Semaine du Shôjo : Une grande diversité
C’est la semaine du Shôjo lancé par Club Shôjo qui m’a très gentiment proposé de participer à cet événement en vous proposant une petite chronique sur un thème en particulier. Celui-ci fut “Que préférez-vous dans les shôjo ?”, une question bien complexe étant donné que cela peut englober beaucoup de choses pour ma part. Il est vrai que je n’utilise quasiment plus les termes de classification, car je préfère avant tout m’attarder sur ce qui est raconté à travers ces histoires. Mais il est aussi important de pouvoir jeter un œil sur ce qui peut tout de même attirer le regard ou bien nous séduire dans un manga qui voit le jour dans des magazines de prépublication centrées sur le shôjo. Et je me suis donc dit que je pourrais répondre au thème donné à travers le prisme de plusieurs œuvres que j’apprécie énormément. Car oui, ce que j’aime tout particulièrement, c’est la diversité des sujets abordés par le biais d’angles bien spécifiques. Que ce soit autour de problèmes de société, de développement personnel ou même sur l’utilisation de la fiction pour parler de quelque chose de bien concret, il y a énormément à dire à travers ces nombreuses séries. Il ne faut pas limiter le terme “shôjo” à quelques stéréotypes qui ne sont finalement qu’une infime partie de ce qui peut nous être partagé. Voilà pourquoi je vous propose de vous parler de ce que je préfère dans le shôjo en abordant trois œuvres qui, à mes yeux, reflètent très bien cette diversité dans ce qui nous est conté. Parmi elles, il y aura aussi du josei qui était aussi dans les œuvres que l’on pouvait aussi traiter.
L’émancipation de Miku
S’il y a un point où je trouve que ce type de récit se démarque à merveille, c’est dans le traitement de plusieurs problématiques qui peuvent frapper notre société. S’il y a toujours un point de vue centré sur la culture japonaise, cela n’empêche pas d’avoir une forte résonance dans le reste du monde. C’est, par exemple, ce que j’ai pu ressentir en lisant l’excellent Make up with Mud de Yosikazu. Son récit nous fait suivre Miku, une jeune femme pour qui tout semble aller au mieux étant donné qu’elle a un fiancé aimant et qui s’avère aussi être un bon parti. Mais alors qu’elle a toujours eu envie de se maquiller pour se faire plaisir, son petit ami ne cesse de lui dire qu’il déteste ça et elle accepte sans broncher de mettre de côté cette envie pour que tout aille pour le mieux. Ce n’est qu’après sa rencontre avec Yves, un jeune homme qui se maquille et adore prendre soin de lui, qu’elle va progressivement changer et lutter contre cette ascendance qu’à son fiancé sur sa vie. En fait, ce que je trouve brillant à travers une telle œuvre, c’est qu’elle parvient à traiter d’un sujet très grave, toujours d’actualité et avec beaucoup de sincérité. On ne peut s’empêcher d’avoir envie de dire à Miku de se rebeller, mais c’est aussi tristement représentatif de cette société patriarcale où l’homme se sent au-dessus du reste. Mais ce n’est pas tout. En effet, ce manga n’est pas uniquement là pour parler de ce sujet, mais aussi pour parler du fait que dans le monde dans lequel on vit, il arrive que notre existence ne soit pas dictée selon nos choix, mais selon ce que les autres peuvent penser de nous. Si Miku ne réagit nullement face aux dires de son copain, c’est parce qu’aussi elle évolue dans un environnement où le regard des autres passe avant ce qu’elle peut réellement souhaiter.
Sa famille lui met une sorte de pression en appuyant le fait que son petit ami est un brillant avocat, ravissant et plein d’avenir. Qu’elle doit avant tout penser au bien-être de ce dernier et du cocon familial qu’ils vont construire que des considérations considérées comme futiles pour eux. Et si je trouve ce titre aussi poignant et très représentatif de ce dont je parle dans cette notion de “diversité”, mais aussi de lutte, c’est que l’on fait face à une protagoniste qui va se rebeller, à sa manière, contre tout ça. Même si elle est terrifiée à l’idée de décevoir les autres, elle comprend que la véritable clé du bonheur pour elle est de s’émanciper de cette relation toxique dans laquelle elle s’est enfoncée. On ne va donc pas être uniquement conquis par son évolution. Le lecteur est profondément touché par ce que cette série expose et représente. Une œuvre qui nous invite à penser avant tout à notre bien-être personnel au lieu de se conformer à ce que d’autres souhaite. Une ode à l’épanouissement de chacun et à cette volonté de briser des idées rétrogrades et néfastes qui peuvent encore exister de nos jours. A travers la fiction, l’artiste nous fait ouvrir une fenêtre vers ce monde dans lequel on vit et qui est très loin d’être rose. Une invitation à s’élever contre tout ça et surtout à suivre ce qui nous permettra de nous épanouir pleinement sans penser un seul instant à se conformer aux codes établis par d’autres. Un thème qui peut parler à n’importe qui et qui nous montre que le shôjo ou le josei peuvent porter des messages forts tout en critiquant avec brio et justesse une société qui cherche souvent à étouffer le bonheur de certains. Un manga qui s’ancre dans notre réel et qui nous fait réfléchir tout en ayant envie d’encourager cette demoiselle afin qu’elle soit enfin heureuse et qu’elle puisse faire ses propres choix.
