SINoALICE tome 1 : un conte sanglant
Il n’est pas rare que le monde du jeu vidéo finisse par donner vie à des produits dérivés et des adaptations de certains titres. On peut alors facilement se demander si cela est uniquement fait dans le but de surfer sur le succès d’un jeu plutôt que d’apporter une plus-value à une œuvre. Pourtant, il peut être très intéressant de se pencher sur ce cas de figure notamment quand cela concerne la création d’un manga autour d’un univers vidéoludique. Vous l’aurez compris, aujourd’hui on va parler d’une de ces réalisations et qui vient tout juste de rejoindre le catalogue de Kurokawa. Il s’agit de SINoALICE qui est tiré du jeu mobile du même nom. S’il est vrai que l’on peut se questionner sur où veut nous emmener cette histoire, on était curieux de voir ce que pourrait donner ce scénario mettant en scène de nombreux personnages bien connus de l’univers des contes. On pose alors les yeux sur un récit loin d’être réjouissant et où la violence prime sur tout le reste. Une descente aux enfers pour ces personnages qui doivent survivre face aux autres. Il est donc grand temps de voir ce qui se cache derrière cette sinistre virée.
Un souhait se transformant en cauchemar
SINoALICE, d’après l’œuvre originale de Yoko Taro, scénarisé par Takuto Aoki et dessiné par Himiko, nous amène à faire la connaissance de la jeune Alice. Cette adolescente tout à fait ordinaire affiche aussi une vie tout aussi banale. Rien d’exceptionnel ne se passe et cela semble pleinement satisfaire cette demoiselle qui se réveille chaque matin avec le même sentiment. Un foyer normal, un lycée classique et des amis tout aussi ordinaires semblent amplement suffire à ce que l’existence d’Alice soit comme elle le désire. La seule chose qui peut sembler différente des autres est l’amour qui naît au plus profond d’elle. Un sentiment à l’égard d’une personne précise et qui pourrait bien être l’élément déclencheur de nombreux soucis à venir. Malheureusement, elle n’imagine pas une seule seconde que son mode de vie puisse changer si radicalement à cause d’un simple rêve. En effet, cela fait plusieurs fois qu’elle a le même songe où deux étranges et sinistres poupées s’adressent à elle. Elles lui demandent alors si elle possède un souhait qu’elle aimerait réaliser. De plus, ces deux interlocutrices lui posent une question bien particulière concernant ce qu’elle désire à propos de ce monde. Ne sachant pas du tout quoi répondre à ça au départ, elle finit par trouver un désir suite à une révélation qui va profondément marquer son esprit. Dès lors, son quotidien paisible se transforme en un véritable drame.
La voilà maintenant de nouveau dans sa chambre et déroutée par ce qui se trouve autour d’elle. Cherchant à mieux cerner ce qu’il se passe et surtout de comprendre cette inquiétude qui naît en elle, Alice décide de descendre au rez-de-chaussée. Ce simple trajet totalement anodin et qu’elle a déjà fait des centaines de fois va pourtant la conduire face à une scène effroyable. La bonne odeur des plats de sa mère est remplacée dans cette cuisine par l’odeur du sang et le frisson de la mort. Une silhouette inconnue se dresse au centre de cette pièce et Alice ignore totalement qui peut être cette personne. Sans le savoir, la voilà emportée dans un jeu mortel où d’autres filles sont aussi prisonnières. Des participantes qui ont aussi un profond désir à assouvir et qui risquent fort de briser celui de cette demoiselle qui pensait encore pouvoir profiter de cette quiétude qui rythmait ses journées il n’y a pas si longtemps. La question est maintenant de savoir ce qu’elle compte faire au cœur de cet enfer où chaque erreur peut conduire à une fin prématurée. Est-il seulement possible de trouver une alliée fidèle sur ce champ de bataille où la folie est omniprésente ? Elle va devoir rapidement s’adapter à ce nouvel environnement sous peine de rapidement finir parmi les premières victimes de cette partie endiablée. Même pas le temps de comprendre ce qui se passe au vu des dangers qui se profilent déjà au loin. Il est temps pour Alice d’aller de l’autre côté du miroir !
