Tatsuki Fujimoto

Anthologie 17-21 : un recueil en disant long sur Tatsuki Fujimoto

On le sait, il y a un nom qui revient très souvent depuis maintenant quelques années dans le milieu du manga. Un auteur qui a su marquer l’esprit de nombreux lecteurs à travers le monde et qui nous a délivré des séries très fortes et symboliques. Il s’agit de Tatsuki Fujimoto dont l’ensemble des travaux sont édités chez Kazé. Après l’excellent Chainsaw-man et son fameux one-shot Look Back, la maison d’édition voit son catalogue s’enrichir d’un autre titre très singulier du mangaka. Il s’agit de la première anthologie autour de ce dernier et qui regroupe quatre de ses nouvelles qu’il a écrites entre ses 17 et 21 ans. Une occasion en or de se pencher sur les premiers écrits de cet artiste dont le regard sur son art est très propre à son expérience personnelle. Un constat que l’on ressent pleinement en s’aventurant dans ces petites histoires qui arrivent à transmettre une partie de la personnalité de leur créateur. On s’est donc dit qu’il serait intéressant de se pencher succinctement sur chacune d’entre elles afin de voir ce qui se cache derrière. Il est donc grand temps de reparler de cet homme ayant écrit son nom dans la mémoire de beaucoup de gens.

Deux poules au fond du jardin

17-21 - Tatsuki Fujimoto

La première histoire que l’on aborde nous conte le récit de la Terre qui fut envahie par une race extraterrestre et où une grande partie de la population a fini dans l’estomac de ces envahisseurs. On suit deux survivants qui ont trouvé pour unique moyen de survie de se déguiser en poule pour tromper l’ennemi. Si l’idée de base peut prêter à sourire, cette première nouvelle parvient pour autant à traiter de sujets intéressants. En fait, le côté un peu décalé de ce contexte initial correspond bien au style de l’auteur qu’il va perfectionner au fil des années. Une approche pouvant paraître loufoque, mais qui parvient à raconter quelque chose de bien plus fort qu’on ne pourrait le croire. Ici, il arrive à nous faire nous poser des questions sur cette fameuse chaîne alimentaire en nous montrant que l’Humanité subit tout simplement ce qu’elle a pu faire à toutes les espèces vivant sur cette planète. Une forme de suprématie qui finit par voler en éclats afin de nous montrer que rien n’est jamais écrit dans le marbre et que l’on peut toujours tomber sur plus fort que soi. En dehors de ça, il parvient aussi à nous raconter cette possibilité que même au sein de deux camps s’affrontant à mort, il peut y avoir des liens qui se forgent. Il y a toujours cette approche très sombre et même un peu désespérée de l’être humain qui s’exprime à travers ces dessins, mais tout en essayant pourtant d’apporter quelques éléments pouvant briser cette triste réalité. Un regard très spécifique sur l’homme qui va grandement se faire ressentir tout au long de son parcours et au sein de ces dessins. Ces deux “poules” ont vécu dans la peur et ont pourtant su faire front pour survivre ne serait-ce que quelques jours de plus. Une forme de message de tolérance sur fond de fin du monde.


L’élève Sasaki a arrêté une balle

Concernant cette nouvelle, il est question du personnage de Sasaki, un étudiant lambda, mais qui semble avoir une profonde affection pour son enseignante. Malheureusement, un tragique événement va venir bousculer son quotidien et peut-être mettre un terme à ces instants de bonheur. Quand on s’arrête quelques minutes sur cette histoire, il y a quelque chose qui nous frappe rapidement. Il s’agit du thème traité et du fait que rien ne semble impossible. Même les rêves les plus fous peuvent se réaliser si l’on met toute notre conviction avec aussi une bonne dose de chance. Cela est parfaitement représenté avec le principal problème qui va se dresser devant cet élève et son professeur. Quelque chose de surréaliste va avoir lieu, mais va alors entraîner une succession de décisions qui vont profondément marquer la vie de certaines personnes. Un sujet très spécifique et qui résonne assez bien avec le style de l’auteur. On sent que ce récit a grandement compté pour lui et a aussi eu un profond impact sur son existence. Un peu comme si le personnage de Sasaki pouvait être un reflet de ce qu’il serait capable de faire. Mais Tatsuki Fujimoto conserve cette approche très désespérée de la nature humaine pouvant pousser certaines personnes à commettre l’irréparable. Un sujet qui revient encore ici même s’il est question d’espoir et de conviction tout au long de ces quelques cases. Comme le dit si bien l’auteur à la fin de cette courte aventure, il s’agit d’un projet pour lequel il a énormément d’affection. Une approche très personnelle de l’homme où les rêves sont encore permis même quand tout semble s’effondrer autour de nous. Un style en construction et qui se cherche encore sur certains points, mais qui parvient aisément à transmettre son message.


L’amour est aveugle

Alors voilà sûrement la nouvelle qui nous a le plus marqué même si elle ne semble pas aussi profonde que les autres. On y suit l’histoire d’un adolescent désireux de déclarer sa flamme à la personne qu’il aime et peu importe ce qui se passe autour de lui. Un récit pouvant paraître basique, mais qui va réussir à nous happer par rapport à ce que Tatsuki Fujimoto parvient à y incorporer. Ici, on aborde le sujet de ces œillères que l’être humain peut avoir quand il souhaite ardemment atteindre son but. Cela s’exprime à merveille au sein de ces cases avec ce garçon qui a du mal à se lancer et qui se moque royalement des dangers qui l’entourent, car il a décidé que c’était le grand jour. Une histoire pouvant prêter à rire, mais qui a su parfaitement capter ce que l’on peut faire par amour ou même quand on se fixe un objectif dans la vie. On cherche à tout prix à l’atteindre même si cela nous pousse parfois à faire abstraction de ce qui nous entoure. Cela est autant une bonne et une mauvaise chose comme le montre si bien ce conte. Une forme de détermination extrême qui peut susciter l’admiration, mais aussi nous faire oublier toutes formes de dangers ou même de changements dans notre environnement. Il s’agit sûrement de la nouvelle la plus légère de l’auteur, mais qui nous apporte aussi une profonde réflexion sur nous-même. Il faut parfois foncer tête baissé pour ne pas louper une chance en or et ce duo que l’on suit ici en est une parfaite représentation. Un récit qui peut se lire dans deux sens différents et qui montre ainsi tout le talent de cet artiste pour écrire une histoire qui aurait pu être raccourcie, mais qui tire justement sa force de tous ces petits détails qu’il a pu rajouter. Un beau coup de cœur pour ce passage qui nous aura donné matière à sourire et à réfléchir.


Shikaku et la vision de Tatsuki Fujimoto

Cette dernière nouvelle nous raconte l’histoire d’une jeune femme qui s’avère être la tueuse à gages la plus redoutable et dont le contrat du moment lui demande de tuer un vampire. Encore un scénario assez farfelu de la part de Tatsuki Fujimoto, mais qui est loin d’être anodin dans ce qu’il raconte. Une fois encore, on y retrouve cette forme d’obsession sur la nature humaine qui ponctue chaque œuvre. Cela se ressent totalement dès les premières pages quand on plonge dans le quotidien de cette demoiselle. Un enfant rejeté par ses propres parents de par ses agissements et qui surtout ne sait pas réellement ce qui est bien ou mal. On a beaucoup apprécié justement cette présentation des géniteurs de ce protagoniste qui n’agissent aucunement comme ils le devraient. Personne ne lui tend la main jusqu’à ce fameux moment où elle fait face à sa cible. C’est finalement par le surnaturel qu’elle parvient à trouver une forme de bonheur même si cela implique de se confronter au monde entier. On aime beaucoup ce rapport au fantastique qui vient s’ajouter et qui est justement le seul moyen d’évasion qu’il reste à cette tueuse hors-pair qui a pourtant conservé une sorte d’âme enfantine. Il suffit de voir son comportement pour se rendre compte qu’en elle se mélange la redoutable meurtrière et cette gamine qui n’a jamais eu la chance de grandir dans un environnement où elle était désirée. Un récit bien plus humain qu’il n’y paraît et où le mangaka arrive toujours à trouver ce juste équilibre entre thèmes bien concrets et un imaginaire captivant. Finalement, quand on s’attarde sur l’ensemble de cette anthologie, on ouvre les yeux sur le fait que Tatsuki Fujimoto a toujours été fidèle à ce style qui lui est propre. Une vision du manga, mais aussi du monde qui se retranscrit à merveille à travers ses dessins et où le pessimisme se mélange à quelques lueurs d’espoir.

N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre vision ainsi que votre ressenti sur cette première anthologie de Tatsuki Fujimoto. Trouvez-vous que toutes ces petites histoires retranscrivent bien la personnalité de cet auteur si atypique dans son approche du manga ?  On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet captivant.

© 2011 Fujimoto Tatsuki, Shueisha

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