Saisons Maudites tome 1 et 2 : deux âmes esseulées
Il y a des mangakas que l’on découvre récemment avec des œuvres qui nous tiennent facilement en haleine. De ce fait, on a alors envie de voir tout ce qu’un tel artiste a pu faire auparavant afin de cerner au mieux tout son style ainsi que ce qu’il a pu faire par le passé. C’est alors une excellente chose quand certains éditeurs proposent de découvrir ces autres projets et ainsi nous donner accès à l’ensemble des titres de l’auteur. Récemment, c’est Asuka Konishi qui nous a beaucoup plu à travers “Criminelles Fiançailles”. Je fus donc particulièrement heureux en apprenant que Pika allait aussi édité son titre précédent “Saisons Maudites” qui est notre sujet du jour. Une série en deux volumes que l’on peut donc découvrir aujourd’hui directement dans son intégralité. Au vu des thèmes traités et de ce que laissait supposer le synopsis, j’étais sûr de faire face à une aventure particulièrement émouvante. Pourtant, cette histoire a aussi su proposer une écriture captivante autour de ses personnages principaux et de ce qu’ils veulent nous transmettre. Il est donc grand temps d’assister à la naissance d’une romance à la fois touchante et déchirante.
Un drame d’où naît une nouvelle relation
Saisons Maudites, imaginée par Asuka Konishi, nous fait suivre le quotidien de deux sœurs. La plus âgée, Natsumi, se présente comme pleine de vie et maladroite tandis que sa cadette, Haru, se veut plus calme. Un lien très fort unit cette fratrie jusqu’au jour où un événement va venir tout basculé. Fiancée de manière arrangée à Tôgo Hiiragi, héritier d’une riche et puissante famille, Haru se retrouve à devoir endosser un rôle qu’elle n’aurait jamais imaginé. Pourtant, elle eut directement le coup de foudre pour cet homme et était bien décidée à se rapprocher de lui. Si leur relation semblait perdurer, la jeune femme fut victime d’un cancer qui sommeillait en elle depuis maintenant plusieurs années. Malgré toutes les tentatives et opérations possibles, elle finit par mourir à seulement 19 ans. Une tragédie qui frappe sa famille et notamment sa sœur qui ne peut contenir sa tristesse. Elle en vient même à penser qu’elle n’a plus de raisons de vivre et est prête à la rejoindre dans l’au-delà. Malgré tout, elle n’arrive pas à franchir ce pas et se raccroche aux quelques souvenirs qui lui restent d’Haru pour garder la force d’avancer. C’est alors qu’elle va recevoir une visite inattendue et qui va chambouler son avenir. Il s’agit de Tôgo qui se présente à elle peu de temps après la veillée funèbre. Toujours aussi impassible et froid, l’ancien fiancé d’Haru vient avec une proposition à soumettre à Natsumi.
Il lui demande de bien vouloir sortir avec lui afin de sauver les fiançailles convenues entre leurs deux familles. Des propos qui peuvent sembler totalement déplacés alors qu’ils viennent tout juste de faire leurs adieux à celle qui lui était promise. Mais alors qu’il s’attend à essuyer un refus, l’héritier de la famille Hiiragi va être surpris par la réponse de cette grande sœur. Cette dernière accepte à une seule condition. Elle désire qu’il l’emmène visiter uniquement les lieux qu’il a visités avec sa chère sœur disparue. Ainsi va débuter cette nouvelle relation entre ces deux êtres ayant perdu celle qui occupait une bonne partie de leur vie. Si tout semble indiquer que cela sert au profit de chaque partie, la vérité est bien différente. Difficile alors, au fil des saisons, de ne pas voir ce qui est en train de naître au sein de ce “couple”. La disparition d’Haru va alors devenir une véritable malédiction pour ces deux âmes qui ne savent plus du tout quoi faire pour leur avenir. Entre la pression de leur famille respective, le souvenir de la défunte qui hante Natsumi et l’incapacité de Tôgo de s’extraire de l’autorité de sa mère, les épreuves sont nombreuses pour le tandem. Comment parvenir à exprimer ce qu’ils ont sur le cœur quand ils ont l’impression que tout cela va à l’encontre de tout leur entourage ? Le temps passe, mais les blessures restent bien présentes. La mémoire d’une personne morte peut alors se transformer en un terrible poids à porter pour ceux qui restent.
Le synopsis de Saisons Maudites est à la fois révélateur de ce qui nous attend que suffisamment mystérieux pour que l’on soit surpris au fil de la lecture. C’est quand on se lance dans cette aventure que l’on va découvrir tous les tenants et aboutissants qui vont découler de ce drame. Une histoire de famille qui va mettre en opposition une romance naissante et un profond sentiment de culpabilité et d’égoïsme. Un conflit qui va déteindre sur le lecteur tout au long de son avancée dans l’intrigue. En posant les yeux sur ce titre, il est impossible de ne pas ressentir quelque chose à l’égard de ces protagonistes.
Un fardeau impossible à défaire
Quand on lit les premières pages de Saisons Maudites, on peut se demander où veut nous emmener la mangaka. On nous présente un drame familial avec la mort d’Haru qui vient frapper très vite le lecteur. Ce que l’on peut déjà déceler à ce moment-là, c’est l’attachement qu’il pouvait y avoir entre elle et sa sœur Natsumi. Une perte tragique dont on ressent pleinement les conséquences sur celle qui reste. D’ailleurs, il est important de noter que notre héroïne est l’une des rares personnes dans le manga à exprimer ses émotions et notamment sa tristesse. C’est alors qu’arrive l’intrigue autour de Tôgo qui va nous montrer ce qui se passait réellement avant tout ça. Le récit va alors basculer dans une tranche de vie encore plus éprouvante quand on découvre nos protagonistes qui ne sont finalement que les marionnettes entre les mains de leurs parents. N’ayant même pas leur mot à dire, les fiançailles s’organisent autour d’Haru et Tôgo en laissant de côté Natsumi. Même si la principale concernée semble ravie d’être auprès d’un homme pour qui elle éprouve des sentiments, on va rapidement comprendre que c’est loin d’être le cas de l’autre côté. Au contraire, on veut nous montrer progressivement qu’il y avait quelque chose qui était en train de se tisser entre cet héritier et la sœur aînée sans même qu’eux ne comprennent réellement ce qu’ils ont sur le cœur.
C’est là que le manga va briller, car on renoue avec le présent. La proposition de Tôgo faite à Natsumi va être le déclencheur d’une relation à la fois importante pour eux et qui va aussi apporter son lot de malheurs. Tout va alors tourner sur ce rapprochement qui s’organise et le fait que cet amour qui semble sincère va à l’encontre des sentiments que pouvaient ressentir Haru pour son prétendant. Une romance qui est constamment hantée par le fantôme de cette disparue et qui nous fait réfléchir à des questions morales, mais aussi à d’autres thèmes très forts autour de nos deux protagonistes. Il va être question d’émancipation, de liberté, mais aussi de faire face aux conséquences de ses actes. Des sujets qui vont tous découler de cette proposition qui va autant apporter son lot de bonheur qu’une intense tristesse. En tant que témoin de tout ça, on va ressentir quelque chose de fort tout au long de cette lecture. On comprend autant ce poids qui pèse sur le cœur de Natsumi à l’idée de se rapprocher de l’homme que sa sœur aimait qu’ému en voyant cette tendresse qui s’exprime à travers leur histoire. Un dilemme où il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses. La relation dont on est témoin va tellement servir à faire évoluer de nos deux personnages principaux que l’on voit à quel point ce lien se veut solide et important. Pourtant, on comprend aussi ce malaise naturel découlant de toute cette histoire. Cet amour fraternel va autant être source de bonheur au début que la cause de nombreuses souffrances. Tout devient alors une question de choix et de libre-arbitre où il faut vivre tout en acceptant les conséquences de chaque décision.