Le combat de Yona
J’ai déjà pu en parler plusieurs fois, mais l’un de mes shôjo préférés est Yona, Princesse de l’Aube. Si j’ai déjà pu me focaliser énormément sur la protagoniste de cette histoire, je trouve aussi que cette œuvre est une parfaite représentation de ce que cette “catégorisation” peut offrir comme incroyable diversité dans l’univers du manga. Avec son monde foisonnant d’excellentes idées, son histoire prenante et surtout sa galerie de personnages, ce titre peut facilement plaire au plus grand nombre. Mais surtout, il nous montre une épopée qui n’a rien à envier à d’autres grosses séries du même genre. On est littéralement emporté dans une lutte de pouvoir qui entraîne cette jeune fille totalement naïve, déconnectée du reste du monde et ayant vécu dans cocon dans un périple pour reprendre ce qui lui a été arraché. Rien que dans le personnage de Yona, on assiste à quelque chose de fantastique et qui va véhiculer une autre valeur importante qui est le fait de se surpasser. Mais il n’est pas question ici de devenir plus fort dans un sens purement fictif et de pouvoir. Dans le manga de Mizuho Kusanagi, on joue justement avec les stéréotypes habituels que l’on peut avoir du “shôjo”. En effet, notre héroïne est, à la base, présentée comme une personne à protéger et qui doit compter sur l’aide de ses gardiens pour survivre. Et pourtant, plus on avance dans le récit et plus on se rend compte que c’est beaucoup plus complexe que ça.
Tout est pensé pour que la terrible épreuve qu’elle va vivre l’amène à briser tout ce qu’elle pensait acquis et de la plonger dans un désespoir sans nom. Elle aurait alors très bien pu craquer et ne pas réussir à avancer. Pourtant, au contact de ses compagnons et surtout animée par cette flamme qui brûle en elle, Yona va faire un pas après l’autre pour devenir une nouvelle personne. Toutes ces épreuves lui permettent de faire ses adieux à la gamine gâtée qu’elle était pour devenir une femme qui prend conscience de la valeur des choses, de l’importance de les protéger et surtout de s’ouvrir à ce qu’il y a en dehors de son cocon doré. Ce titre ne raconte pas uniquement la lutte d’une princesse contre ceux qui ont détruit sa vie. C’est aussi l’histoire d’une demoiselle qui va grandir dans l’adversité et qui va réussir à se transformer pour devenir forte, déterminée et stratège afin de surmonter les futurs obstacles à venir. Et finalement, si ces gardiens sont là pour l’aider à avancer et la soutenir, il y a aussi un rapport donnant-donnant entre les deux. Et je trouve qu’en plus de créer une aventure qui nous prend aux tripes et va nous donner envie d’accompagner ce groupe jusqu’au bout, l’artiste réussit aussi à parler de valeurs fortes et essentielles pour le lecteur. En proposant des personnages, et notamment une protagoniste, qui va lutter et se relever sans cesse, cette œuvre nous montre le fait qu’il est important de toujours se battre pour aller de l’avant et ce malgré l’adversité. Même en étant mal, il faut réussir à se surpasser et aussi pouvoir compter sur ceux qui seront de vrais piliers pour se redresser.
L’expérience Banana Fish
Je vais maintenant basculer vers un tout autre registre tout en restant dans le monde du Shôjo. Je parle bien sûr de l’excellent Banana Fish de Akimi Yoshida qui est un véritable porte-étendard de ce que ce type de manga peut offrir en plus d’avoir derrière lui une artiste culte. Et c’est justement ce que je veux appuyer à travers cette chronique et que j’apprécie tant et que j’ai pu découvrir au fil de mes lectures depuis des années. Le shôjo n’est absolument pas un moule dont va sortir toujours le même type de récit. Au contraire, la diversité y est très grande et il arrive souvent que l’on se lance dans un titre qui soit du shôjo sans même s’en rendre compte. Ici, c’est totalement le cas et je trouve que l’on est face à une histoire tellement prenante et étouffante. La Mangaka nous délivre une histoire qui va aborder des thèmes très durs tout en nous plongeant dans le milieu de la mafia et de la drogue. L’action est là et les personnages que l’on rencontre sont mémorables. Une œuvre qui se présente vraiment comme un thriller qui est à la croisée de nombreux genres. On est autant devant un polar qu’un drame humain tout en ayant le droit à une histoire d’amour mené par un rythme effréné. Et justement, je trouve que les deux protagonistes que l’on va suivre vont réussir à nous transmettre quelque chose de fort. D’un côté, on a un jeune homme qui n’a toujours connu que l’enfer des bas-fonds de ce monde.
Il est passé par tellement d’épreuves que cela l’a endurci tout en ayant créé de nombreuses blessures au plus profond de lui. Et finalement, plus on avance dans le récit et plus il montre ce qu’il y a derrière le visage de chef de gang. Nous sommes avant tout devant un garçon qui n’a pas eu la chance de grandir dans un environnement où il pouvait s’épanouir normalement. La loi de la jungle était l’unique règle et, à contrario, notre autre personnage principal est l’exact opposé. Journaliste et ayant vécu dans un milieu loin d’être aussi sombre que son partenaire, il fait même preuve d’une certaine naïveté et innocence qui peuvent être dangereuses dans le contexte de cette histoire, mais qui va aussi être une source de réconfort pour son nouvel ami. Le premier va retrouver un peu de lumière dans ce monde sombre qui fut le sien tandis que le second va s’endurcir dans le but de protéger la personne qu’il aime. Et ainsi, nous voilà face à une œuvre qui utilise avec brio les codes du thriller et du polar pour véhiculer des valeurs importantes notamment celle de l’entraide, de l’amour, mais aussi de l’amitié. Même face à toute la haine, la noirceur et les horreurs qui vont les entourer, on assiste à un binôme auquel on veut croire et dont on espère jusqu’au bout qu’il parviendra à s’en sortir. Voilà un excellent représentant de ce que peut offrir le shôjo et surtout qui peut capter l’attention de n’importe quel lecteur fan de récit underground. Un manga qui m’a totalement conquis et qui me permet d’aller là où je voulais en venir au sein de cette chronique.
Conclusion
Quand on m’a transmis le sujet de cette semaine du Shôjo, j’ai longtemps réfléchi à la réponse que je voulais donner. Après tout, il est totalement vrai que cette “classification” est loin d’être celle qui attire le plus les foules du fait des préjugés qu’il pouvait y avoir. A la question donc “Que préférez-vous dans les shôjo ?” j’avais envie de partager cette incroyable diversité qu’il existe au sein de ces ouvrages. Une manière de vous parler de ce que j’aime dedans tout en montrant à quel point il ne faut pas se fier à un simple mot pour tout de suite catégoriser une œuvre. Dans le shôjo, il y a autant de la romance que de l’action, du thriller, de l’horreur et de l’aventure. Et c’est finalement tout ce que j’apprécie dans ce genre, mais aussi dans le manga en général. C’est en étant curieux et en tentant parfois un manga, sans même se soucier de s’il s’agit d’un shôjo, josei, shônen, seinen et autres que l’on peut tomber sur de fabuleuses découvertes. Et en plus de ça, je trouve que cette incroyable richesse qu’il peut y avoir dans cette section du milieu manga permet de véhiculer des messages importants centrés sur la tolérance, le courage, l’acceptation de soi et l’épanouissement personnel. Merci à Club Shôjo de m’avoir proposé d’intervenir et de participer à ce petit événement qui permet de parler d’une part malheureusement trop souvent mise à l’écart du manga et qui pourtant recèle de belles histoires à découvrir et pouvant toucher un large public.
Les autres articles de la semaine shôjo
Je vous partage aussi, à la fin de cette chronique, les articles et autres contenus proposés durant cette semaine du shôjo (je rajouterais les liens au fil des parutions) :
- Club Shôjo – Programme de la semaine
- Le bazar de Djado
- Les Blablas de Tachan
- Le Blog Noissapé
- Bright Open World
- Bulle Shôjo
- Le Cabinet de Mccoy
- Les chroniques d’un ange
- Docteur Pralinus
- La forêt des lectures
- Ines-Scarlet
- Lasteve
- Les lectures du Kitsune
- La mangasserie
- Nostroblog
- Le Passeur Lunaire
- Sunread26
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