Ce qui est intéressant quand on se penche sur le synopsis de SINoALICE, c’est sa manière d’incorporer la fiction et l’imaginaire au sein d’un monde contemporain. On n’a jamais la sensation de franchir une barrière nous amenant vers un univers fantastique, mais bel et bien le contraire. Cela apporte encore plus d’interrogations qui vont servir de colonne vertébrale à cette aventure où le sang et la mort se répandent un peu partout. Une plongée au sein d’une aventure où l’ignorance est totale et où la moindre information peut changer l’avenir de certains au vu de ce qui se passe.
Entre mystères et figures connues
A travers ce premier volume de SINoALICE, on se rend rapidement compte d’un parti-pris spécial concernant la narration. En effet, cette introduction se veut volontairement nébuleuse pour ne donner quasiment aucune réelle information sur ce qui se passe réellement devant nous. On suit le quotidien d’Alice en voyant à quel point elle semble se laisser emporter par ce quotidien ordinaire. Ainsi, on a autant le sentiment qu’elle ne veut pas bousculer ses habitudes que cette existence est presque comme une prison dont elle n’a plus envie de s’en défaire. D’ailleurs, c’est un élément intéressant du début de cette histoire, car une grande partie de notre attention est focalisée sur le visage presque imperturbable de cette adolescente. Le seul moment où tout semble basculer est quand la notion d’amour vient faire son entrée dans la partie. On bascule alors dans une toute autre ambiance et vient presque ajouter un côté malsain à ces quelques instants que l’on partageait jusqu’ici avec notre héroïne. En fait, tout est pensé pour que ce sentiment de malaise s’accentue avec par exemple l’apparition de ces deux poupées dont l’allure et les propos suffisent à provoquer quelques frissons. On sent que quelque chose se prépare et l’on se rend progressivement compte que l’on bascule totalement dans une atmosphère sinistre et presque macabre. Cela ne fait que croître jusqu’au moment où tout bascule et où l’on prend conscience de ce revirement de situation.
Le lecteur a beau savoir que l’on part dans une utilisation des contes, tout ça reste assez vague en préparation de ce qui arrivera ensuite. L’objectif de ce premier volume est justement d’attiser notre curiosité en ne nous donnant que très peu d’éléments de réponse pour bien cerner ce qui est en train de se passer. Cela prend une toute autre dimension dès lors que l’on s’attaque à la seconde partie de cette lecture. On est pleinement propulsé dans la dure réalité de cette série qui n’a rien de féérique. Au contraire, on est grandement surpris par la violence dont fait preuve ce monde. On se retrouve dans le même état d’Alice qui ignore tout de ce qui se passe et des raisons qui poussent ces autres demoiselles à se dresser sur sa route. Tout est pensé pour que la peur s’empare progressivement du spectateur qui assiste à des scènes insoutenables et surtout à une forme de folie ambiante qui ne fait que renforcer la tension du moment. Ce passage est suffisamment bien travaillé pour que l’on soit englouti par l’horreur ambiante. Une entrée en matière d’une grande efficacité pour lancer ces hostilités. D’ailleurs, l’ignorance dont on fait preuve est au final un point important dans cette histoire, car elle joue sur cette crainte de l’incompréhension. Du jour au lendemain, on assiste à la naissance d’un véritable cauchemar et l’on ne peut réellement cerner ce qui est à l’origine de tout ça. Un ouvrage qui brille ainsi avant tout par sa mise en scène et l’atmosphère qu’il façonne au fil des chapitres.
Avec son histoire à la fois inquiétante et angoissante, SINoALICE parvient à créer une atmosphère dont il est difficile de se défaire. On se fait finalement submerger par cette brutalité qui débarque d’un coup dans le quotidien de cette adolescente dont l’existence bascule du jour au lendemain. Un récit qui a encore beaucoup de choses à nous dire, mais qui sait en tout cas comment éveiller l’intérêt du lecteur. Les questions fusent tandis que l’on prend conscience du danger qui s’annonce au vu de ce qui s’éveille devant nous. Les contes n’ont alors plus rien de féérique.
Il était une fois SINoALICE
Ce premier volume de SINoALICE aura été une expérience littéraire intéressante sur la manière dont le récit souhaite nous raconter son histoire. Il n’est pas question ici de nous donner toutes les clés pour comprendre l’intrigue de la série. Bien au contraire, on s’amuse ici à nous laisser sans la moindre réponse comme si l’on était une simple victime ne pouvant que subir tout ce qui se passe sans avoir de quoi se défendre. C’est le cas pour Alice qui va se retrouver dans une quête éprouvante dont elle est encore loin d’avoir compris le sens. Ce parti-pris peut avoir deux effets spécifiques. On peut ainsi être attiré par cette brume qui entoure ce scénario et chaque partie de ce jeu funeste dans le but de cerner les réels enjeux de ce qui va arriver. De l’autre côté, cela peut aussi déstabiliser le lecteur qui se demande sur quel pied danser avec tout ce qui se passe devant ses yeux. Voilà une originalité dans l’écriture qui correspond assez bien à l’imagination de Yoko Taro et qui est donc bien retranscrite au travers de ce premier acte. On est donc très curieux de voir comment va se développer la seconde partie de cette histoire et qui devrait déjà apporter quelques éléments de réponses aux nombreuses zones d’ombre du manga. En plus de ça, il faut reconnaître que la dernière partie de cette introduction sait comment éveiller l’intérêt et surtout nous plonger dans cet abîme terrifiant où seuls les plus forts pourront s’en sortir. Un manga qui d’ailleurs est avant tout réservé à un public averti au vu de la violence de certaines scènes et thématiques.
On était très curieux de voir ce que pourrait donner cette série au vu de ce que l’artiste à l’origine de cette histoire est capable d’écrire comme scénario. N’ayant pas eu l’occasion de tester le jeu mobile, cela était aussi l’occasion de voir ce que pourrait donner cette épopée. On a finalement pu découvrir un premier acte jouant à fond la carte du mystère et qui a su tirer notamment son épingle du jeu par l’ambiance macabre et terrifiante de cet univers. En plus de ça, les planches arrivent très bien à cerner le côté sinistre de ce changement d’atmosphère ainsi que l’aspect viscéral de cette saga. Une œuvre qui pourra donc plaire à ceux qui aiment ne pas avoir toutes les cartes en main dès les premiers chapitres ou bien qui désirent une aventure d’une impressionnante brutalité. Il va être fascinant de voir comment va se développer l’utilisation des contes et de leurs figures légendaires dans les prochains tomes de la licence. Bien évidemment, les questions sont innombrables au vu de la narration du récit. Est-ce que Alice va pouvoir retrouver son ancienne existence ? Qui sont ces autres demoiselles qui tentent de survivre dans cet enfer ? Qu’est-ce qui est à l’origine de ces deux poupées ? Comment va se passer la suite de cet événement et qui ressortira vainqueur de tout ça ? Quels sont les désirs de toutes ces jeunes femmes qui se retrouvent embarquées dans cet environnement hostile ? Quel est le but de tout ça ? Il va falloir prendre son mal en patience pour connaître certaines réponses à tout ça.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de SINoALICE. Trouvez-vous que l’on a ici une série affichant un certain potentiel sur la durée ? Avez-vous été intrigué par l’utilisation de ces personnages de conte tout au long de cette introduction ? Pensez-vous que l’on aura le droit à des confrontations spectaculaires au fur et à mesure des chapitres à venir ? Est-ce que le côté mystérieux du titre est parvenu à capter votre attention ? Qu’attendez-vous pour la suite de cette licence en matière de développement ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.