussi s’arrêter quelques minutes sur ce qui peut être raconté à travers ça. Cette fois, on ne va pas tant s’attarder sur le spectacle direct qui nous est offert, mais sur ce qui nous est présenté derrière ce déferlement de gags et d’action. On est face à une épopée qui prend un parti fascinant où la normalité est loin de ce que l’on peut connaître. Un combat de chaque instant où la magie tente de se poser comme norme suprême. Il est donc grand temps de retourner sur les bancs de cette école en compagnie de ces étudiants loufoques.

Le fantastique est une norme

Mashle - entraînementPour bien comprendre de quoi on va parler, il est important de revenir sur l’histoire que nous propose la série. Mashle, imaginé par Hajime Komoto, nous propulse dans un monde où la magie règne absolument partout. Cette force invisible est en chaque être humain et les habitants profitent de ses bienfaits aussi facilement que s’il s’agissait de respirer. C’est toute une société qui a vu le jour à travers ce don naturel octroyé à chaque nouveau-né. Dans cet environnement où les pouvoirs sont banals, le fait de ne pas en avoir est considéré comme une hérésie. Si une personne n’a aucune affinité avec un sort, il est tout de suite considéré comme un criminel et condamné à la peine capitale. Un triste destin pour ceux qui n’ont pas eu de chance d’entrée de jeu, mais qui ne semble éveiller aucun problème chez tous ceux qui observent ce spectacle en silence. Une catégorisation qui va très vite se retrouver face à un obstacle de taille. Celui-ci n’est autre qu’un jeune garçon qui vit dans les bois avec son père. Il s’agit de Mash, un adolescent qui passe le plus clair de son temps à se muscler dans ce coin isolé du monde. Ayant vu le jour sans le moindre pouvoir magique, il s’est contenté de rester caché aux yeux des autres tout en peaufinant sa propre force physique. Un passe-temps comme un autre qui se combine à merveille pour lui avec son amour des choux à la crème. En fait, il ignore la raison qui le pousse à se cacher. Son père a toujours fait en sorte de le protéger en lui affirmant qu’il ne devait aucunement se mêler à la population.

Mais la tentation est bien trop forte et Mash décide de se rendre déguisé en ville pour faire quelques emplettes. Malheureusement pour lui, il est rapidement découvert par un agent des forces de l’ordre qui se rend compte qu’il n’a aucune marque sur son visage. Ce signe distinctif est celui qui indique si quelqu’un a un don ou non. Très vite, sa présence est synonyme de troubles et il se retrouve poursuivi. Heureusement, il parvient à échapper à ses poursuivants et à retourner chez lui. Il prend conscience de ce que son statut si particulier fait de lui au regard des autres. Finalement, la police retrouve sa trace et un combat s’engage alors entre l’adolescent et eux. Ce que ces agresseurs ignoraient, c’est que ce sans-pouvoir n’a eu de cesse de se muscler depuis sa plus tendre enfance. En seulement quelques secondes, Mash fait étalage de sa force herculéenne pour terrasser ses adversaires sans qu’ils n’aient pu rien faire même avec leur magie. Pour la première fois, les muscles venaient de prendre le pas sur cette énergie capable de miracles. C’est à cet instant qu’une proposition fut faite à ce jeune garçon exceptionnel. Pour protéger son père, il doit intégrer la plus célèbre école de sorcellerie et en ressortir diplômé. Sans la moindre hésitation, cet accro de l’entraînement accepte sans se douter un seul instant de la difficulté d’une telle tâche. Le voilà entouré de mages prometteurs qui n’hésiteraient pas une seule seconde à se jeter sur lui en apprenant son secret. Il va donc lui falloir faire preuve de discrétion et d’ingéniosité pour que rien ne transparaisse. Le combat opposant la force brute à cette force spirituelle ne fait que débuter !