On a beau être devant une courte série, Saisons Maudites réussit parfaitement à nous transmettre tout ce qu’il désire. Cela est dû, en grande partie, au talent de la mangaka pour créer des personnages profondément humains dans leurs réactions et leur attitude. Avoir pris un tel contexte initial contribue grandement à faire ressortir tout ce qui peut y avoir de bon et de mauvais chez l’homme. On finit alors par clore cette lecture en étant partagé concernant ce que l’on ressent. Un sentiment qui prouve la réussite du titre qui veut justement montrer les décisions d’un duo qui ne peuvent combler tout le monde.
Saisons Maudites réussit son objectif
Avec Saisons Maudites, la mangaka nous propose une virée dans ce que la romance peut autant proposer comme bonheur que comme souffrance. Il ne faut pas longtemps à la série pour justement donner vie à cette opposition. On voit à quel point nos deux protagonistes arrivent à s’ouvrir l’un à l’autre alors qu’il restait jusqu’ici enfermé sur eux-mêmes. A travers cette relation, ce n’est pas uniquement une question de sentiments que l’on nous montre. Il est aussi question de s’épanouir et surtout de se libérer de l’emprise de ceux qui peuvent constituer leur quotidien. Quand on prend conscience de ça et de la beauté de cette relation, on ne peut s’empêcher d’avoir envie de croire en eux. Mais c’est là que va venir aussi l’autre facette du récit qui va faire chanceler cette assurance. Il s’agit de cette perte tragique qui était jusqu’ici fiancée à Tôgo. En amenant le sujet de la disparition d’un être cher, l’autrice réussit à rendre hésitante une relation que l’on a envie de soutenir. Cela s’explique à travers des réflexions tout à fait pertinentes et humaines concernant le fait que tout ça soit acceptable ou non. Pendant une bonne partie du récit, et même quasiment jusqu’à la fin, l’ombre d’Haru plane sur sa sœur et son fiancé. Une personne qui n’est plus et dont il est alors impossible de savoir si elle aurait accepté ou non un tel rapprochement. Une œuvre qui met en conflit le cœur et la morale pour un résultat bluffant dans ce qu’il réussit à nous proposer.
Saisons Maudites est donc un manga qui n’apporte pas de bonnes ou de mauvaises réponses. Il s’agit avant tout d’une fresque humaine où la mort s’insinue dans l’esprit des principaux concernés et va dicter certaines de leurs décisions. Même en tant que lecteur, on ne peut savoir ce qui est juste ou non étant donné que les deux points de vue sont compréhensibles. Bien évidemment, cette lecture est aussi là pour nous conter le combat de ces deux personnages pour construire leur propre avenir. Sur ce point, on a envie de croire en eux tant on comprend qu’une partie de ces souffrances découle directement de ces familles qui ont laissé de profonds stigmates en eux. Nous voilà ainsi face à une tranche de vie où l’envie d’avancer et la mémoire de ceux qui sont partis entrent en collision. Cela peut ainsi faire écho à bon nombre d’entre nous en dehors de l’aspect purement romantique de l’œuvre. Avec ses thèmes universels et l’élégance qui découle de son écriture, Asuka Konishi montrait déjà ici une bonne partie de son talent et de sa créativité. Une expérience qui plaira autant à ceux qui désirent une œuvre chargée en émotions que traitant de sujets graves pouvant parler à beaucoup d’entre nous. Une bien belle petite série en deux volumes qui arrive aisément à émouvoir son lectorat. En plus de ça, la fin proposée colle très bien à cette notion d’incertitude qui régit toute vie humaine. Il faut parfois se lancer pour découvrir de nouvelles choses incroyables ou bien connaître des échecs qui nous font grandir.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti sur Saisons Maudites. Trouvez-vous que ces deux tomes arrivent à aller au bout des idées de l’artiste ? Avez-vous été touché par tout ce qui s’exprime autour de nos protagonistes ? Est-ce que les thèmes traités sont parvenus à vous captiver durant ces quelques chapitres ? La dimension humaine du manga est-elle bien ficelée selon vous ? Retrouve-t-on tout ce qui fait le style de la mangaka que l’on a pu découvrir dans Criminelles Fiançailles ? Avez-vous été marqué par la manière dont la mort et les relations humaines sont utilisées dans cette œuvre ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.