Kaze no Shô

Kaze no Shô : le dernier combat d’un maître

L’Histoire est un terreau très fertile pour créer bien des histoires. Il suffit de voir le nombre de mangas qui arrivent à retranscrire à merveille ces vestiges du passé au fil des dessins et des récits racontés. Et il est souvent prenant d’admirer comment certains auteurs arrivent à se lancer dans cet exercice en proposant un style qui leur est propre. C’est par exemple le cas pour le titre dont on va parler aujourd’hui et qui nous provient tout droit du catalogue de Panini. Pour être plus précis, il s’agit d’un retour qui s’inscrit dans la volonté de l’éditeur de remettre en avant ses nombreuses œuvres ayant construit leur histoire. Cette fois, il s’agit du one shot Kaze no Shô dont cette nouvelle version se veut plus impressionnante et qualitative. Comme souvent, ces rééditions sont l’occasion de découvrir ou redécouvrir des titres qui ont pu marquer bon nombre d’esprits au fil du temps. En tant que fan de fresque historique, j’avais à coeur de me pencher sur cette nouvelle aventure qui m’était inédite. J’ai alors pu découvrir une épopée abordant des sujets pertinents par rapport à l’époque proposée. L’heure est donc venue de revivre des temps troublés pour ce pays divisé en deux par les idéaux de certains hommes.

Un clown pour un peu d’espoir

On comprend rapidement avec le synopsis de Kaze no Shô que l’on est face à une fresque historique nous plongeant à une période très importante du Japon. Une œuvre qui, en un seul volume, va réussir à nous immerger dans ce conflit opposant ces deux factions aux idéaux diamétralement opposés. En alternant avec brio cette lutte pour le pouvoir et le combat mené par cet épéiste de légende, cette aventure va parvenir à nous impliquer dans ce scénario. Mais derrière ce voyage dans le temps que l’on nous dévoile, cet ouvrage va aussi proposer quelque chose de très intéressant autant sur le plan visuel que sur sa narration.

Un récit historique et politique

Evidemment, Kaze no Shô se présente avant tout comme un récit souhaitant nous plonger dans une réalité historique. De ce fait, le titre se veut particulièrement précis et bien mis en scène pour nous immerger dans cette période du Japon et le conflit qui s’organise. Là, il faut souligner à quel point le trait de Jirô Taniguchi vient parfaitement sublimer notre plongée dans cette ère. Tout y est magnifiquement représenté et cela fait de cet ouvrage autant une histoire captivante à suivre qu’un véritable spectacle visuel. Mais si la forme est particulièrement réussie dans cette mise en scène rappelant cette époque, il est aussi important de s’attarder sur le fond. En fait, si toute l’intrigue tourne autour de cette recherche pour retrouver les fameuses chroniques et nous présenter le combat qui est lié à son appropriation, ce one shot va surtout nous faire voyager en compagnie de cet épéiste de légende. Véritable figure iconique de l’Histoire du pays, Jûbei est un homme qui va autant nous captiver par son talent à l’épée que nous interpeller par la voie qu’il a choisi. En effet, on nous dépeint un homme entièrement dévoué à son art ainsi qu’à son devoir à l’égard de ses maîtres. Un guerrier implacable qui ne recule jamais devant l’adversité et façonne son avenir dans le sang de ses ennemis. Dans un sens, cette lecture va rapidement nous montrer que s’il est un épéiste de renom, cette époque, dans laquelle il vit, n’a finalement que faire des gens comme lui.

Il est simplement un outil entre les mains des puissants et s’il disparaissait, cela serait une perte pour son art, mais nullement pour ces gens qui feraient rapidement leur possible pour le remplacer. Et pourtant, on continue de le suivre en ne voyant quasiment aucune hésitation dans son regard même après avoir été blessé ou se rendre compte qu’il avance seul. Et c’est encore plus flagrant de voir cette vision que les gens ont de lui quand on le voit se confronter à celui qui sera son principal rival dans son histoire. On a beau être dans une intrigue opposant des figures fortes comme le shogun ou l’empereur, tout ce conflit passe avant tout par le représentant de ces deux camps qui seront les seuls à réellement se salir les mains. Opposés par leurs principes et leurs idéaux, ces deux hommes vont constamment s’affronter et nous tenir en haleine en se demandant qui sortira vainqueur autant sur le plan martial que sur sa détermination. On a beau nous présenter des enjeux importants liés à cette quête des chroniques, nous sommes avant tout devant une fresque guerrière opposant la vision de deux hommes qui ont dédié leur vie à l’art de l’épée. L’un reste inflexible, solide et froid comme la glace tandis que l’autre brûle d’un feu qui peut tout consumer et qui représente son envie de changer les choses. Il est alors remarquable de voir à quel point ce one shot réussit à nous intéresser à leur histoire et à faire quasiment fi de cette lutte de pouvoir pour s’attarder sur ceux qui mènent vraiment ce combat. Des hommes qui savent pertinemment que peu importe la raison pour laquelle ils se battent, la finalité de cette voie qu’ils ont choisi les guidera forcément à mourir l’arme à la main.

