Jumbo Max-Vol.1-1-2

Jumbo Max tome 1 : l’appel du crime

S’il y a un nom qui est très présent depuis plusieurs années sur le marché manga en France, c’est celui de Tsutomu Takahashi. Entre les rééditions de ses grands classiques et l’arrivée de nombreux de ses titres, le mangaka est au cœur de l’actualité. Il faut dire que ce dernier a l’art et la manière de nous raconter des histoires qui nous prennent aux tripes et qui sont souvent le reflet de sa propre vision de l’être humain. Etant un grand fan de son travail, l’attente est toujours grande quand une nouvelle licence de sa part s’apprête à faire son entrée chez nous. Ce fut le cas justement cette semaine avec une série pour laquelle j’avais beaucoup d’espoir. Il s’agit de Jumbo Max qui a fait ses débuts dans le catalogue de Pika et qui est toujours en cours au Japon. Pour être plus précis, il s’agit d’une des œuvres les plus récentes de l’artiste et rien qu’en lisant le synopsis, je me disais que cette histoire pouvait nous délivrer une intrigue captivante comme il sait si bien le faire. Suite à cette introduction, on peut dire que le résultat est bien là. L’heure est donc venue d’assister à la naissance d’un nouveau baron de la drogue.

La chute d’un pharmacien

Jumbo Max - TateoJumbo Max, imaginé par Tsutomu Takahashi, nous fait suivre la vie de Tateo Sone. Ce dernier est un simple pharmacien qui mène une vie heureuse en compagnie de sa femme et de sa belle-fille. Jamais d’ailleurs il n’aurait cru un jour connaître un tel bonheur étant donné qu’il a souvent été moqué par son physique et sa timidité. De ce fait, il n’a jamais vraiment eu l’occasion d’être proche de quelqu’un et c’est par un heureux hasard qu’il a pu faire la connaissance de celle qui partage aujourd’hui sa vie. Malheureusement, cela ne l’empêche pas d’être encore moqué par les autres étant donné qu’il se demande bien comment quelqu’un comme lui a pu sortir avec une telle beauté. Si elle lui dit de ne pas faire attention à de tels propos, Tateo ne peut s’empêcher de se questionner lui-même sur cette chance qu’il a eu. Malgré tout, il fait de son mieux pour assurer un bon train de vie à sa nouvelle famille qui s’apprête à s’agrandir. En effet, c’est tout heureuse que sa femme vient le voir pour lui annoncer qu’elle est enceinte. Une fantastique nouvelle pour n’importe quel père de famille, mais qui n’a pas l’effet escompté sur le pharmacien. S’il tente de sauver les apparences, son visage montre toute de même son inquiétude et pour cause, il y a anguille sous roche. Depuis qu’il est tout petit, Sone a toujours fait preuve d’impuissance. Il le sait pertinemment et comprend très bien que cela n’a pas pu s’arranger du jour au lendemain.

Cela ne signifie qu’une chose qui est qu’il est difficilement probable qu’il soit le père de cet enfant. Déboussolé par cette nouvelle, il va alors faire une rencontre qui va drastiquement changer sa vie. Propriétaire de quelques appartements qu’il loue, Tateo va alors faire la connaissance d’un prénommé Sumaoka, le père d’une fille qui louerait un de ses biens. Malheureusement, cette dernière est partie sans rien dire en laissant un véritable bazar sur les lieux. Demandant à ce que le contrat soit résilié, Tateo n’y voit aucun inconvénient. C’est là que son interlocuteur va lui donner des pilules qui ont tout l’air illégales et dont l’effet permettrait de régler les problèmes liés à l’érection. Avec ce médicament dans les mains, Sone s’apprête à prendre un tournant dans sa vie en y voyant une révélation. Il y voit une manière de faire fortune et décide d’étudier cette gélule pour mieux reproduire sa composition. Sumaoka l’homme louche et Tateo le pharmacien vont entamer une collaboration devant donner lieu à un trafic particulièrement rentable. Mais comment cet adulte sans le moindre problème a fini par sombrer à un tel point ? Il l’ignore encore, mais en empruntant cette voie, il s’apprête à faire face à de nombreux dangers. Quand on décide d’entrer dans ce milieu, il est quasiment impossible de faire marche arrière. Et mieux vaut jeter un oeil constant derrière soi, car on ne sait jamais quand un coup dans le dos pourrait être asséné. Ainsi débute l’histoire d’un pharmacien sans histoires entraîné dans un environnement hostile où il pourrait devenir un vrai baron de la drogue.

Dès son synopsis, on peut déjà déceler beaucoup de choses que l’auteur apprécie raconter dans ses œuvres. Jumbo Max se présente comme la déchéance d’un homme qui n’avait rien de mauvais, mais qui est entraîné par ce qui se passe autour de lui. Derrière cette sorte d’ascension qu’il va vivre se cache en réalité un individu qui a connu bien trop de déboires et qui a peur que cela recommence quand le bonheur est à portée de main. Une dégringolade qui est magnifiquement mise en scène par le mangaka et nous délivre une histoire qui se veut aussi saisissante que poignante.

Une dégringolade captivante

Quand on parle de Tsutomu Takahashi, on remarque très rapidement que l’auteur a cette capacité à exposer des facettes bien sombres de l’âme humaine dans ses œuvres. C’était déjà le cas avec pas mal de ses séries et Jumbo Max le montre très clairement rien qu’à travers ce premier volume. En prenant pour personnage principal un homme d’âge mûr qui vit avec une femme plus jeune et dont les rumeurs vont bon train, il y a déjà quelque chose qui ressort. On installe ici un contexte où l’on veut nous donner un sentiment de méfiance à l’égard de ce bonheur apparent sans même que l’on sache réellement les tenants et aboutissants de ce qui se passe réellement. Le mangaka joue avec nos aprioris et notre regard sur les relations humaines. Si cela nous permet d’être déjà bien immergés dans le récit, tout va prendre une autre tournure dès lors que la nouvelle de l’arrivée du futur bébé est faite. Dès l’instant où l’on apprend le problème qu’a connu Tateo depuis son jeune âge concernant son impuissance, le peu de confiance que l’on pouvait avoir à l’égard de ce couple semble s’effondrer. On partage le désarroi de cet homme qui perd pied et cherche à démêler le vrai du faux dans ce qu’on lui raconte. C’est à ce moment précis que débarque l’autre personnage important de l’histoire qui n’est autre que Sumaoka. Un individu qui nous paraît rapidement louche et qui va pourtant se présenter comme un “ange salvateur” pour le pharmacien en lui proposant les fameuses petites pilules. 

Un simple objet qui va pourtant entraîner Tateo à faire des choix qui vont radicalement changer son quotidien. En seulement quelques pages, le titre arrive avec brio à nous décrire ce que le désespoir peut entraîner surtout quand celle-ci affecte autant la “virilité” d’une personne et son rapport avec les autres. Il est avant tout question ici de tout ce qui touche au rapport homme-femme et plus particulièrement au devoir conjugal qui se présente ici comme un stress constant pour ce protagoniste. C’est en étant incapable de communiquer, de crever l’abcès et de faire face à ce qu’il craint qu’il va se tourner vers cette solution qu’on lui fait miroiter. Mais au lieu de juste succomber à l’appel de ce médicament, le récit va aller encore bien plus loin. Il nous montre à quel point cette pilule représente quelque chose d’encore plus fort pour le pharmacien. Il y voit une chance de briser son quotidien et de créer quelque chose d’encore plus grand tout en prouvant ses compétences dans son métier. Il a le sentiment de trouver une place sans se rendre compte un seul instant qu’il s’engouffre un peu plus dans l’obscurité. C’est brillamment mis en scène tout au long de cette lecture et cela donne envie de voir jusqu’où il va aller pour avoir ce sentiment de puissance et aussi ce pouvoir qu’il espère avoir sur sa propre existence. C’est en tout cas une bien prometteuse histoire que l’on nous raconte et qui peut amener des sujets captivants sur le long terme.

Avec ce premier volume, Jumbo Max réussit à montrer le talent de l’auteur pour nous exposer des facettes spécifiques de l’homme. Ici, il est avant tout question de perte de confiance, de soi-disant ego masculin, mais aussi de cette capacité à être attiré par quelque chose qui nous dépasse. C’est exactement ce qui nous est présenté avec le personnage de Tateo. Un être qui semble tout à fait banal, mais qui cache en lui une terrible et longue frustration qui va le conduire à faire un choix qui va radicalement changer sa vie. Il va alors être très curieux de voir comment il va évoluer par la suite.

Jumbo Max nous fait son ordonnance

Jumbo Max - révélationIl est vraiment fantastique de voir un auteur montrer tout ce dont il est capable à travers ses différentes séries. Tsutomu Takahashi fait partie de ces artistes qui arrivent, à chaque nouveau projet, à nous dévoiler de nouveaux thèmes tout en restant ancrés dans un domaine bien précis. Jumbo Max en est le parfait exemple avec un premier tome qui, s’il se veut captivant par rapport à l’intrigue qui se développe, frappe un grand coup dans sa manière d’exposer une certaine vision de la masculinité, mais aussi des rapports complexes pouvant découler de divers facteurs comme l’âge, la méfiance ou les rapports charnels. Tout ceci est habilement intégré dans ce premier volume et il faut souligner l’excellent travail du mangaka pour réussir à caser tout ça tout en ne nuisant jamais au rythme de son histoire. Tout s’enchaîne très bien et on se laisse donc totalement emporter par cette dégringolade à laquelle on assiste. Il est vrai que l’on peut se questionner sur l’avenir de ce protagoniste, mais on sent déjà à quel point l’obsession grandissante qu’il nourrit à l’égard de ce médicament le dévore petit à petit. Une attirance qui provoque déjà bien des dégâts alors qu’il n’en est qu’aux balbutiements de son projet et dont on voit les conséquences devenir de plus en plus violentes au fil des chapitres. Une œuvre qui réussit donc à capturer cette partie de l’être humain et à la retranscrire avec sincérité et tragédie au sein de cette histoire. Voilà un manga qui peut autant être apprécié pour son fond que pour sa forme.

Vous l’aurez donc compris, j’ai eu un immense coup de cœur pour Jumbo Max qui a su capter toute mon attention dès cette introduction. Une aventure qui nous délivre beaucoup de promesses au vu de ce qui se passe entre ces pages et surtout du côté crescendo de cet enfer qui se construit autour de ce personnage central. La sympathie que l’on pouvait avoir à l’égard de Tateo au début finit par s’évaporer progressivement pour laisser place non pas à de la colère, mais surtout à une certaine peine. On voit ce qu’il est en train de devenir et on se dit que tout cela aurait pu être évité à de multiples reprises. Pourtant, cette épopée nous montre aussi que parfois, le désespoir peut détruire bien des vies s’il n’y a aucune main tendue pour sortir quelqu’un de celle-ci. Un manga qui plaira donc autant aux fans inconditonnels de Tsutomu Takahashi qu’à ceux qui désirent une histoire bien ficelée et qui aborde habilement des facettes sombres de l’être humain. En tout cas, j’ai énormément de questions qui me viennent en tête suite à cette lecture. Est-ce que Tateo va parvenir à réaliser son projet ? Est-ce qu’il ne va pas s’aventurer dans quelque chose qui va finir par le dépasser ? Quels sont les plans de son partenaire d’affaires ? Quels défis attendent ces personnages dans leur avancée au sein d’un milieu loin d’être joyeux ? Est-ce que cette famille est-elle réellement si fragile que l’on veut nous le faire croire ? Il me tarde déjà de poser les mains sur le second volume.

N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Jumbo Max. Trouvez-vous que le titre arrive aisément à nous emporter dans les changements de son protagoniste ? Etes-vous curieux de voir jusqu’où il va aller au fil de ses expérimentations et de l’entrain de ses collaborateurs ? Pensez-vous que l’on va partir dans une histoire bien plus sombre et tragique dans les prochains chapitres ? Est-ce que vous trouvez que Tsutomu Takahashi parvient à capter une partie intéressante de l’être humain ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.

© 2020 Takahashi Tsutomu, Shogakukan

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