Après avoir remis le contexte en place, il est maintenant temps d’attaquer le cœur de notre sujet. En effet, Mashle a su attirer notre regard par ce délire qui fonctionne très bien où l’amusement est la priorité. Cependant, il ne faut pas s’arrêter au fait que tout ça n’est qu’une histoire tournant autour de l’humour et de la baston. Quand on s’arrête quelques instants sur la lutte de Mash, on se rend compte de cette impressionnante dualité qui se joue devant nous. Là où d’habitude la sorcellerie est synonyme d’exception, ici c’est tout le contraire. Un trait héréditaire à chacun qui condamne à mort ceux qui ne peuvent faire partie du troupeau.

Mash, l’intrus inarrêtable

Maintenant que l’on a parlé en détail du contexte de notre histoire, il est grand temps de s’attarder sur le cœur de notre analyse. Mashle, comme dit un peu plus haut, est avant tout un grand divertissement qui a parfaitement su jouer la carte de l’humour et de l’exagération. Pourtant, le titre peut amener un point de vue très singulier dès lors que l’on prend le temps de réfléchir à l’opposition qui est à l’origine de cette histoire. En effet, la magie a toujours été présente dans la fiction et bien sûr la fantasy. C’est un élément souvent réservé à quelques élus ou bien après de longues années d’études. Il faut alors avoir forcément des prédispositions pour se permettre de suivre cette voie. Ainsi, dans l’esprit des lecteurs et spectateurs, les magiciens ou sorciers ont toujours été des êtres en marge de la société. Redoutable, craint, mais aussi peu nombreux en comparaison du reste du monde. Avec ce manga, on brise ces codes que l’on connaît depuis très longtemps en faisant de la sorcellerie un élément naturel à chacun. L’auteur va même aller encore plus loin dans cette appropriation de la magie en condamnant tout ce qui va à l’encontre de ce principe. Si l’humour est rapidement présent dans cette aventure, on est tout de même plongé au cœur d’un environnement où la mort attend tous ceux qui ne correspondent pas aux critères naturels de l’ensemble de la population. Un constat assez terrifiant quand on y fait attention et qui montre une profonde oppression de la part de la majorité à l’égard de ces quelques personnes qui sont, à nos yeux, les êtres les plus normaux ici. 

Un contexte loin d’être reluisant quand on y pense et qui appuie sur cette ségrégation pour faire surgir un être capable de briser cette société qui n’accepte pas la différence. Mash est un héros qui brille par sa nonchalance, son côté un peu idiot, mais aussi sa puissance remarquable. Dans un monde où le fantastique est considéré comme un élément aussi naturel que l’air, l’exceptionnel vient justement de ce garçon capable de tout détruire par la seule force de ses bras. Une exagération encore plus grande que le plus impressionnant des sorts. Cela joue bien évidemment un rôle déterminant dans la création de cet humour basé sur la surenchère et ce fossé entre les deux camps. Mais en dehors de ça, il y a cet aspect grisant qui nous envahit quand on voit Mash donner tout ce qu’il a pour faire tomber de leur piédestal ces mages un peu trop arrogants. C’est à travers ses combats qu’il va montrer que ce n’est pas parce qu’il est un être “lambda” pour ce monde qu’il n’a pas sa place sur ces terres. Il détruit petit à petit ces fondations basées sur l’oppression de ceux qui ne rentrent pas dans le moule. Une tornade qui emporte tout sur son passage et qui va surtout éveiller les consciences sur l’horreur d’un tel harcèlement à l’égard d’une minorité. D’ailleurs, la fameuse amitié que l’on retrouve dans beaucoup d’œuvres du genre va ici souligner à son tour qu’il est tout à fait possible pour les sorciers et les gens ordinaires de cohabiter. On est plongé dans une épopée où cette magie capable de prouesses inimaginables se retrouve impuissante par une force bien plus grande. Une thématique importante traitée à travers une surenchère d’une redoutable efficacité.

En traitant de cet élément en particulier et de son importance dans Mashle, on tenait justement à souligner qu’un manga peut autant être un redoutable divertissement que dissimuler d’autres atouts. On peut tout à fait apprécier la série pour ce qu’elle nous montre directement. Un pur défouloir où la comédie se mêle habilement à des affrontements épiques. Mais il y a aussi cette part d’ombre qui pourtant nourrit l’âme de cette saga depuis le tout début et jusqu’aux derniers chapitres en date. On a devant nous un titre qui nous fait bien rire, mais dont la base est loin d’être construite sur un sujet propice au bonheur.

Mashle brille par sa normalité

Mashle - MashAvec nos rendez-vous “Derrière le mainstream”, on ne cherche pas à dire si ces titres méritent ou non leur popularité. Ils ont d’énormes qualités qui leur ont permis de se hisser à la place où ils sont et il est tout aussi intéressant d’analyser un titre destiné au plus grand nombre que des titres plus discrets. Une volonté que l’on a toujours voulu transmettre au sein de ces chroniques, car chaque série peut apporter de la joie à quelqu’un. Ici, ce que l’on veut, c’est surtout voir ce qui peut être raconté derrière une histoire aussi efficace. Aller au-delà du côté divertissant pour réfléchir à tout ce que l’auteur a pu vouloir transmettre. Avec Mashle, cela nous est rapidement venu en tête de parler de cette scission dans cette notion de normalité. Il est justement fascinant de prendre quelques minutes pour remettre en perspective tout ce que nous explique cette situation qui va inaugurer l’aventure de Mash. Quand on y pense, le manga brille par ses nombreux gags alors que son fond est bien plus sombre qu’on pourrait le croire. Bien sûr, on reste dans un grand spectacle qui a très bien su développer ses principaux atouts pour aller toujours plus loin dans son délire. Mais derrière l’humour, les rires et les situations loufoques se trouve un combat intense et important pour briser cette violente oppression. Au travers de cette série, on nous montre que celui qui est considéré anormal par son manque de magie est au final l’être le plus extraordinaire au monde. Un jeune garçon qui n’avait pas les moyens de suivre les traces des autres et qui a finalement créé sa propre voie à force d’efforts et d’entraînements.

On espère que ces quelques lignes vous auront donné une autre approche de la licence et surtout qu’elles auront permis de vous faire réfléchir sur la question. Chaque lecteur a sa manière d’aborder une série et c’est ce qui est fantastique dans le monde du manga. De ce fait, on soulève certains éléments et pas forcément d’autres qui vont contribuer à notre vision d’une série. Pour notre part, voilà ce que l’on a pu entrevoir en se lançant dans Mashle depuis ses débuts. Une saga qui nous donne aisément le sourire, nous en met plein les yeux, mais surtout arrive à être un peu plus complexe qu’on ne l’imagine. Il faut noter que la licence est loin d’être finie et il se peut que notre regard change petit à petit au fil des volumes. C’est aussi ça la beauté de toutes ces épopées. On peut constamment observer de nouvelles choses ou voir des changements importants tout au long de son développement. On a hâte de voir comment ce titre va bien pouvoir nous surprendre pour la suite et si l’on va maintenir cet enrichissement autant sur l’amusement que sur la construction de cette lutte pour l’égalité. Il suffit parfois d’un détail pour transformer une histoire plaisante en un voyage qui s’empare de nous. Mashle a parfaitement su jouer sur ces tableaux pour se créer un univers qui peut faire rire, mais qui a aussi son propre lore à nous proposer.

N’hésitez pas à nous partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant Mashle. Trouvez-vous que la série arrive à être un bon divertissement tout en apportant quelque chose d’intéressant à travers ce conflit ? Appréciez-vous l’opposition qui s’effectue entre la magie et la force brute ? Est-ce que, selon vous, on est face à une saga qui sait parfaitement jouer sur le côté parodique de son univers sans pour autant tomber dans les travers du genre ? Pensez-vous que l’on aura le droit à une surprise concernant l’évolution de Mash et de son avenir au sein de ce monde ? Quelle est votre vision personnelle de la saga ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.

© 2020 Komoto Hajime, Shueisha

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