Il est remarquable de voir à quel point notre duo d’auteurs va réussir en un ouvrage à nous faire vibrer au contact de ces guerriers qui ne sont que le bras armé de puissants désireux d’imposer leur vision du pouvoir. Au milieu de cette lutte opposant ces deux forces se trouvent des hommes qui s’entretuent pour des raisons qui les dépassent parfois ou pour un devoir qui guide leurs pas. Mais c’est en plein cœur du chaos et du champ de bataille que ces combattants vont finalement se rendre compte que s’ils luttent pour des objectifs pouvant sembler grandiose, la finalité de leur voie les mènera inéluctablement au même destin funeste.

Kaze no Shô tranche dans le vif

Il est vrai que quand on voit un grand nom comme Jirô Taniguchi sur un titre, on se demande ce que va bien pouvoir nous raconter l’auteur. Surtout que l’on touche ici à une œuvre qui change assez drastiquement de ce que l’on peut connaître concernant ce talentueux dessinateur. Finalement, Kaze no Shô est une excellente surprise qui n’a absolument pas besoin de plus pour nous séduire. Avec son immersion réussie dans cette époque troublée du Japon, la représentation du conflit entre les deux grands pouvoirs de cette période et la symbolique de nos deux guerriers, il y a énormément d’éléments à décortiquer tout au long de cette lecture. En plus de ça, le titre arrive à combiner habilement une riche description des événements propres à ce voyage dans le temps et des moments où les visuels parlent bien plus que des mots. N’ayant pas eu l’occasion de me pencher sur la précédente version, je suis content de voir à quel point Panini a su proposer un ouvrage de qualité pour ce retour et qui met en lumière toutes les qualités visuelles et scénaristiques de ce manga. Un one shot qui arrive autant à nous tenir en haleine dans ses phases d’action que nous captiver quand la politique et les discours prennent le relais. Mais surtout, cette fresque historique est l’occasion de s’attarder sur le parcours de deux combattants aux antipodes l’un de l’autre et qui pourtant vont mener le même combat pour assurer leur vision de l’avenir. L’un se bat par sens du devoir tandis que l’autre lutte pour des idéaux auxquels il croit. Des personnages qui arrivent à nous donner le sentiment d’être le témoin de quelque chose d’exceptionnel et surtout d’une confrontation qui marquera à jamais leur vie et leur vision du monde.

J’ai donc eu un énorme coup de cœur pour cette lecture de Kaze no Shô. Que ce soit en tant qu’amateur de récit historique ou bien pour ses nombreuses forces, cette histoire a énormément de choses pour plaire et séduire les lecteurs. Mais c’est surtout dans sa représentation du guerrier et la manière dont ils luttent pour le rêve de certains tout en restant fidèle à leurs principes qui rend cette aventure aussi unique. Ce qui nous est présenté comme une lutte entre deux pouvoirs fragilisés finit par se recentrer sur deux êtres menant le combat et qui se battent pour ce qu’ils croient juste sans pour autant se dissocier de ce rôle d’arme humaine qu’ils sont finalement. On finit alors par en oublier toutes ces manigances et jeux politiques pour se concentrer sur quelque chose qui nous parle directement à savoir l’humain. Voilà donc une recommandation qui plaira aux amateurs d’Histoire, mais aussi à ceux qui veulent une épopée courte, sublime et aussi dramatique dans ce qu’elles racontent autour de ces épéistes. Il n’est alors pas question de questions étant donné que tout se termine ici, mais je ne peux m’empêcher de refermer cet ouvrage en ayant une forte pensée pour ces deux hommes qui ont lutté bec et ongles au nom d’autres gens. Les règnes peuvent facilement disparaître tandis que ceux qui combattent en restant fidèle à eux-mêmes perdurent à travers les âges. Un petit bijou que je suis content d’avoir pu découvrir à travers cette nouvelle édition.

N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant Kaze no Shô. Trouvez-vous que le duo derrière cet ouvrage réalise un formidable travail pour nous représenter cette ère chaotique ? Appréciez-vous ce savoureux mélange entre politique et action qui va se construire autour de ces grandes figures historiques ? Avez-vous été bluffé par la puissance et l’élégance qui se dégagent des confrontations armées ? Est-ce que ce one shot parvient, à vos yeux, à retranscrire avec brio cette confrontation idéologique au travers de ses personnages ? Je reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.

KAZE NO SHO © 1992 KAN FURUYAMA, JIRO TANIGUCHI (AKITASHOTEN JAPAN)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *