L'Abomination de Dunwich

L’Abomination de Dunwich T1 : le retour du cauchemar

Depuis son lancement, la collection des Chefs-d’œuvre de Lovecraft chez Ki-oon n’a eu de cesse de m’en mettre plein les yeux. Une approche très graphique et fascinante de ces récits terrifiants par le trait du talentueux Gou Tanabe. Ainsi, ce qui commença comme une simple curiosité de se plonger dans ces adaptations a fini par se transformer en une véritable fascination pour ce travail. Vous imaginez donc à quel point j’étais impatient quand l’annonce d’un nouveau titre allait rejoindre ces autres ouvrages. L’Abomination de Dunwich vient tout juste de sortir avec son premier tome et je me suis précipité dessus afin de me replonger de nouveau dans cette ambiance à la fois saisissante et terrifiante de ce maître de l’horreur. Si le travail autour de l’édition est toujours d’aussi excellente facture, le plus intéressant est de voir comment cette série inédite parvient à se différencier de ses semblables tout en gardant ce qui fait l’âme de ces adaptations. Et on peut dire que cette introduction sait parfaitement y faire. L’heure est donc venue de rendre visite à une famille qui semble cacher un lourd secret.

Le souhait d’un ado

Il est clair que derrière son synopsis, L’Abomination de Dunwich va surtout nous amener dans un environnement malsain où le moindre regard peut nous faire frissonner d’effroi. Mais c’est justement ici l’ignorance que l’on va avoir et les événements inexplicables qui vont construire progressivement cette envie de fuir loin de ce lieu. Alors que ce village nous paraît déjà peu accueillant de prime abord, on arrive à nous présenter une maison qui se montre encore plus repoussante. Que ce soit par la famille qui y habite que par son aspect général, le lecteur se retrouve fréquemment face à cette demeure qui attire autant qu’elle repousse.

Le secret d’une famille

Ce qui est remarquable quand on s’attarde sur l’ensemble des titres qui composent la collection des Chefs-d’œuvre de Lovecraft, c’est que l’on peut y déceler une même source d’horreur, mais traitée à travers une multitude de nuances différentes. Dans L’Abomination de Dunwich, on ne va pas être directement interpellé par le côté surnaturel que l’on peut retrouver dans d’autres titres de l’auteur. Ici, on est avant tout plongé dans un village qui semble quasiment abandonné et où la jeune génération préfère partir en laissant derrière eux les anciens ne pouvant se résoudre à quitter leur foyer. Tout est pensé pour faire de cet endroit un terreau fertile pour l’imagination du lecteur qui va rapidement se sentir mal à l’aise face aux regards de certains habitants. Le fait que l’on soit souvent amené dans un endroit où l’on peut sentir l’hostilité des habitants à l’égard du monde extérieur va créer en nous une peur du possible moment où tout va basculer. Cela s’exprime à merveille par le biais des quelques visiteurs qui arrivent confiants et finissent progressivement par avoir juste envie de partir le plus tôt possible. Ce premier contact est donc particulièrement pertinent pour la création de cette atmosphère oppressante alors que l’on n’est même pas encore dans le cœur du récit. Cette construction va avoir pour effet de nous laisser en pleine réflexion pour ce qui nous attend ensuite et ainsi imaginer le pire des scénarios. Mais c’est en faisant la connaissance de la famille Whateley que tout va s’accélérer. 

Au sein même de cet endroit peu accueillant, cette dernière fait office de paria et d’encore plus d’inquiétude de la part des autres habitants. Dès notre rencontre avec le patriarche de cette famille, on sent que quelque chose cloche. Une attitude encore plus renfermée que les autres villageois et surtout des propos qui nous semblent incompréhensibles. On sent qu’il va nous guider vers un chemin tortueux pour la suite de notre périple. Mais c’est cependant en faisant la connaissance de sa fille et de son petit-fils que l’angoisse va être palpable. Pour la première, on a devant nous une demoiselle d’une pâleur éclatante et au regard qui semble scruter notre âme. Il suffit d’un regard pour que la peur s’installe et que l’on se demande ce qui peut bien passer dans son esprit quand elle regarde le monde qui l’entoure. Malgré tout, ce n’est rien en comparaison du nouveau-né qui va être au cœur de notre méfiance et de nos inquiétudes. Le jeune Wilbur sort du lot par le trait assez bestial et déformé que va lui donner le mangaka. Sans même dire un mot, on sent ses yeux nous scruter tandis que l’on ressent quelque chose de sinistre dans son attitude. C’est là où le récit frappe fort, car sans montrer le moindre élément réellement “surnaturel”, la frayeur est là juste en faisant face à ces trois personnages. Que ce soit dans leurs propos, la croissance trop rapide du jeune garçon ou bien les secrets que dissimulent leur demeure, on a tout bonnement envie de fuir avant de savoir ce qu’ils ont l’intention de faire. Et malgré cette boule au ventre qui nous ordonne de partir, il y a une attirance malsaine qui s’opère dans cette recherche de la vérité. En laissant présager de ce qui nous attend, Gou Tanabe s’immisce dans notre esprit autant pour instiller la peur que la curiosité. L’emprise est alors totale tout au long de cette lecture.

On peut dire que L’Abomination de Dunwich sait comment attirer notre regard sans pour autant verser dans l’horreur visuelle directement. Ce qui est justement le plus remarquable, c’est que la peur vient ici non pas d’un élément tant surnaturel, mis à part ce que l’on peut imaginer se cachant dans la maison, mais bel et bien de cette famille dont le comportement semble si étrange. On observe tout ça de loin, mais le lecteur ne peut s’empêcher d’avoir le sentiment d’être scruté par cet enfant qui est loin d’agir comme un garçon de son âge. Une mise en place réussie pour nous amener progressivement vers le cauchemar.

L'Abomination de Dunwich - illustration

L’Abomination de Dunwich lance sa malédiction

Alors que je me demande constamment si la magie des chefs-d’œuvre de Lovecraft continuera de fonctionner à chaque nouvelle série, le résultat est plus que probant. Évidemment, le trait de Gou Tanabe joue énormément sur l’appréciation que j’ai, mais c’est surtout dans sa manière de retranscrire l’angoisse qu’il me convainc le plus. Comme j’ai pu le dire un peu plus haut, L’Abomination de Dunwich est une adaptation qui n’instille pas la peur par le fantastique d’entrée de jeu. Contrairement à un Cauchemar d’Innsmouth où l’on est rapidement plongé dans l’horreur de ce lieu macabre et de ses habitants déformés, ici tout est avant tout une question d’appréhension. Le récit monte en puissance dans cette forme de folie qui s’empare de ce patriarche et du malaise que l’on éprouve au contact de son petit-fils. Un être qui va se retrouver au centre de l’attention et où l’on peut craindre ses véritables intentions. De même, on sait qu’il y a quelque chose d’anormal qui se trouve dans cette demeure, mais nous ne sommes jamais au contact de celle-ci dans ce premier volume. Les quelques éléments qui nous font comprendre ça suffisent largement pour que l’imagination prenne le pas sur tout le reste. L’esprit du lecteur va alors devenir le meilleur outil pour accroître sa propre crainte en confectionnant les pires scénarios possibles et en visualisant ce qui pourrait être la monstruosité se trouvant dans l’ombre. Une horreur qui se forme au contact d’éléments bien concrets et non liés à la fiction.

C’est donc, vous l’aurez compris, un magnifique coup de cœur que j’ai eu pour ce premier volume de L’Abomination de Dunwich. A l’approche d’Halloween, j’aime me plonger dans ce type d’histoires et c’est juste un régal que de voir comment peut se construire la peur à travers des dessins. Et avec cet ouvrage, on nous laisse présager d’un fantastique horrifique pour la suite tout en préparant la peur du lecteur par une approche plus réaliste et sinistre. En effet, à travers des jeux de regards, des difformités, une attitude ou bien un lieu qui nous paraît néfaste, notre inconscient va directement être impacté. Sans même réfléchir, on va commencer à avoir des sueurs froides en étant face à ce garçon très précoce ou bien être terrorisé à l’idée d’être seul dans cet environnement si sombre et délabré. L’instinct du lecteur est constamment aiguisé par ces stimuli externes le mettant en garde sur ce qui pourrait jaillir à tout moment. Une pure réussite que je recommande si vous avez déjà apprécié les autres œuvres de cette collection ou si vous souhaitez vous lancer dans cette grande épopée Lovecraftienne. Évidemment, j’ai une multitude de questions qui me trottent dans la tête. Quelle est cette chose qui semble habiter chez cette famille ? Quel est le véritable objectif de Wilbur derrière ses recherches sur ces livres macabres ? Quelle est l’origine de ce dernier ? Dunwich deviendra-t-il un village encore plus sinistré ? Quelle est la finalité des rituels entamés par ce trio ? Je suis à la fois impatient et terrifié de connaître la suite à tout ça !

N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de L’Abomination de Dunwich. Trouvez-vous que ce nouvel ouvrage réussit à nous plonger pleinement dans l’angoisse de cette intrigue ? Avez-vous été pleinement immergé dans cet environnement qui suinte l’effroi ? Est-ce que Gou Tanabe réussit toujours, selon vous, à retranscrire toute la psychose et la monstruosité se cachant derrière les œuvres de Lovecraft ? Etes-vous curieux de savoir ce que cette étrange famille peut bien cacher au sein de son foyer ? Qu’attendez-vous pour la suite de la série ? Je reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.

©Tanabe Gou 2023 / KADOKAWA CORPORATION

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