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Gestalt tome 1 : les destructeurs de l’Humanité

Il n’est pas rare dans le monde du manga de se lancer dans des aventures qui nous content le sauvetage de l’Humanité par certains individus sélectionnés. Cependant, il est beaucoup plus rare de suivre des gens désignés pour la détruire sous prétexte de venir en aide à un monde en pleine déchéance. C’est exactement ce que j’ai pu découvrir très récemment du côté de chez Ki-oon avec leur dernière licence en date. Il s’agit de Gestalt dont le premier tome est sorti la semaine dernière. Dès son annonce, j’étais intrigué de voir ce que pourrait donner cette histoire, notamment en voyant ce que le synopsis laissait présager. Mais je ne m’attendais pas du tout à ce que cette œuvre puisse prendre une tournure aussi singulière dans son rapport entre nos protagonistes et le reste du monde. Un périple qui nous fait franchir une frontière sinistre et qui va justement servir de terreau pour nous raconter une histoire mettant avant tout l’humain et ce qui peut y avoir en lui de pire ou de meilleur. Une introduction qui va rapidement donner le ton de ce qui nous attend par la suite. J’espère donc que vous êtes prêts pour devenir les agents d’une arche un peu trop décidée à tout réinitialiser.

Ceux qui sont choisis pour sauver le monde

Gestalt, imaginé par Yoto Ringo, nous fait suivre Soso Shindo, un étudiant japonais tout ce qu’il y a de plus banal. Cependant, ce garçon fait preuve d’un individualisme en toute occasion et en a même fait un art de vivre. A ses yeux, des mots comme amitié ou fraternité ne sont que des termes pompeux dans une société qui prône avant tout le chacun pour soi. Même face à une terrible injustice, il préfère ne rien faire et en profite même souvent pour essayer d’en tirer quelque chose de personnel. Cette attitude a le don d’énerver une autre élève du nom d’Hanami. Cette demoiselle est tout le contraire de son camarade et n’hésite jamais à intervenir quand elle se retrouve devant la détresse d’une personne. Une sorte de justicière qui met l’entraide avant tout le reste, ce qui a le don d’exaspérer Soso qui a vraiment du mal avec ce genre de personnes. Mais leur vie va basculer le jour où le ciel se couvre de terribles nuages. Tout semble indiquer qu’une violente tempête approche alors que rien ne semblait indiquer ce changement de climat. C’est face au comportement de certains qui se mettent à paniquer que les deux étudiants commencent à se demander s’il ne se passe pas quelque chose de plus dangereux. Malgré cela, l’étudiant voit en cette situation une occasion de faire le buzz sur internet notamment quand un étrange compte à rebours apparaît dans le ciel. Dès lors, une pluie brûlante se met à s’abattre sur l’ensemble du pays et même du monde.

Tout le monde est troublé par ce phénomène, mais chacun tente de continuer sa vie comme si de rien n’était. Malgré tout, tout le monde se questionne sur ces chiffres qui défilent inlassablement au-dessus de leur tête. C’est alors qu’un message apparaît dans le ciel et demande de lever la main ceux qui pensent que le sort du monde est plus important que leur propre existence. Entraîné par Hanami, Soso et elle se retrouvent dès lors aspirés dans un cube géant qui flotte au-dessus de Tokyo. En son sein, ils découvrent une véritable arche de Noé où des animaux de toutes espèces sont présents. Mais le plus étrange, c’est que ces derniers parlent un langage commun qu’ils peuvent comprendre. Pensant être en pleine hallucination, les deux étudiants se demandent comment se réveiller de ce cauchemar. Ils comprennent qu’ils ne sont pas les seuls ici. D’autres humains venant des quatre coins du globe ont fait leur apparition dans cette zone. Une centaine d’élus qui vont faire la rencontre d’un étrange personnage ayant tout l’air d’un robot. Ce dernier ne va pas perdre de temps en leur disant la raison de leur venue ici. Ils ont été désignés pour participer à la réinitialisation de l’humanité. Pour ce faire, toute vie sur Terre doit disparaître à l’exception de tous ceux qui se trouvent à l’intérieur de l’arche. Ils sont à présent les agents de la destruction du monde qu’ils ont connu. Accepteront-ils ce sort ou bien se sacrifieront-ils pour la sauvegarde de leur espèce ? Tout repose à présent entre leurs mains.

