Le bestiaire du manga : Kafka, l’humain devenu kaiju
Cela fait bien longtemps que l’on n’a pas exploré le bestiaire du manga et je me suis dit que le moment était idéal pour attaquer un nouveau chapitre. Mais quelle créature allons-nous évoquer aujourd’hui au travers de ces quelques lignes ? Après avoir évoqué bien des monstres et créatures surnaturelles, j’avais envie de parler d’une figure spécifique qui unit l’univers des monstres et le commun des mortels. C’est pour ça que notre sujet du jour sera centré sur nul autre que ce cher Kafka, héros de Kaiju N°8 chez Kazé. Avec déjà six volumes au compteur, je pense qu’il peut être déjà intéressant de se pencher sur cet individu qui a pris un chemin qu’il n’imaginait même pas lui-même. Il y a justement beaucoup de choses à dire sur cet être qui flirte entre deux camps que tout oppose. Un homme qui désirait le pouvoir, mais qui est possiblement devenu une bombe à retardement maintenant qu’il peut aller sur le champ de bataille. Le dilemme est alors total pour cet individu qui doit avancer la peur au ventre de ne plus être lui-même un jour. Il est donc temps de repartir à la chasse aux monstres en compagnie d’une entité recelant bien des secrets.
Une malédiction offrant des opportunités
Avant toute chose, il est important de remettre un peu de contexte par rapport au protagoniste de Naoya Matsumoto. Kafka Hibino est un trentenaire qui a toujours désiré servir la population en rejoignant les forces de défense contre les kaijus. Ces monstres ne cessent de pulluler et d’apparaître pour faire toujours plus de victimes derrière leur simple désir de destruction. Malheureusement pour lui, son rêve s’écroule au vu de ses capacités inexistantes pour le combat. Obligé de retourner à une vie banale, il finit par devenir un de ces nettoyeurs qui s’occupent des carcasses ennemies suite à la bataille. Un boulot qui peut sembler ingrat pour beaucoup, mais qui lui a permis de renforcer ses connaissances sur l’anatomie des kaijus. Il observe donc de loin ces hommes et ces femmes combattre en se demandant s’il aurait pu un jour les rejoindre. C’est finalement suite à un enchaînement d’événements inattendus qu’il va décider de repasser l’examen pour faire partie de ce groupe. Malgré sa nouvelle détermination, son quotidien va devenir un enfer le jour où un kaiju va élire domicile au sein de son corps. Dès cet instant, il est capable de se transformer en l’une de ses créatures détestée par l’ensemble de la population. Une menace constante qui mettrait fin à ses rêves si la vérité finissait par éclater. Il doit donc réussir à maîtriser cette nouvelle facette de lui-même sous peine d’être rapidement éliminé ou capturé. Voilà comment tout débute pour ce personnage qui connaît une vie bien tumultueuse. Ce qui est intéressant à noter au premier abord, c’est que Kafka évolue en marge des deux groupes présents dès le départ de la série. D’un côté, il y a les forces de défense qui luttent vaillamment pour préserver la paix.
De l’autre, il y a les kaijus qui ne cessent d’attaquer et surtout d’éveiller de nouveaux mystères à chaque monstre inédit. Notre héros lui veut suivre ce que sa facette humaine lui dicte, mais la créature qui sommeille en lui fait qu’il n’aura jamais le sentiment d’être vraiment des leurs. Il semble bloqué à la frontière entre ces deux mondes et la moindre erreur de sa part lui fait craindre d’aller là où il commettrait l’irréparable. Pourtant, il ne va pas uniquement voir ce changement en lui comme une malédiction. Il s’agit aussi d’une opportunité de combler le fossé qui le sépare de ses camarades et qui pourrait s’avérer utile en combat. C’est pour cette raison que derrière la surprise et la peur qui l’assaille, Kafka se dit que c’est une opportunité en or. Nous ne sommes donc pas dans le cas de figure où un protagoniste lutte de toutes ses forces pour chasser sa part d’ombre. Au contraire, il va l’accepter de plus en plus tout en veillant à ne pas se laisser submerger. On voit alors la naissance d’une entité qui dépasse l’entendement et qui n’est ni vraiment humaine ni kaiju. C’est là que repose toute la subtilité de ce personnage qui peut sembler être un bourrin avant tout. Le véritable attrait autour de ce dernier n’est autre que cet équilibre qui se joue en lui. C’est en luttant de toutes ses forces pour garder son humanité tout en maîtrisant cette fureur bestiale qu’il atteint un stade que personne d’autre ne peut obtenir. On va alors tomber dans l’observation d’un protagoniste qui va autant être symbole d’un nouvel espoir que la menace d’un futur catastrophique. On est face à un être qui peut autant nous en mettre plein la vue que nous donner des frissons en voyant ce dont il est capable.
Une arme ou un allié ?
Si l’on va autant s’attacher à Kafka, c’est parce qu’il va justement être pris en tenaille par ce conflit interne qui le ronge. On peut commencer à entrevoir quelques réponses dans les derniers tomes concernant ses choix et son avenir, mais il y a toujours cette crainte que tout vire au cauchemar. C’est ça qui est génial avec ce protagoniste. Il est très loin d’être ignorant concernant sa condition. C’est justement en prenant conscience du danger qu’il représente qu’il va faire un immense travail sur lui-même pour que cette angoisse soit un moteur afin de dompter le kaiju qui réside dans son corps. Notre héros n’est pas uniquement fascinant par la puissance dont il fait preuve. On l’apprécie parce qu’il redouble d’efforts et de courage pour simplement conserver cette partie humaine qui peut disparaître à tout moment. C’est encore plus flagrant dans le sixième volume qui va être l’élément déclencheur lui permettant de franchir un nouveau cap. Cela peut paraître tout à fait basique en matière de développement, mais cela est largement bien écrit et représenté au sein de ces cases que l’on ne peut qu’être admiratif de cette personne. Un individu qui n’avait rien pour lui et qui avait abandonné tout espoir de réaliser son rêve. Un cauchemar qui a continué avec sa métamorphose et tout ce qui en découle. Pourtant, il arrive à utiliser cette différence pour en faire une force et enfin atteindre son but tout en protégeant les siens. Kafka l’humain est tout bonnement un héros dont la grandeur d’âme lui permet d’éblouir le lecteur à chaque fois qu’il décide de surpasser ses craintes pour avancer. Cependant, cette figure centrale de Kaiju N°8 ne s’arrête pas là dans son écriture.
Si l’on a abordé longuement sa facette humaine, il ne faut pas oublier cette partie qui vit en lui et qui cherche progressivement à prendre du terrain. Dès le départ du manga, les kaijus sont présentés comme des destructeurs qui ne pensent qu’à tout ravager devant eux. Des ennemis à abattre, mais qui vont aussi devenir plus dangereux dès lors que l’on fait la connaissance des autres monstres doués d’une conscience. Cela n’a rien d’anodin de voir des kaijus qui semblent presque se rapprocher de l’être humain dans leur manière de pensée et d’établir des stratégies. Cela fait écho avec la situation de Kafka même si on ignore ce qui se cache réellement derrière cette minorité parmi ces monstres. Ainsi, l’ennemi que l’on a devant nous est un possible reflet de ce que ce trentenaire pourrait devenir s’il finissait par laisser la place à ce monstre qui partage son corps. C’est intéressant de voir cette dualité se construire au fil des chapitres, car elle nourrit autant le scénario que l’écriture de ce héros qui peut facilement devenir un adversaire. D’ailleurs, les démonstrations de force dont il fait preuve une fois transformé sont autant une manière de nous en mettre plein la vue que de créer une crainte grandissante au plus profond de nous. Face à un tel pouvoir de destruction, on se dit que personne ne pourrait lutter et le vaincre. Ainsi, même si on a le droit à ces fameux moments où Kafka parvient à nous faire oublier qu’il est une arme à double tranchant, cette peur finit toujours par revenir. Un sentiment nourri par le design bien pensé de ce monstre qu’il devient et qui a tout d’un démon venu anéantir ce qui l’entoure. Malgré toute la force et les tentatives de Kafka pour nous montrer sa maîtrise de son corps, l’ombre de cette bombe à retardement plane sur cette histoire. C’est en réussissant à trouver ce point de quasi-rupture que l’auteur a su donner encore plus d’impact à ce protagoniste.
Kafka s’ouvre un nouveau chemin
En faisant cette chronique, j’avais envie de montrer que Kafka Hibino est un individu bien plus intéressant qu’on pourrait le croire initialement. Si Kaiju N°8 reprend des codes classiques du genre et se présente avant tout comme un immense divertissement et surtout du gros spectacle, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas un très bon travail d’écriture derrière. C’est ce que l’on a pu ressentir au travers de cet être qui peut à la fois nous réchauffer le cœur par son humanité que nous laisser sans voix devant sa force monstrueuse. Une créature qui vient des deux mondes et peut être la source de nombreuses questions sur son futur au sein de cet univers. On s’interroge afin de savoir s’il finira malheureusement par laisser trop de place à ce parasite ou bien s’il arrivera à cohabiter pleinement avec ce dernier. On a devant nous une entité qui nous subjugue par ce qu’il représente directement, à savoir une force de frappe impossible à laisser de côté, mais aussi qui nous touche par ce conflit interne qui se joue constamment dans son esprit. On ne sait pas de quoi son futur sera fait et cela contribue énormément à l’intérêt que l’on peut avoir pour son existence. Il est vrai que l’on peut se demander si Kafka a sa place dans le bestiaire du manga. Après tout, il reste un humain, mais qui a aussi malgré lui transcendé sa nature première pour devenir un hybride. Une espèce encore jamais vue au sein de cet univers et où tout le monde se demande s’il sera l’ange salvateur ou le démon destructeur. Au même titre que les changements qui s’opèrent dans le camp adverse, l’arrivée de Kafka dans l’équation peut tout chambouler.
De même, son état si spécifique peut aussi amener son entourage à le regarder d’un œil totalement différent. Si l’on a déjà pu percevoir certaines réactions suite à la révélation de son statut, cela ne veut pas dire que cela puisse changer. Tout reste encore à écrire concernant la légende de cette créature où l’on se demande qui l’emportera vraiment entre l’homme et le monstre. Kaiju N°8 est un manga qui joue à fond la carte du spectaculaire, de l’épique et des affrontements dantesques. Mais derrière tout ça se joue aussi une lutte bien plus personnelle pour une personne qui a enfin l’occasion d’accomplir son rêve, mais qui peut aussi devenir tout ce qu’il a juré de combattre. Tout repose maintenant entre ses mains et cette incertitude constante nourrit notre envie de poursuivre cette épopée au-delà de l’aspect grisant de cette épopée. Vu par certains comme une arme, par d’autres comme une menace à éradiquer et seulement par quelques-uns comme un être humain, Kafka doit maintenant prouver qu’il est bien plus que ça. Ce pouvoir, qui parcourt son corps, n’est ni une malédiction ni une bénédiction. C’est à lui de décider si cela sera un outil pour protéger ou pour détruire. Le pouvoir est seulement néfaste quand la personne qui le possède en fait un mauvais usage ou se laisse corrompre par celui-ci. Là est toute l’énigme autour de cet homme qui ne s’attendait pas à être au centre de l’attention. J’espère que cette chronique vous aura plus et qu’elle vous aura permis d’avoir un autre regard sur ce personnage central du manga. N’hésitez pas à me dire dans les commentaires ce que vous pensez de la série et de Kafka. Je suis toujours prêt à discuter et à échanger avec vous. Vous pouvez aussi me faire vos suggestions concernant les prochains numéros du Bestiaire du manga !
Bonjour moi ce que j’aime bien dans ce manga c’est la chronologie dont Naoya natsumoto fait preuve.
Cela part d’une discussion souvent entre Kafka et Reno ou avec des membres des forces de défense et puis un ou des combats dantesques.
C’est ça que je trouve vraiment incroyable et même quand tout est perdu il s’en sort notamment face au kaiju N°9