Forspoken

Un avis en retard : Forspoken

C’est en revoyant un peu l’actualité du moment au niveau du jeu vidéo et surtout cette envie du plus grand nombre d’être toujours au fait des dernières sorties que j’ai eu l’idée d’une nouvelle chronique. En effet, je décide de prendre le chemin inverse à tout ça en vous proposant des avis en retard par rapport aux sorties du moment. Pour expliquer le principe, c’est tout simple. Je vais vous parler, au travers de ce nouveau rendez-vous, de mon ressenti et de mon avis concernant des jeux qui peuvent totalement dater de quelques mois ou même de plusieurs années. Après tout, même si on peut se considérer comme en retard sur certains points, il n’est jamais trop tard pour partager sa passion autour de ces aventures. Au lieu de regarder constamment en avant, je vous propose de vous poser, le temps de quelques minutes, afin de tourner la tête en arrière pour voir ce qui a bien pu nous enchanter il y a de cela un temps plus ou moins long. J’espère que cette idée vous plaira et j’inaugure cette nouvelle partie du site en vous parlant d’un jeu qui a fait beaucoup parler de lui depuis son annonce et sa sortie en début d’année. Il s’agit de Forspoken, un titre ayant subi les foudres de nombreux joueurs. L’heure est donc venue de voir réellement ce qui se cache derrière ce jeu loin d’être aussi raté qu’on peut le présumer.

Plongée dans le terrier de lapin

Forspoken, développé par Luminous Production et édité par Square Enix, a fait pas mal de bruits à sa sortie en début d’année. Après avoir été reporté, tout le monde s’attendait à ce que le titre soit loin des attentes escomptées et a subi un assez gros bashing à son arrivée. Cependant, il est important de prendre un peu de recul sur la proposition de ce titre et surtout de voir dans sa globalité ce que propose cette histoire. Forspoken nous raconte le récit de Frey, une adolescente orpheline de New-York qui fait de son mieux pour survivre dans la rue quitte à avoir des démêlés avec la justice. Ayant l’impression de ne pas avoir sa place dans ce monde et suite à la disparition de son unique foyer, elle s’apprête à commettre l’irréparable quand elle découvre un mystérieux bracelet. En le touchant, elle va être amenée au pays d’Athia, un monde de fantasy en proie au chaos. Une étrange brume a frappé ces terres, transformant les gens en monstres et contraignant les survivants à se rassembler dans la dernière cité protégée de cette malédiction. Alors qu’elle désire simplement rentrer, Frey va être impliqué dans le désespoir de ces gens et poussé à agir pour comprendre ce qui se passe et mettre un terme à cette menace. Le jeu prend une dimension d’action-aventure avec des éléments de RPG. 

Possédant un arsenal magique qui va sans cesse grandir au fil de ses victoires contre les différents boss, Frey est présenté comme l’élue devant sauver ce monde alors qu’elle se considère juste comme une personne lambda ne voulant pas être mêlée à tout ça. Pour moi, après avoir fini le titre, l’histoire est ce qui fait la plus grande force de cette aventure. Ce que j’ai apprécié dans cette épopée, c’est le fait que notre héroïne va longtemps se débattre contre l’appel à l’aide des autres. Alors que l’on a l’habitude des sauveurs qui sont toujours prêts à protéger les autres, ce n’est pas le cas de Frey. C’est vrai que cela peut faire d’elle un personnage antipathique au départ et c’est totalement voulu. De même le contraste entre son caractère ancré dans un univers réaliste proche du nôtre et ce monde médiéval-fantasy est aussi pertinent. Cela appuie cette différence entre ce qu’elle est, son attitude et le sort de ces civils. En fait, plus on progresse et plus on se rend compte que notre protagoniste a peur d’une telle responsabilité et souffre de tous ces espoirs que l’on pose sur ses épaules. Avec de nombreuses erreurs au cours de son avancée, Frey ne peut se considérer comme une héroïne et va être, malgré elle, poussée à combattre les Tantas sans réfléchir aux conséquences que cela peut avoir. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien si je parle de terrier de lapin en titre de partie, car cette aventure fait énormément de références à Alice au pays des merveilles. Une jeune fille désireuse de vivre ailleurs et qui va finalement se retrouver dans un univers qui lui est hostile. La question est alors de savoir si elle est prête à adopter ce nouveau monde ou bien si elle va lutter pour revenir chez elle en sachant pertinemment ce qui l’attend là-bas.

Voilà pourquoi je trouve que Forspoken est captivant par son écriture. C’est vrai que Frey est agaçante au début, mais c’est justement parce qu’elle est le reflet d’une adolescente perdue à qui l’on confie le destin d’un monde qui ne semble pas être le sien. Une oeuvre qui parle brillamment de ces peurs que l’on peut avoir autour des responsabilités, mais qui va nous questionner aussi sur nos rapports aux autres, à la famille et à notre recherche constante de notre place ici-bas.

Forspoken - Frey

Voir au-delà des dires

Bien sûr, Forspoken est loin d’être dénué de défauts. Ce qui a vraiment été pour moi l’élément le plus dommageable est le côté répétitif de certaines séquences et activités. Syndrome de beaucoup de jeux, on parcourt une carte assez grande où l’on va enchaîner la récolte de documents, effectuer des défis et chercher des monuments. Heureusement, il est tout de même possible d’aller assez vite au vu des capacités surhumaines de Frey. Mais même avec ça, il peut y avoir cet effet redondant qui se fait ressentir et qui vient couper une histoire pourtant efficace et traitant de sujets captivants. Il faut donc soit faire abstraction de ça soit faire des petites sessions afin de se concentrer sur un élément particulier pour ne pas ressentir une lassitude. Pourtant, le gameplay est loin d’être à jeter. En effet, notre protagoniste va avoir le droit à des pouvoirs aussi impressionnants que diversifiés permettant d’appréhender chaque situation de manière différente. Débutant juste avec l’élément de la terre, notre progression va servir à débloquer d’autres capacités liées à plusieurs éléments naturels comme le feu ou l’eau. On va alors partir sur un point que j’ai trouvé bien fichu tout au long de mon expérience manette en main. Il s’agit du système de combat. Si celui-ci peut être déroutant au départ, on se laisse rapidement convaincre par cette facilité que l’on a de passer d’un élément à l’autre. 

On se surprend même à essayer plusieurs combinaisons possibles afin de décrocher la victoire, mais aussi de proposer un spectacle assez grandiose. Car oui, cette aventure réussit à donner une dimension épique à ses confrontations par ce déluge d’effets et ce rythme très nerveux. En proposant une telle vivacité dans les mouvements de Frey, cela provoque chez le joueur l’envie de ne jamais faire du sur place. On s’éclate à faire du parkour pour finalement atteindre un groupe d’ennemis que l’on va assaillir sous une pluie de roches ou bien en leur infligeant de sévères brûlures. Si l’on nous donne énormément de techniques, c’est le joueur qui décide ce qu’il en fait en voulant peut-être se concentrer sur un élément précis ou bien en faisant de multiples combinaisons. Ainsi, si le gameplay n’est pas transcendant, il est suffisamment travaillé pour que l’on puisse prendre du plaisir aisément. Sans oublier que le fait d’enrichir notre arsenal au fur et à mesure de notre progression donne un réel sentiment d’évolution. Chaque nouveau pouvoir est l’occasion de se défouler sur cet impressionnant terrain de jeu. Forspoken réussit à provoquer un plaisir rapide, mais qui peut être entaché par cette redondance que l’on va avoir au même titre que les quelques annexes qui ne sont pas forcément les plus inspirées. Ce qui est dommage, c’est que Athia est un univers qui se présente comme riche et avec une histoire bien établie. Il aurait été bien plus séduisant de faire vivre ce passé, mais aussi ce lore à travers des interactions avec les personnages secondaires que de simplement fouiller chaque tour ou village à la recherche de quelques documents. 

Il y a donc du bon et du moins bon dans cette aventure qui, à mon sens, arrive pourtant à offrir quelque chose d’intéressant si l’on passe l’aspect répétitif du jeu. On voit qu’il y a de très bonnes idées en plus d’un moteur graphique qui appuie ce côté explosif et spectaculaire de ce récit. Mais il faut alors prendre en considération plusieurs éléments par rapport à ce mauvais retour de bâton qu’il y a eu pour le jeu.

Forspoken et les ambitions des joueurs

On arrive à la fin de cette chronique de Forspoken et il est grand temps de synthétiser un peu par rapport aux réactions qu’il y a eu concernant la sortie du titre. Suite à la sortie de la démo, il est vrai que certains joueurs ont été refroidis par ce qui était proposé et je pense vraiment que Forspoken est une œuvre qui peut rebuter dans ce qu’il propose notamment par rapport au prix affiché à sa sortie. Mais ce qui est vraiment le point faible pour moi est avant tout le symbole d’une partie de l’industrie jeu vidéo qui cherche à étendre la durée de vie d’un jeu par des activités peu attrayantes. Voilà d’où vient la redondance que j’ai pu exprimer auparavant. Mais cela ne veut pas dire que le titre n’est pas plaisant à jouer. J’ai, par exemple, été totalement transporté par l’histoire qui m’a été conté. Je trouve que le personnage de Frey est réussi dans notre crainte des responsabilités, mais aussi cette peur de décevoir faisant que l’on peut se refermer sur soi-même. Ainsi, et comme beaucoup de jeux, il y a du bon et du mauvais. C’est à chacun de voir s’il peut apprécier le périple proposé malgré les défauts présents et en se concentrant sur le positif. De plus, il y a aussi une chose qui fait que Forspoken a été mal reçu par une partie du public. Ce problème vient plus des joueurs en eux-mêmes que sur le jeu qui, finalement, tente de trouver sa place dans un marché gigantesque. Je veux profiter de cet article pour justement parler aussi de ce qui peut nuire à notre appréciation globale d’une œuvre. 

Aujourd’hui, on a le sentiment, et c’est notamment le cas sur les réseaux, qu’il n’y a plus de juste milieu. Un jeu est forcément nul ou génial sans que l’on puisse dire qu’il soit juste amusant ou alors que l’on passe un bon moment sans être transcendé. Dans cette approche de l’expérience, il est alors normal qu’un jeu comme Forspoken ne puisse convenir, car il n’est pas un “banger” et donc part automatiquement dans l’autre direction. Evidemment, comme j’ai pu le dire plus tôt, il faut prendre conscience des forces et faiblesses d’une aventure vidéoludique et encore plus du fait que les prix ne cessent de grimper. Cependant, il faut aussi faire un travail sur soi-même pour se dire que oui, nous n’avons pas le titre de l’année devant nous, mais cela n’empêche pas de passer un bon moment dans cet univers. De plus, et c’est pourquoi j’ai imaginé ce rendez-vous, il ne faut pas se précipiter à la sortie d’un jeu. Rien n’empêche de découvrir une aventure plusieurs mois après sa sortie ou même bien des années après. Nous sommes dans une société où l’on veut tout tout de suite sans prendre le temps d’apprécier ce que l’on a déjà. En se lançant dans Forspoken maintenant ou même plus tard, quand son prix baisse, et que l’on s’éloigne d’être toujours sur les dernières sorties. Le jeu vidéo n’est pas une course constante où l’on va passer d’un titre à l’autre sans apprécier ce que l’on a pu vivre. Nous sommes face à un voyage sans fin où chaque escale est une expérience à part qui peut parfois être magique, des fois déchirantes et quelques fois juste un moment d’évasion. J’espère en tout cas que cette chronique vous aura plu et surtout qu’elle aura su retranscrire au mieux ce ressenti personnel que j’ai eu en accompagnant Frey. N’hésitez pas à me dire dans les commentaires ce que vous avez pu penser du jeu ainsi que votre regard sur notre manière d’appréhender le jeu vidéo aujourd’hui. Dites moi aussi si vous voulez d’autres numéros de “Un avis en retard” !

Forspoken - terre