La révolution vidéoludique---un-désir-à-double-tranchant-2

La révolution vidéoludique : un désir à double tranchant

Le jeu vidéo est sûrement l’un des milieux qui a évolué le plus rapidement autant sur le plan technologique que sur les ambitions derrière chaque titre. De simples petites sessions que l’on pouvait finir en seulement quelques minutes à des titres pouvant prendre des centaines d’heures à finir, le bond fut conséquent. Un développement qui a permis aux joueurs de vivre en direct une progression monumentale dans les expériences vécues et leur immersion. Mais malheureusement, derrière tous ces progrès et ces importants changements se trouve aussi un problème de taille qui n’a jamais été aussi présent qu’aujourd’hui. Rechercher l’évolution est devenue la norme pour les joueurs qui désirent constamment avoir le sentiment de vivre quelque chose qui dépasse le cadre de ce qu’ils ont connu il n’y a encore pas si longtemps. De l’autre côté, nous faisons face à un domaine qui a fini par ralentir dans cette innovation constante et à proposer des aventures qui vont très rarement offrir quelque chose d’inédit dans le gameplay. Cette évolution fut à double tranchant et est le reflet d’une industrie ayant des failles ainsi que de joueurs qui n’arrivent plus, pour beaucoup, à simplement apprécier un bon divertissement. Je vous propose ainsi une réflexion sur ce sujet et surtout mon ressenti à l’égard de toute cette situation.

Une situation compliquée

Avant toute chose, il est important que je vous parle de mon ressenti actuel par rapport à tout ça autant concernant les retours de joueurs que sur l’industrie en elle-même. Il est tout à fait vrai que l’on peut avoir le sentiment que depuis quelque temps, le jeu vidéo semble tourner un peu en rond. Chaque AAA que l’on découvre reprend des mécaniques déjà-vu dans beaucoup d’autres, on a des remakes à foison et des suites qui sont avant tout la continuité de leur prédécesseur. Face à ça, les joueurs n’ont eu de cesse de manifester leur mécontentement ou bien leur lassitude de ces œuvres que l’on peut découvrir. S’il est vrai qu’il y a un véritable sport qui s’est créé sur les réseaux à descendre en vol quasiment tout ce qui sort, l’origine de ça vient de ce fossé qui semble se former entre les studios qui doivent constamment trouver de quoi intéresser les joueurs et ces derniers qui ne semblent jamais se satisfaire du présent et veulent l’avenir. En regardant ça, j’ai eu envie de prendre du recul sur tout ça étant donné que je n’ai jamais eu ce réel sentiment de déconnexion à travers ce medium qui, en effet, a beaucoup de problèmes autant sur sa stagnation que sur l’humain en mettant à mal de nombreuses équipes de développement. En plus de ça, les coûts budgétaires pour chaque gros titre ne font qu’augmenter et on entre dans une phase d’escalade où il semble impossible de redescendre. Si je compte aborder tous ces problèmes dans une prochaine chronique, il était important, à mes yeux, de poser ce décor pour bien comprendre à quel point le contraste est assez édifiant. A chaque fois nous avons des années incroyables en matière de sorties vidéoludiques, que cela concerne des grosses productions ou des oeuvres indés,

Et pourtant, on a de plus en plus de gens qui ne sont pas satisfaits des jeux qu’ils découvrent. Je pourrais parler pendant des heures à quel point l’effet boulimique de parutions des titres a un effet néfaste sur notre manière d’appréhender le jeu vidéo et à quel point cela impacte la vision des gens sur le gaming et leurs propres expériences. Des tas de jeux sortent, peu d’entre eux sont réellement fini par ceux qui les possèdent, les critiques fusent et en seulement trois jours, un jeu est déjà remplacé dans les discussions par un autre. Si l’on ne tombe pas sur la pépite qui semble révolutionner l’industrie, ces aventures sont condamnées à retourner dans l’oubli sur la scène publique alors qu’en réalité beaucoup de joueurs silencieux peuvent apprécier ces expériences. Une situation qui ne semble pas s’arranger avec les années et où finalement dans une année qui voit des centaines d’aventures naître, la plupart n’en retiendront finalement que deux ou trois en jetant tout le reste. Il y a un côté assez triste à tout ça, car ce médium, qui nous a tant permis de rêver, devient finalement la cible de toutes les attaques possibles sous prétexte que l’on n’assiste pas à un bouleversement chaque année. Mais comment tout ça a pu arriver ? Evidemment, je n’ai pas la réponse, mais j’avais envie de voir, d’un côté comme de l’autre, ce qui pèse lourdement dans cette opinion publique terrible qui se fait à chaque sortie. Entre un milieu qui a sûrement grandi trop vite et des joueurs qui ont assisté directement à ça et qui en font une norme, il y a beaucoup à dire des deux côtés de cette ligne qui s’est transformée en fossé depuis bien longtemps maintenant.