Derrière son synopsis pouvant sembler étrange, Gestalt est une œuvre de science-fiction très intéressante dans ce qu’elle raconte. C’est notamment le cas lorsque l’on s’attarde sur ces personnages qui ont été désignés pour aider à la réinitialisation de l’humanité et qui prennent rapidement conscience de ce que cela implique. En seulement quelques scènes, l’auteur va réussir à créer une situation où le sens moral, mais aussi l’instinct de survie vont être mis à l’épreuve. Une confrontation entre la peur de mourir et ce que l’on pense juste qui va amener cette histoire dans une dimension psychologique inattendue.

Gestalt - événement

Un terrible dilemme

Il y a énormément de choses à dire concernant ce premier volume de Gestalt qui offre un sentiment étrange. En effet, on a le sentiment que tout va à cent à l’heure et pourtant en ayant l’impression d’avoir été témoin de beaucoup de choses. Ce qui va rapidement frapper un grand coup dans cette histoire, c’est la personnalité de ce protagoniste. Là où on peut souvent avoir l’habitude de figures un peu héroïques ou ne pouvant accepter l’injustice, c’est tout le contraire qui se passe ici. Soso Shindo est un étudiant qui n’a absolument rien d’admirable et va même prendre un malin plaisir à nous montrer son acharnement à ne penser qu’à lui. Un individualisme qui amène un sujet pertinent sur le devant de la table et qui entre en résonance avec le personnage d’Hanami qui est tout son contraire. Il y a de nombreuses reprises où l’on va être témoin de cette opposition et qui va être un peu le reflet de ce que l’humanité représente. D’ailleurs, on se rend rapidement compte que sa personnalité aurait très bien pu le conduire à un destin tout autre que celui qu’il va connaître. Il est alors intéressant de voir à quel point ses échanges et interactions avec sa camarade peuvent avoir un impact considérable sur son avenir. On va ensuite entrer dans le vif du sujet avec ce fameux groupe d’une centaine de personnes chargées de faire le ménage sur Terre. Rien qu’en entendant cet objectif, on ressent l’incompréhension qui s’empare des participants. 

Tout semble être une mauvaise blague jusqu’à ce que l’on soit témoin de ce qu’ils sont réellement capables de commettre avec leurs nouvelles facultés. On va alors être dépassé par les événements au même titre que ces “élus” qui vont se sentir au-dessus des règles. Si rien de ce qui nous est montré n’est juste, c’est justement pour éveiller en nous notre sens moral. Alors que l’on est témoin d’horreurs non désirées par les personnages, on voit pourtant quelque chose s’exprimer petit à petit. Tout est pensé pour tourner autour de cette notion d’individualisme même au sein de ce groupe qui a pourtant le même “devoir”. Cela peut paraître paradoxal et pourtant on comprend que cela est amené justement pour éveiller le pire chez nos protagonistes et faire d’eux des êtres qui vont se centrer avant tout sur leur survie personnelle que sur l’avenir d’un monde dont les habitants sonnent quasiment comme des inconnus pour beaucoup d’entre eux. La morale et les principes des premiers instants volent en éclats et l’auteur ne va pas s’arrêter là pour créer la dissension entre les participants à cette effroyable réinitialisation. L’individualité ici ne s’exprime pas uniquement à travers les personnalités propres à chaque personne. Il est aussi fortement question dans cette œuvre de nationalité entre les divers membres présents dans l’arche. Venant des quatre coins de la planète, on sent l’envie du mangaka de faire se confronter ce sentiment d’identité correspondant au foyer propre à chacun. Cela amène des confrontations, hésitations et problèmes qu’ils vont eux-mêmes créer à cause de considérations qui n’ont plus lieu d’être. En fait, cette série est brillante dans sa manière d’exprimer l’individualisme qui peut se présenter de nombreuses façons différentes.

C’est en posant les yeux sur ce premier volume de Gestalt que l’on se rend compte de tout ce que l’auteur parvient à raconter en si peu de temps. A travers son histoire surréaliste, ce manga arrive pourtant à nous montrer le reflet d’une société basée sur l’individualisme et l’opposition entre les gens. Même parmi nos “élus” découlent progressivement une sorte de compétition nourrie par celui qui tire les ficelles de cette réinitialisation. On se sent alors pris au piège au même titre que les protagonistes qui cherchent à rester le plus longtemps possible fidèle à ce qu’ils pensent juste. Cela peut durer quelques secondes tandis que d’autres tiennent bon face au poids de ces agissements.

Gestalt prépare son arche

Gestalt - choixSi j’attendais impatiemment ce premier volume de Gestalt, je ne m’attendais pas du tout à ce que ce titre puisse cacher autant de bonnes qualités. Une bonne surprise qui peut développer des points captivants autour des personnalités des personnages et surtout de leur évolution dans un tel contexte tendu. Il suffit de voir leur première sortie dans le monde extérieur pour nous rendre compte à quel point cette série peut aller loin dans cette dégringolade des protagonistes. En fait, il serait même plus juste de dire que ces événements vont être l’occasion de dévoiler à la face du monde ce que l’être humain est capable de commettre pour simplement survivre. Mais en plus de ça, il y a aussi un autre élément qui entre en ligne de compte et que je n’ai pas encore évoqué. Il s’agit tout simplement de ce don que chacun va obtenir et qui fait de ces gens des êtres à part. Une puissance qui peut corrompre même le cœur le plus pur et encore plus ceux qui ont déjà laissé leurs instincts s’exprimer. Il va donc être très intéressant de voir comment vont progresser les rapports au sein de ce groupe surtout au vu de ce que cette réinitialisation symbolise pour eux. Surtout que la série se termine en trois volumes et il sera donc captivant de voir ce que nous réservent les deux tomes en matière d’écriture concernant le futur de ce groupe.

Ce fut donc, vous l’aurez compris en lisant ces quelques lignes, une introduction particulièrement efficace. Gestalt fait partie de ces mangas qui arrivent à traiter de thèmes prometteurs et surtout à le faire rapidement. Ce qui va surtout être haletant à suivre, c’est la manière dont ce contexte va influencer les futures actions de ces individus qui se retrouvent au-dessus du commun des mortels. Des êtres qui se retrouvent du jour au lendemain avec le destin du monde entre leurs mains et qui doivent piétiner ce dernier pour ne pas subir une punition mortelle. On est ainsi face à une série qui peut donner lieu à une courte aventure qui fonctionne très bien et peut être suffisamment travaillée pour amener des réflexions importantes concernant notre regard sur la société et notre environnement. Une lecture qui pourra plaire à tous ceux qui veulent une histoire qui entre rapidement dans le vif du sujet tout en abordant des sujets graves et importants à traiter. A présent, il est évident que je ne peux terminer de parler d’un titre sans évoquer les nombreuses questions qui me trottent dans la tête. Comment va finir par réagir Soso dans un tel environnement ? Est-ce qu’il va finir par changer sa vision du monde ? Est-ce que c’est Hanami qui va finir par sombrer à toute cette haine et cette peur qui l’entoure ? Quel est réellement le but de celui qui leur a demandé de faire le grand ménage ? Le prochain acte promet d’être intense !

N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Gestalt. Trouvez-vous que le titre parvient à proposer des idées intéressantes autant sur le fond que sur la forme ? Est-ce que le manga a su vous surprendre par la tournure des événements autour de ces élus et de ce qu’on leur demande ? Pensez-vous que cela peut amener des thèmes intéressants sur le long terme au vu de ce qui se dégage de ces premiers chapitres ? Croyez-vous que cela va amener nos protagonistes à montrer ce qu’il y a de plus sombre en eux ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.

© Ringo Yoto / Kodansha Ltd

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