Sakuragi : un génie intemporel
Cela faisait bien longtemps que l’on ne s’était pas attardé sur une chronique dédiée à un personnage en particulier. On s’est donc dit que pour signer le retour de ce type d’article, il fallait un personnage qui a marqué les esprits. C’est pour ça que notre regard s’est porté sur un titre emblématique du genre sportif et plus précisément sur le plus impressionnant basketteur qui soit. On parle bien sûr de Sakuragi, protagoniste principal de Slam Dunk, édité chez Kana. Il y a en effet beaucoup de choses à dire sur ce personnage qui a connu un développement particulièrement intéressant tout au long de son combat pour devenir un basketteur de talent. Il est alors important de voir comment ce voyou qui ne pensait qu’à se battre et séduire a pu devenir le sportif que l’on connaît maintenant. Une ascension remarquable dans ce domaine qu’il n’avait jamais côtoyé jusqu’ici. Symbolisant parfaitement le talent d’écriture de Takehiko Inoue, ce héros est un individu qui méritait bien qu’on lui consacre toute une chronique. L’heure est donc venue de retourner une fois de plus dans les gradins pour assister au show de celui que l’on surnomme le génie.
La brute voulant être basketteur
Pour bien cerner toute la force de ce personnage, il est important de commencer par celui qu’était Sakuragi avant même de poser les pieds sur un terrain de basket. Comme on le remarque assez rapidement, cet étudiant est loin d’être un exemple d’assiduité. Stéréotype de la brute qui passe le plus clair de son temps à se battre qu’à être présent en cours. Avec sa bande de potes, on est très loin de l’imaginer s’élançant dans les airs afin de faire un dunk. En plus de son côté bagarreur, cet adolescent se présente aussi comme un cœur d’artichaut qui tombe constamment amoureux des étudiantes qui sont présentes dans son établissement. Malheureusement, toutes ses avances sont vaines et il enchaîne les râteaux tout en subissant les moqueries de ses camarades. Une situation loin d’être reluisante et véhiculant l’image d’un garçon qui se laisse un peu porté par son quotidien en répondant simplement par les poings ou bien les larmes après un refus. Cet état de fait ne va pas s’arrêter là étant donné que même le moment où il décide de rejoindre le club de basket est loin d’être désintéressé. Se moquant royalement de ce sport et détestant même ces sportifs qui attirent le regard de toutes les filles, il va finalement accepter d’intégrer ce cercle dans l’espoir de séduire celle qui fait battre son cœur. On nous le présente donc comme un individu vraiment peu intéressé par ce sport et pensant avant tout à sa personne plutôt qu’à chercher à faire équipe avec les autres.
C’est donc une première approche très intéressante à analyser, car elle n’est pas pensée pour plaire aux lecteurs directement. C’est la caricature de ce voyou à la grande gueule qui parle plus avec ses poings. De ce fait, il dénote très rapidement au sein de cette équipe qui va rapidement montrer ses ambitions pour le futur du club. On se questionne même sur l’intérêt de l’avoir au sein de ce groupe en se demandant s’il sera capable de suivre le rythme. Avoir un protagoniste qui semble à part au sein du groupe est un élément important, car si cela peut aller en contradiction, au départ, avec le thème principal du manga, cela pousse aussi le lecteur à se concentrer sur cet individu. Sans le vouloir, Sakuragi s’inscrit dès les premières pages comme un personnage qui va accaparer l’attention. On a beau avoir des fortes têtes au sein de cette galerie d’individus, c’est justement parce qu’il rejoint la troupe que l’on peut assister à autant de situations surréalistes et explosives. C’est pour ça que cet adolescent, plus que d’être la figure principale de son histoire, est l’élément déclencheur qui va totalement chambouler l’avenir de ses nouveaux coéquipiers. On est donc face à un personnage qui ne subit pas l’intrigue, mais qui va justement l’écrire lui-même par ses actions et cet objectif de base qui va ensuite évoluer au fur et à mesure de son ascension. C’est ce rapport entre le héros et le scénario qui va faire de ce lycéen un cas à part, car une simple décision de sa part va façonner son avenir comme jamais il ne l’aurait imaginé. Un être qui va nous faire passer par bien des états tandis que l’on observe ses débuts et sa progression.
Un personnage conçu pour énerver
Ce titre peut sembler étrange, mais il est important de voir comment l’auteur a souhaité représenter son protagoniste au commencement de son histoire. Comme dit un peu plus haut, il n’est qu’une sorte de voyou s’étant lancé dans cette aventure que pour souhaiter séduire la demoiselle qui a fait chavirer son cœur. Cependant, c’est loin d’être les seuls points qui vont caractériser ce jeune homme tout au long de Slam Dunk. Dans un sens, on veut nous montrer un étudiant qui ne semble pas avoir sa place sur un terrain de basket. Grande gueule et loin d’être modeste, Sakuragi peut rapidement éveiller l’énervement chez le lecteur. Après tout, ces premiers pas dans le monde du basket sont loin d’être reluisants. Alors que les autres tentent de faire de leur mieux pour se hisser au top de la compétition, cette nouvelle recrue va apporter son lot d’ennuis. Cela peut paraître étrange de créer une figure principale qui soit loin d’être unanime au départ. Tiraillé entre l’envie de lui mettre quelques claques et de voir ce dont il est vraiment capable, l’auteur a su créer un juste équilibre. Il ne faut pas croire que ce protagoniste a juste été créé pour offrir une sorte de frustration initiale chez le spectateur. C’est justement intéressant de voir pourquoi il a été pensé pour être comme ça. En réalité, Sakuragi n’est pas un mauvais bougre et va le démontrer petit à petit de notre avancée dans l’histoire. Ses motivations initiales s’évaporent de notre esprit au fur et à mesure des rencontres, car on voit un gars qui a de l’énergie à revendre et surtout une horreur de perdre.
Deux qualités importantes qui ne vont pas lui permettre de briller directement sur le terrain, mais de compenser cette attitude parfois trop envahissante et néfaste pour ses équipiers. D’ailleurs, il est pertinent de s’attarder sur le rapport qu’il y a dans les premiers chapitres entre notre jeune joueur et ses aînés. De prime abord, ils semblent très réfractaires, notamment ce cher capitaine, à accepter un tel novice dans leurs rangs. Malgré tout, ils finissent par le prendre avec eux, mais cela ne va faire qu’accentuer cette colère de le voir faire n’importe quoi en dépit des conseils des anciens du club. On pourrait même avoir cette sensation d’irrespect qui vient ajouter encore plus d’agacement chez le lecteur. Pourtant, il y a quelque chose qui se passe. Cette brute, qui a franchi la porte du gymnase, dégage une aura qui nous donne envie d’aller au-delà de ses multiples frasques. Il est animé de ce feu que chacun peut avoir quand il fait face à une épreuve qu’il faut surmonter. Peu importe les chutes, les erreurs ou les remontrances, il ne détale jamais malgré certains doutes. Le novice réussit alors l’exploit à transformer le moindre geste de base en un événement incroyable. Comme si toutes ces petites victoires avaient une importance considérable dans son développement. Le reflet de ce qu’il est en train de devenir et qui symbolise à merveille l’être désireux de transformer une activité, peu importe sa nature, en une passion dévorante. On finit forcément par changer notre regard sur cette jeune pousse qui va grandir au fil de ses rencontres et du combat mené contre les autres, mais aussi ses propres faiblesses. Voilà un personnage principal qui part de loin pour mieux nous raconter la beauté de chaque marche franchie jusqu’à l’accomplissement d’un rêve dont il n’a même pas encore conscience.
Un être en constante évolution
Par rapport à l’état de départ de Sakuragi, cela a aussi un autre impact considérable sur le reste de l’aventure. En effet, le fait qu’il soit totalement ignorant du monde du basket ne peut que rendre son développement encore plus captivant. En démarrant de zéro, il est obligé d’aller de l’avant et c’est pour ça que chaque petite réussite de sa part résonne comme une immense victoire. On n’est pas encore dans l’optique de voir un joueur de talent en lui-même s’il se plaît à exprimer son soi-disant génie. On est là pour assister à la naissance d’un sportif accompli qui doit progresser en accumulant les connaissances, mais aussi les techniques les plus élémentaires du basket. Une courbe qui va constamment monter et transformer cette incompréhension des premières heures en un frisson qui ne nous quittera plus jamais. Takehiko Inoue donne vie à un être humain qui parvient à changer la donne par rapport à sa force de conviction et surtout sa volonté inébranlable de vaincre ses adversaires. Le basketteur de talent de la fin de série n’a atteint ce stade qu’au fil d’un nombre impressionnant d’épreuves et c’est justement en écrivant un protagoniste qui évolue constamment que l’on commence à ressentir une admiration sans borne pour lui. Bien sûr, il reste cette tête brûlée qui n’hésite jamais à se moquer de son rival ou bien à faire des erreurs, mais sa progression est telle que l’on entrevoit enfin tout son potentiel. Sa taille et sa faculté à rebondir sont ses principales armes pour se démarquer, mais ce qui fait vraiment de lui un joueur à l’immense potentiel est sa hargne.
Il a beau continuer, tout au long du manga, d’afficher ce petit air imbu de lui-même à chaque fois qu’il réussit quelque chose, cela finit par s’inscrire comme faisant partie de son personnage. On finit même par rire de tout ça et de ses réactions dès lors qu’une action ne va pas dans son sens. Le basket va devenir pour lui un terrain de jeu où il va mûrir et s’épanouir pleinement. Le délinquant qui passait son temps à se battre et à draguer laisse place à un sportif qui apprend de nombreuses valeurs et va mener un combat bien plus grand que la plus violente des rixes. Même quand tout semble perdu, il est celui qui ne baisse jamais les bras et va ainsi endosser un autre rôle au sein de l’équipe. Sakuragi est un soutien indéfectible pour ses partenaires qui ne peuvent accepter qu’un nouveau venu puisse être plus déterminé qu’eux. Cet adolescent amène et transmet son courage et sa force aux autres. Son physique devient progressivement une arme redoutable sur le parquet tandis que la flamme qui brûle dans ses yeux offre la motivation nécessaire pour surpasser chaque obstacle. Notre regard, qui se portait au commencement vers un lycéen problématique, s’élargit pour montrer toute l’étendue de ses capacités. En partant de zéro, on assiste à la naissance d’une légende et cela nous donne autant un sentiment de privilège que d’avoir assisté à ses progrès qu’une magnifique leçon de dépassement de soi. C’est ainsi que les huées et moqueries du début se transforment en des cris de joie et des encouragements pour ce diamant brut qui est poli un peu plus à chaque match.
Un véritable génie
La notion de génie est très importante dans Slam Dunk et autour du personnage de Sakuragi. Quand on parle d’un petit prodige, la première chose qui nous vient à l’esprit est quelqu’un de naturellement doué dans une activité précise. Il semble de base fait pour accomplir de grandes choses dans un domaine de prédilection. C’est là que notre jeune protagoniste débarque et qu’il crie à qui veut bien l’entendre qu’il fait partie de cette catégorie d’individus. On nous montre alors rapidement que c’est loin d’être le cas en ce qui concerne le basket au vu de ses multiples erreurs et échecs. On pourrait se dire qu’il n’est qu’un beau parleur, mais la vérité est bien différente. A aucun moment il n’est fait allusion qu’il soit un génie de ce sport. Il dit juste qu’il en est un et que rien ne peut venir entraver sa route. On tombe donc non pas dans une activité précise, mais de manière générale. Mais dans ce cas, en quoi Sakuragi serait-il un génie ? C’est la question que l’on se pose pendant une bonne partie de l’aventure avant que la réponse ne finisse par apparaître comme une évidence. Il est un prodige de l’effort. Peu importe les raclées qu’il se prend ou les défaites amères qu’il doit subir, a aucun moment son feu intérieur ne faiblit. Au contraire, tout ça va le pousser à aller encore plus loin dans son entraînement et sa progression. Cela peut paraître paradoxal, mais c’est justement par sa faculté à ne jamais abandonner et à se dépasser qu’il est génial. Les mots qu’il répétait sans cesse dans les premiers chapitres résonnent alors différemment quand on les entend maintenant.
Ce titre autoproclamé lui va alors à merveille, car dès l’instant où il le dit, c’est pour montrer que rien ne le fera changer d’avis. On est témoin de sa conviction et de la force de son mental dans une compétition dont il ignorait tout il y a encore peu de temps. On peut donc le dire haut et fort, Sakuragi est bel et bien un génie. Un prodige, mais dans une approche différente de ce que l’on pouvait penser et qui est très représentatif de ce que Inoue désire transmettre à travers ce personnage. En effet, le mangaka ne veut justement pas montrer un homme talentueux dès le départ. Il veut prouver que l’on peut tous accomplir de grandes choses et devenir un génie si l’on décide de ne rien abandonner. Ici, cela concerne le basket, mais cela aurait très bien pu s’appliquer à un tout autre domaine. C’est pour ça que l’on finit par s’attacher énormément à cet adolescent qui prouve qu’il est capable d’accomplir ce qu’il dit. Un individu lambda ayant juste quelques prédispositions de base pour ce sport, mais qui a vraiment su s’élever dans la compétition uniquement grâce à la sueur versée. Quand on le regarde, on est en admiration devant lui, car il pourrait très bien être n’importe qui. Ce protagoniste est une leçon de courage et de détermination à lui seul. Quand on lit Slam Dunk et qu’on assiste à son parcours, on ne peut s’empêcher de ressortir de cette lecture en se disant que l’on peut aussi arriver à nos objectifs. Sakuragi est celui qui a allumé le feu de ses coéquipiers, mais qui a aussi transmis sa force de caractère à tous ceux qui ont croisé sa route, qu’ils soient fictifs ou bien réels.
Sakuragi enchaîne les paniers
Slam Dunk est le récit d’une équipe qui parvient à surmonter chaque épreuve à force de sueurs et de larmes. Les échecs font partie intégrante de l’évolution de chaque joueur et Sakuragi le représente à merveille. Alors que l’on pouvait le trouver quelque peu insupportable, au départ, de par son caractère énervant et souvent imbu de lui-même, il a su prouver que ses dires étaient vrais. Au fil de chaque match, il a redoublé d’efforts plus que n’importe qui pour passer d’un voyou qui n’y connaissait rien au basket en un atout considérable pour ses coéquipiers. L’image des premiers chapitres s’efface peu à peu tandis que l’on ne peut s’empêcher de vibrer à chaque action de ce sportif accompli. Le fameux génie autoproclamé a mis tout le monde d’accord, mais pas comme on pouvait le croire. Il n’est pas un pro du basket comme peut l’être son éternel rival. Il est un champion de l’effort et il parvient à transformer toutes les victoires et frustrations en un marche-pied pour atteindre de nouveaux sommets. Ce n’est pas pour rien que Sakuragi est un personnage devenu iconique dans le monde du récit sportif, mais aussi dans la culture manga. Takehiko Inoue a donné vie à un individu auquel on peut tous s’identifier, car la seule chose qui le démarque des autres est sa taille et son attitude de délinquant. Tout ce qui l’anime ensuite n’est pas la propriété d’un seul être. On peut tous avoir cette envie de repousser nos limites et surtout de tout donner pour ce que l’on aime. Un adolescent qui nous donne envie de se surpasser et qui montre que malgré les chutes et les doutes, il y a toujours la possibilité de trouver la lumière au bout du tunnel.
La réussite n’en est alors que plus belle et c’est ainsi que le loubard agaçant se transforme en un basketteur émérite qui laisse son empreinte chez tous ceux qui ont croisé sa route. C’est pour ça qu’à nos yeux, Sakuragi est un personnage inoubliable et surtout une figure importante de l’univers manga. Un protagoniste qui véhicule des valeurs fortes et qui n’est en réalité qu’un homme motivé par certaines raisons discutables et qui va entamer une transformation fabuleuse tout au long de son périple. C’est pour tout ça que l’on avait envie de dédier cette chronique à ce grand gaillard qui a fait frissonner tant de lecteurs à travers ses actions. Les autres joueurs brillent aussi sur le terrain, mais celui qui finit toujours par attirer notre regard et ce lycéen qui a su faire naître la passion du basket au plus profond de lui. Cela aurait pu être une toute autre activité, mais le message serait resté le même et tout aussi efficace. Si la beauté de ce sport est parfaitement représentée au sein de cette série, c’est bel et bien le récit de cet individu qui nous happe tellement. Un épanouissement unique en son genre et qui est à la fois d’une sincérité déroutante et d’une ardeur communicative. En le voyant s’élancer pour marquer et avoir le rebond, on se dit que tout est possible. Un personnage de fiction qui pourtant est capable d’avoir une grande influence dans le monde réel pour beaucoup de gens. On espère donc que cette chronique vous aura plu et qu’elle aura su retranscrire toute la beauté qui se cache derrière l’écriture de Sakuragi le génie. N’hésitez pas à nous dire dans les commentaires votre propre avis sur ce dernier et sur ce qu’il est parvenu à vous faire ressentir.
© 1991 Inoue Takehiko