Starfield - révolution vidéoludique

Un medium qui a évolué trop rapidement ?

Pour commencer, j’ai envie de m’attarder sur cette industrie qui a donné tant d’aventures qui m’ont fait rêver depuis mon plus jeune âge. Je l’ai souvent dit, mais le jeu vidéo a été l’une de mes premières grosses passions et surtout une formidable vitrine sur ce que l’on pouvait vivre à travers la fiction et l’imaginaire. Un medium qui a finalement su se transformer en une œuvre d’art interactive où nous faisons entièrement partie de l’expérience vécue non pas en tant que simple spectateur, mais en tant qu’acteur. Cependant, en comparaison des autres arts que l’on peut connaître, le paysage vidéoludique est finalement assez jeune. Et ce qui est important à noter, c’est à quel point, en seulement quelques dizaines d’années, de simples pixels ont su se transformer pour devenir des épopées proches du réel et spectaculaires. Et à chaque fois, il y a eu de cruciaux caps qui ont été franchis, plus ou moins sans heurts, au fil de ces progrès. En fait, le jeu vidéo est le medium qui va le plus être impacté par les évolutions technologiques qui vont avoir une réelle incidence sur la manière dont les studios travaillent. Le passage des cartouches au format CD a permis plus d’espace, de possibilités et ainsi élargir les frontières de ces univers vidéoludiques. Pareil pour l’ère qui aura vu la 2D disparaître pour laisser place à la 3D même si cela a donné aussi beaucoup d’échecs. Même encore aujourd’hui, les moteurs graphiques changent régulièrement pour transformer ce qui nous paraissait beau hier comme quelque chose de terne par rapport à ce qui arrive demain.

De ce fait, là où les autres arts ont finalement évolué au fil de bien des générations, en étalant leurs changements sur des périodes plus ou moins longues, le jeu vidéo a été beaucoup plus précipité dans ses bouleversements. Ainsi, une personne ayant connu les premiers pas de Nintendo peut tout à fait avoir été témoin de tout le chemin parcouru pour en arriver à ce que l’on connaît aujourd’hui. On pourrait donc croire que c’est quelque chose d’extraordinaire d’avoir assisté à tout ça, mais cela a aussi eu l’effet inverse. En effet, il y a tellement eu de chamboulements dans le paysage vidéoludique que la période que l’on vit aujourd’hui peut se présenter comme “fade” dans la mesure où l’on est réellement dans un creux concernant le progrès. Tout se joue maintenant sur de tous petits détails qui transforment des joueurs désireux initialement de profiter du jeu en des “experts” cherchant le moindre défaut pour râler ou s’écharper sur les réseaux. De même, les productions n’ont fait que se multiplier et ont provoqué une surenchère ne laissant plus le moindre répit pour des gens qui vont à peine avoir le temps de faire les premières heures d’un jeu que le prochain titre à avoir est déjà sur le point de sortir. Une accélération et une multiplication des titres qui, s’ils sont qualitatifs, vont aussi amener leur lot de problèmes autant humains que sur l’aventure en elle-même. Entre les problèmes de crunch, les titres qui enchaînent les mises à jour ou les DLC, l’impression d’un manque d’imagination avec les mêmes mécaniques de jeu tel la popularisation des mondes ouverts sont des preuves flagrantes de cette situation dans laquelle se retrouve l’industrie sans parler des nombreux licenciements que l’on peut voir récemment. Une rupture forte où l’on est toujours dans une course, mais où la “révolution” n’est plus présente que dans une infime partie de titres et où les progrès se font à un niveau que le joueur lambda ne fera sans doute même pas attention.

Des joueurs prisonniers d’un désir trop grand

Si l’on a pu voir à quel point la situation au niveau de l’industrie est loin d’être réjouissante, il faut aussi prendre en compte l’autre facette de ce sujet qui concerne directement les joueurs. Comme j’ai pu l’évoquer un peu plus haut, une grande partie de ceux qui connaissent ou ont grandi à travers ce paysage vidéoludique ont été témoins des nombreux changements au fil des années. On a grandi au même titre que toutes ces aventures et l’on était admiratif de chaque progrès effectué par tous ces jeux qui se rapprochaient du réel. Pourtant, cet émerveillement a fini par se transformer, pour une bonne partie, en une profonde lassitude aujourd’hui. Etant donné que l’on est à une période où les véritables progrès visuels se font au niveau de détails infimes, nous sommes bien moins conscients du bond qui peut être fait ici. De même, le gameplay en lui-même est rarement révolutionnaire maintenant et l’on se retrouve souvent avec des mécaniques que l’on peut déjà connaître ou qui sont similaires d’un jeu à l’autre. On peut alors avoir le sentiment que rien ne bouge et que l’on fait face à des aventures identiques ou qui n’innovent pas assez. Dans cette course effrénée au progrès et au développement toujours plus impressionnant, les témoins que nous sommes n’ont fait que chercher la nouveauté à tel point que cela est devenu un réflexe venant détruire des épopées qui sont tout à fait bonnes, mais qui ne sont pas là pour changer toute l’industrie. Et il ne faut pas se le cacher, seule une toute petite poignée de titres peut réellement se targuer actuellement de révolutionner ce medium étant donné que l’on a déjà pu explorer des tonnes de voie au fil du temps.

Les joueurs ne cherchent plus à s’amuser en premier, mais à avoir entre les mains la production qui se doit d’être exceptionnelle à bon nombre de niveaux sous peine d’être détruite en place publique. Et c’est là tout le problème. Dans une époque où l’on est constamment bombardé de jeux, que l’on ne cesse de courir à droite et à gauche et que l’on recherche la perfection, on en oublie trop souvent le but premier de ces oeuvres. En cherchant à tout prix l’innovation ou la révolution, on passe à côté de tellement de titres qui, même s’il ne réinvente rien, arrivent à proposer des histoires palpitantes ou simplement des expériences qui peuvent, le temps de quelques heures, nous faire oublier tout ce qui nous entoure. Limiter un jeu à ce qu’il peut apporter au medium est grandement réducteur, car l’objectif initial pour le joueur n’est pas ce qu’il va construire pour l’avenir, mais de procurer un plaisir immédiat à ce dernier pouvant se prolonger par la suite à travers les souvenirs créés. Au lieu de chercher à tout prix le GOAT qui n’existera jamais étant donné que l’on a tous une expérience différente et des raisons propres qui nous ont fait aimer un jeu, mieux vaut se laisser porter par la curiosité, l’amusement et le plaisir de se lancer dans de nouvelles épopées. De même, le fait de constamment se dire qu’il faut parler du dernier titre à la mode est une grosse erreur, car cela ne laisse absolument plus le temps à l’appréciation d’un jeu étant donné qu’il sera remplacé quasiment dès la semaine d’après par la future sortie et ainsi de suite. Il faut arrêter de constamment regarder vers un avenir qui ne sera plus aussi rapide que ce que l’on a pu connaître jusqu’ici et se concentrer sur le moment présent. C’est en tout cas ce que je ressens après avoir vu tant de gens se battre pour des broutilles concernant le jeu vidéo et cette quête interminable du meilleur.

Zelda - Révolution vidéoludique

Se concentrer sur le principal

Oui, nous sommes sincèrement dans une période où l’on peut avoir le sentiment que toute l’industrie n’évolue pas rapidement. Mais et alors ? Il ne faut pas constamment chercher l’innovation pour simplement s’amuser. En effet, on va tomber sur des titres qui ne vont pas forcément apporter leur pierre au medium, mais qui n’en sont pas moins plaisants à jouer. A trop se focaliser sur la recherche de ce potentiel titre révolutionnaire, on en oublie aussi toutes ces œuvres qui sortent et qui ont aussi cette faculté de nous émerveiller. L’objectif premier n’a jamais été pour le joueur de s’extasier à chaque fois devant une évolution technologique ou au niveau du gameplay. Le jeu vidéo est avant tout là pour nous permettre de nous évader et surtout de vivre des aventures extraordinaires. En réalité, il est tout à fait normal que l’industrie se retrouve dans cette situation étant donné que les révolutions précédentes avaient beaucoup plus de champ libre pour changer la donne. Aujourd’hui, il y a déjà énormément de séries ou d’opus qui ont laissé leur empreinte dans cet art qu’il est maintenant beaucoup plus compliqué de bousculer les codes. Cela ne veut pas dire que l’on aura pas de gros bouleversements à venir, mais simplement que cela sera plus rare. Cette industrie connaît déjà beaucoup de problèmes importants à soulever et qui sont bien plus cruciaux à résoudre que ce besoin de trouver chaque année le titre qui surpassera tous les autres. C’est en tout cas mon ressenti qui est, en effet, teinté d’une certaine tristesse en voyant la minorité bruyante se battre à coup de GOTY, de spécificités techniques et autre guerre des consoles tandis que la majorité silencieuse cherche juste à apprécier ce qu’elle tient entre les mains. L’important n’est pas la révolution vidéoludique…

Le plus vital est l’évasion ressentie quand, une fois la manette en main, on a le sentiment de faire partie intégrante de l’histoire. Les jeux se multiplient à une vitesse folle et il n’est pas nécessaire de chercher absolument à être dans l’actualité ou bien dans la nouveauté pour trouver son bonheur. Au contraire, s’attarder sur un jeu, prendre le temps de l’explorer de fond en comble et partager son expérience avec les autres sont les meilleurs moyens de transformer un simple jeu en une aventure encore plus grandiose. C’est pour ça que je trouve souvent triste que l’on passe souvent trop vite sur des échanges concernant les jeux qui sortent, car si le monde vidéoludique est une aventure que l’on peut faire en grande partie solo, il y a aussi tellement à découvrir en partageant avec les autres. Et même, il est pertinent d’aller au-delà des apparences pour voir ce qu’il y a réellement derrière une œuvre que ce soit dans son lore, l’univers proposé, les personnages ou ce que les développeurs ont cherché à nous transmettre. C’est un peu comme si le simple fait de s’amuser n’était plus suffisant aujourd’hui. Il faut constamment aller de l’avant alors que l’industrie ne peut plus avoir un rythme aussi fulgurant que ce fut le cas précédemment. Un train qui ralentit, mais dont les passagers se sont habitués à sa précédente vitesse et qui ne prennent plus le temps de regarder par la fenêtre pour admirer ce qui se trouve juste à leur niveau. Il ne s’agit pas ici de donner une leçon ou quoi que ce soit d’autre, mais surtout de faire prendre conscience à quel point cela peut être néfaste de s’attarder simplement sur ça alors qu’il y a tous un tas d’épopées, petites ou grandes, qui ont le don de nous faire encore rêver.

N’hésitez pas à me dire dans les commentaires votre propre vision de ce sujet et surtout si votre regard sur l’industrie et les joueurs aujourd’hui quand il s’agit de révolution. J’espère en tout cas que cette chronique un peu spéciale vous aura plu et je reste disponible pour échanger avec grand plaisir. On se retrouve très vite pour d’autres récits et analyses dans ces univers fictifs que j’adore.

2 Comments

  • Super article 👍 ! Pour ma part je suis d’accord avec tous les points cités. Est-ce parce que je suis née et ai grandi dans une époque où le progrès était là, mais suffisamment lent pour qu’on puisse en profiter calmement sans la course au dernier cri ?
    J’ai énormément de mal avec la mentalité actuelle, où il faut « torcher » des jeux complexes en quelques heures alors qu’ils en méritent bien +. Pour moi il faut prendre le temps et intégrer un jeu avant d’en parler. Pas le bâcler et passer au suivant.
    Aujourd’hui il y a profusion de jeux disponibles et qui sortent, ça donne presque le tournis alors qu’on aura jamais assez d’une vie pour les découvrir. Et cela se retrouve dans énormément de domaines de notre société : tout comme la fast fashion voici le fast video gaming. Sans compter les soucis posés en terme de qualité et d’éthique humaine (crunch, pression sur les équipes, créativité bridée,…).

    Je me souviens quand j’étais enfant, on en avait pas autant et souvent, on refaisait plein de fois ceux qu’on possédait déjà. Et ça nous suffisait pour être heureux. Aujourd’hui je ne me sens pas + heureuse d’avoir plein de jeux que je ne finis même pas. Je suis même ultra frustrée 😅.

    Pour finir, j’ai souri en lisant ton article car tu as dit la même chose que je dis toujours : un jeu comme son nom l’indique est un divertissement , un loisir ludique. Donc amusons-nous et evadons-nous ! Retrouvons le plaisir de nous évader.

    • EspritOtaku dit :

      Merci beaucoup pour ton commentaire et tes mots qui me touchent !
      Je suis tout à fait d’accord avec toi et personnellement je tente de me détacher de plus en plus de cette course effrénée.
      Mais j’avais envie de parler de ce sujet, car on peut pleinement le sentir prendre de plus en plus d’ampleur avec le temps au même titre, comme tu le dis, d’autres domaines.

      Nous sommes avant tout là pour profiter et nous amuser même si cela ne concerne qu’un jeu 🙂
      Et il faut avant tout se centrer sur ce qui est vraiment important dans ce milieu, à savoir l’humain et les nombreuses dérives et problèmes liés.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *