Sayuri

Sayuri : la lutte entre la vie et la mort

C’est aujourd’hui que sort un manga particulier chez nous. On le sait, l’effroi est un élément bien difficile à travailler dans une oeuvre. Il faut toujours savoir comment bien l’utiliser afin qu’il affecte le lecteur et puisse lui procurer une dose de frisson. De ce fait, il existe de nombreuses méthodes pour éveiller la peur dans le coeur du spectateur. Cependant, il est encore plus intéressant de découvrir un ouvrage qui utilise l’horreur pour nous exprimer quelque chose de bien plus profond. C’est exactement le cas dans le titre que l’on va aborder ce jeudi et qui nous provient tout droit de chez Omaké Manga. Il s’agit de la dernière licence en date de l’éditeur à savoir Sayuri qui est tout juste disponible. L’auteur derrière cette série a toujours su proposer des histoires pouvant sembler personnelles ou tout simplement empreinte d’un réalisme flagrant. Le récit qu’il nous conte à travers cette oeuvre va suivre ce chemin et ainsi se servir du surnaturel pour mettre en lumière un sujet bien réel. On est donc autant emporté dans ce one-shot par l’atmosphère qui s’en dégage que par les propos tenus. Il est donc grand temps de prendre ses affaires et d’emménager dans une maison qui a l’air chaleureuse !

La joie d’un nouveau foyer

Sayuri - cauchemar

Le cauchemar débute !

Sayuri, imaginé par Rensuke Oshikiri, nous plonge dans un Japon contemporain où l’on fait la connaissance d’une famille tout à fait lambda. Ayant passé une grande majorité de leur vie dans un petit appartement les uns sur les autres, le patriarche a décidé de changer cela. Accomplissant le rêve de sa vie, il finit par trouver une maison prometteuse et particulièrement grande dans un petit village de campagne. Un lieu idyllique pour s’installer et il ne fallut donc pas longtemps pour qu’il cède et décide d’y aller avec toute la famille. Si l’état de la maison était un peu décrépi, le résultat était largement au-delà de leurs attentes. En plus de ça, un tel foyer permettait aussi aux grand-parents de venir habiter avec eux afin que tout le monde puisse être réuni. L’obscurité ambiante et les quelques problèmes liés à l’habitat n’entachèrent donc nullement la bonne humeur qui s’emparait de tout ce petit groupe qui décida de défaire leurs cartons. C’était une nouvelle vie qui s’offrait à eux pleine de promesses et de possibilités. La seule chose qui noircit un peu le tableau est que la taille de cette bâtisse donne l’impression à chacun de vivre éloigné les uns des autres. Malgré ce petit détail, les premiers jours sont sous le signe de la bonne ambiance et chacun met du coeur à l’ouvrage pour transformer ce lieu en un endroit chaleureux. Ils sont bien loin de se douter que cette maison de rêve puisse bien devenir leur pire cauchemar.

Plus le temps passe et plus d’étranges événements semblent avoir lieu entre ces murs. Qu’il s’agisse d’étranges rêves qui envahissent les nuits de chacun ou même l’oppression que certains ressentent, quelque chose de singulier semble avoir lieu. Malgré ces signes inquiétants, ils mettent tout cela sur la fatigue du déménagement ainsi que sur le blues de leur ancienne vie. Malheureusement, le temps n’y fait rien et ces signes obscurs continuent de se renforcer. Même aller à l’école semble devenir un calvaire pour la plupart des enfants qui subissent de sinistres hallucinations. Entre la fille aînée qui ne sort plus de sa chambre, les cauchemars du benjamin, le stress qui noircit l’esprit du père, une grand-mère qui n’a plus toute sa tête et une mère désemparée, Norio, le deuxième de la fratrie, ne sait plus où donner de la tête. Entraîné dans une sorte de spirale infernale où chaque jour devient plus éprouvant que le précédent, il se met à regretter les instants passés dans leur ancienne demeure. Mais qu’est-ce qui peut bien être à l’origine de ce mal qui semble hanter les lieux ? Est-ce que tout cela n’est uniquement dû qu’au stress d’avoir changé de vie ? La réalité semble tout autre alors que le passé de cette maison semble s’éveiller. La véritable question maintenant est de savoir qui l’emportera entre cette famille et cette folie qui s’insinue en chacun. Ainsi débute un quotidien au sein d’une bâtisse dont il est difficile de fuir à son étreinte mortelle.

Sayuri va très vite s’axer sur le paranormal dès lors que l’on pose les yeux sur cet ouvrage. Avec une ambiance qui va se vouloir de plus en plus oppressante, le scénario va autant chercher à nous immerger totalement dans l’enfer de cette maison qu’à nous donner envie d’en apprendre plus. C’est là que l’on va faire une sacrée découverte en comprenant le véritable but de l’oeuvre. Si le divertissement est là, ce titre va surtout briller par la justesse de ses mots et surtout nous ouvrir les yeux sur une vérité que l’on peut tout à fait oublier. Le quotidien infernal de cette famille va alors se transformer en une terrible lutte pour faire face à ce terminus que tout le monde craint.

Un cauchemar d’une grande profondeur

Si l’on comprend rapidement que la terreur va accompagner cette famille, on ne s’attendait pas forcément à ce qu’elle s’exprime comme ça. En effet, Sayuri nous plonge au sein d’un lieu où les cauchemars sont légions, mais qui va très vite exprimer un message bien différent de celui que l’on pourrait croire. Pour commencer, force est de reconnaître que l’on est bien happé par l’atmosphère pesante qui règne dans cette demeure. Il ne faut pas longtemps pour que l’on sente notre gorge se serrer en observant l’obscurité qui semble toujours être présente entre ces quatre murs. On va alors assister impuissant à une succession d’événements qui vont grandement nous marquer et surtout nous faire prendre conscience du danger qui existe. On se demande alors qui pourrait bien être la prochaine victime et surtout s’il existe un moyen d’échapper à ce cycle de désespoir et de tristesse qui envahit cette famille. A ce moment-là, on se concentre avant tout sur la menace invisible qui s’acharne sur nos nouveaux amis et ce n’est qu’une fois totalement emporté par tous ces malheurs que l’on va ouvrir les yeux sur le véritable sujet du manga. L’affrontement qui s’organise alors dans ce titre va prendre une tournure bien plus métaphorique et philosophique dès lors que l’on entame la seconde partie. Dans cette quête pour survivre et en finir une bonne fois pour toute concernant cet enfer, Norio va comprendre que c’est toute sa vision de la vie qu’il va devoir revoir.

Face aux ténèbres qui hantent les lieux, c’est en effet la manière d’exister qui va briller. Alors que le désespoir envahit le coeur des gens, c’est là qu’il faut exprimer encore plus son désir de vivre. Cela s’exprime simplement par des agissements de tous les jours comme aller à l’école, bien manger, rire, courir et donc se battre face à la morosité. C’est en montrant à quel point la vie peut être belle et forte que l’auteur va exprimer toute la puissance de son récit qui met en lumière cette confrontation éternelle entre cette flamme qui anime chaque être humain et ce froid glacial prêt à tout souffler. Comme souvent dans les séries du mangaka, les propos tenus ne se cantonnent pas uniquement au scénario que l’on suit. Chaque mot peut ainsi résonner dans l’esprit du lecteur comme une alarme permettant de lui faire comprendre des vérités que l’on peut avoir tendance à oublier. Même dans les coups durs, il faut continuer à apprécier la vie et ce qu’elle peut offrir et c’est cela que souhaite mettre en lumière Sayuri. Ce récit a beau nous offrir un voyage particulièrement dur, il utilise à merveille cette noirceur pour faire encore plus briller cette petite lumière qui vit en chacun de nous. Tout cela est aussi porté par un puissant message autour des souvenirs qui permettent de faire perdurer la mémoire de ceux qui nous ont quittés. Une manière pour eux de continuer à vivre dans le coeur de ceux qui restent.

Sayuri montre à quel point l’auteur sait jouer avec l’effroi autant pour nous divertir que pour transmettre un message très intéressant et pertinent. En effet, cette fiction a beau nous mettre aux prises avec un être surnaturel, cela ne signifie pas pour autant que tout joue sur ce côté fantastique. Il y aussi une très grande sincérité et un incroyable réalisme qui se dissimule derrière certains propos parvenant à nous faire cogiter. Ce manga est avant tout une parfaite représentation de cette lutte qu’on mène tous pour vivre pleinement afin de ne rien regretter lors du moment fatidique.

Sayuri hante encore nos souvenirs

Sayuri - rêve

Un peu de douceur.

On a beau avoir lu la plupart des oeuvres de l’auteur, on ne s’attendait pas du tout à ce que Sayuri suive une voie aussi captivante à analyser. Avec sa double lecture, l’ambiance qui s’installe peu à peu et surtout deux personnages particulièrement intéressants, le manga enchaîne les très bonnes qualités. On se laisse facilement envahir par l’émotion, mais aussi les frissons que nous fournit cette lecture qui n’a pas besoin de se lancer dans de longs discours pour réussir à capter notre attention. Des dessins soulignant à merveille l’horreur de ce qui habite cette maison et permet ainsi de construire une expérience qui va nous prendre aux tripes. On se retrouve projeté dans une narration qui va rapidement prendre de l’ampleur pour mieux nous donner la sensation d’étouffer et ainsi nous donner cette impression d’être à la place de cette famille. Si le surnaturel est bien sûr très présent, le mangaka va aussi s’amuser à mettre en scène des peurs bien plus concrètes qui peuvent parler à tous. La crainte du noir, de la mort et de la solitude sont ancrées dans chaque page et cela nous force à nous rappeler que derrière tous ces mystères se cache des inquiétudes bien réelles qui ne font qu’enfoncer un peu plus ces personnages dans leur désespoir. On est donc face à une aventure cherchant à nous proposer une angoisse qui puisse nous parler malgré l’aspect fantastique, mais qui propose aussi des moments bien plus intimes, et même magnifiques !

Ce one-shot a clairement réunit tous les ingrédients nécessaires pour proposer une expérience de haute volée. Un mélange savoureux entre un conte horrifique et une leçon de vie importante. C’est donc avec beaucoup de plaisir que l’on recommande Sayuri qui devrait vous proposer une aventure littéraire palpitante. Si vous aimez vous donner quelques frayeurs ou que vous cherchiez une épopée courte et puissante alors Sayuri devrait largement vous convenir. On y retrouve rapidement tout ce qui fait la force des oeuvres de Rensuke Oshikiri tout en y découvrant une toute nouvelle facette de l’auteur. On a réellement été bluffé par la façon qu’il a de décrire une lutte aussi grandiose que celle opposant la vie et la mort de manière très intime. Même ce qui peut nous paraître fantastique fini par avoir des connotations très réalistes. Bien évidemment, le fait que tout soit regroupé en un seul volume fait que l’on a toutes les réponses aux questions que l’on pouvait se poser. On peut tout de même imaginer le futur qui attendra ces personnages qui ont fini par renouer avec leur propre existence. L’horizon semble s’illuminer, mais celui-ci peut tout à fait sombrer dans la nuit la plus sombre du jour au lendemain. Une fable qui a su grandement nous parler et dont la morale s’avère d’une importance cruciale. Un titre qui jongle habilement sur les deux faces d’une même pièce.

N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant cette lecture qu’est Sayuri. Appréciez-vous la manière dont l’horreur s’installe peu à peu dans le coeur des personnages ? Trouvez-vous que le message véhiculé est intéressant à suivre et colle parfaitement au récit ? Quel est le protagoniste qui vous a attiré le plus de sympathie ? Pensez-vous que l’histoire est habilement condensée en cet unique volume ? Avez-vous ressenti une certaine frayeur en lisant cette épopée ? Qu’auriez-vous aimé voir au sein de ces pages ? On reste à votre disposition pour pouvoir échanger, discuter et débattre autour de ce sujet 🙂

© 2010 Oshikiri Rensuke, Gentosha

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