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Ruwanda, le démon au visage d’enfant

Avec l’arrivée du tome 3 de From the Red Fog chez Panini, j’avais envie de parler d’un sujet qui me tenait à cœur. En effet, c’est durant le mois d’octobre que j’ai pu évoquer la figure de l’enfant dans le genre du manga horrifique. Dans ce domaine, ce titre se démarque tout particulièrement au travers de Ruwanda, son personnage central. On s’est donc dit qu’il serait pertinent de dédier une chronique entière à cet enfant qui nous donne tellement de frissons. En plus de nous offrir un récit haletant, il est crucial de se pencher sur cet individu qui va être au centre de la tourmente. Un jeune homme au regard angélique, mais qui cache au plus profond de lui un démon qui fut cultivé dès sa naissance. A travers cette série, c’est toute la figure de l’enfant qui est détruite pour donner vie à un être qui brise les codes et surtout transforme un symbole d’innocence en une menace bien concrète. On est alors à la merci de ce dernier qui nous tient entre ses griffes pour que l’on assiste impuissant à sa volonté de détruire les dernières parcelles d’humanité qui peuvent sommeiller au fond de lui. Voici donc l’histoire d’un jeune garçon qui aurait tant voulu connaître une vie banale.

Un garçon ayant grandi dans le sang

From the Red Fog T1 - RuwandaAvant toute chose, il est important de se concentrer sur les origines de Ruwanda pour pleinement cerner ce qui a pu causer cette dérive. Ayant vu le jour dans les bras d’une redoutable tueuse en séries, ce jeune garçon n’a jamais eu de réelles preuves d’amour de la part de sa génitrice. Enfermé dans le sous-sol de sa maison et n’ayant pour seule compagnie que ses nounous et les cadavres laissés par sa mère, on se rend compte de l’horreur d’un tel environnement. Dès sa naissance, la mort n’a eu de cesse de lui tourner autour et la seule figure maternelle qu’il avait était responsable de toutes ces souffrances. Cependant, assez rapidement dans la série, on peut apercevoir que sa mère arrive à faire preuve d’une forme d’amour pour son fils quand celui-ci montre sa chute de plus en plus grande dans les méandres de l’âme humaine. Cela passe par le meurtre de ses femmes s’occupant de lui et aussi par la disparition des corps qui pullulent dans cette demeure. Ainsi, on nous dépeint rapidement une relation malsaine entre une mère qui encourage les actes innommables de sa progéniture et un garçon qui n’a que ça comme forme d’intérêt de la part de sa seule famille. Quand on voit ça, on a beau être dégoûté des crimes commis par Ruwanda, on ne peut s’empêcher d’être triste à son égard. Juste en observant cette introduction, on se dit que tout ça aurait pu être différent s’il avait pu grandir dans une autre maison.

Ainsi, le mangaka parvient à créer une situation assez sensible pour le lecteur qui n’est pas encore pleinement conscient du mal qui grandit dans le cœur de Ruwanda. Dès lors que l’on assiste à l’événement qui va le pousser à découvrir le monde extérieur, on peut se dire que c’est l’occasion rêvée pour lui de connaître un nouveau départ. Pourtant, si sa vie a commencé dans le sang, cette évasion va aussi se teinter de rouge. A peine fait-il la connaissance d’étrangers qu’il entre en contact avec ce qu’il y a de pire chez l’être humain. Des gens qui veulent profiter de lui, d’autres enfants qui martyrisent les plus faibles et même des tortionnaires. L’espoir que l’on pouvait espérer pour lui s’évapore et l’on voit de plus en plus le monstre prendre la place de ce garçon. On voit ainsi comment la scission s’opère entre ce tout petit brin d’innocence qui pouvait subsister et ce mal qui ronge de plus en plus celui-ci. Plus les chapitres passent et plus il s’engouffre dans cette voie dont il ne pourra plus jamais revenir. L’appel du sang et ses pulsions se font de plus en plus grands et l’on assiste à ses actes à la fois empli d’une profonde détresse et d’un désespoir sans nom. Un terreau corrompu où ce n’est pas un enfant qui en est ressorti, mais un démon ayant trouvé la plus redoutable des apparences. Mais l’effroi ressenti ne s’arrête pas là tant l’écriture de Ruwanda est intelligemment pensée pour appuyer cette descente aux enfers. En espérant que ce gamin soit sauvé, on se rend compte à quel point il est déjà bien trop enfoncé dans cette obscurité.

Quand on voit le passé de Ruwanda, on ne peut qu’être profondément attristé par ce qu’il a vécu. Il a beau nous délivrer un spectacle macabre, la série arrive pourtant à nous proposer des scènes qui nous font comprendre que tout ça aurait pu être évité. On est alors confronté à un petit être qui cache bien son jeu et qui arrive à nous offrir ce mélange d’effroi et d’empathie si spécifique à son attitude. Un véritable petit démon ayant grandi au contact d’une sorcière prenant un malin plaisir à le voir sombrer dans les ténèbres de l’espèce humaine. Un triste sort qui va venir briser toute forme d’innocence chez lui.

Plus de place pour l’innocence

Ce titre résume plutôt bien ce qui fait une grande partie de l’intérêt de Ruwanda. Un personnage qui va, dès sa sortie vers le monde extérieur, enchaîner les crimes. Il est vrai que l’auteur veut nous montrer un monde qui se veut particulièrement sinistre. On en vient même à se demander s’il n’y a pas que des monstres au sein de cet environnement. Mais s’il y a un passage qui va montrer le terrible cap qu’a franchi notre jeune garçon dans sa diabolisation, c’est bel et bien quand il est recueilli dans l’orphelinat. Avant même qu’il n’intègre cette organisation criminelle qui va faire s’épanouir ses pulsions meurtrières, ce passage va être celui qui va nous déchirer le coeur, car on ressent ce petit brin d’humanité qui reste encore au plus profond de ce gamin. Alors que l’on voit notre jeune protagoniste observer silencieusement les autres enfants qui harcèlent une autre gamine, on sent que quelque chose se trame au plus profond de son esprit. Ce n’est qu’en voyant ce qu’il fait à l’un des autres orphelins que l’on prend pleinement conscience de ce qui l’habite. Il nous montre qu’il n’a que faire de s’attaquer à un être humain même s’il s’agit d’un enfant. En fait, il ne fait absolument aucune distinction de ce genre et il voit le monde entier comme un terrain de jeu où il peut satisfaire ses pulsions mortelles. C’est alors qu’il met en place son plan qui va transformer ce lieu en un véritable enfer. 

On arrive alors à cette scène qui va nous déchirer le cœur, mais aussi prouver tout le talent de l’auteur dans l’écriture de Ruwanda. Les morts semblent innombrables et le père chargé de l’endroit assiste à ça totalement dévasté. Lui qui a tendu la main à ce garçon ne s’est pas rendu compte qu’il avait invité le loup dans la bergerie. On assiste alors au face-à-face entre les deux et même face aux actes de ce démon qui habite le cœur de cet enfant, l’adulte fait preuve de tristesse et de bienveillance à son égard. Sûrement le seul être humain à avoir apporté un peu de lumière dans la vie du personnage central et qui va habilement le montrer. En un simple regard, on est pris à la gorge en voyant qu’il est aussi capable d’éprouver du chagrin par rapport à ce qu’il a commis. Il le dit lui-même qu’il est trop tard maintenant et ces quelques mots viennent assommer son interlocuteur ainsi que le spectateur. Il est parfaitement conscient de ce qu’il est devenu et se laisse dévorer par ce monstre, car c’est le seul mode de vie qu’il a connu. Voilà la redoutable force de l’écriture de ce protagoniste. Un ennemi qui peut filer des cauchemars à tous ceux qui croisent sa route, mais qui se présente aussi comme une victime de sa mère et de cette société où les bêtes prennent l’apparence d’hommes et de femmes. En un battement de cils, Ruwanda transforme ce qui aurait pu être son unique espoir en un brasier incandescent d’où crépite le dernier souffle de nombreuses âmes.

Avec Ruwanda, on ne s’arrête pas uniquement à un protagoniste qui est là pour nous emmener dans les bas-fonds de ce monde. On est face à un personnage qui vient briser l’image que l’on a de la figure de l’enfant pour mieux la détourner et en faire une menace plus puissante que le plus terrible des ennemis. C’est en étant conscience du monstre qui se cache derrière cet air innocent que l’on angoisse à l’idée de ce qu’il est capable de faire dans son escalade de violence. Un jeune homme qui a su imposer sa soif de sang sur une ville qui n’en est pas à son premier démon.

Ruwanda et ce monde tragique

From the Red Fog T3 - RuwandaEn conclusion, on ne peut s’empêcher d’être captivé par l’écriture dont fait preuve l’auteur à l’égard de son personnage principal. Un jeune garçon qui grandit parmi les loups et montre une obscurité qui est bien plus forte que toute celle de ces monstres. Le plus fort ici est justement d’avoir su briser l’image de l’innocence que représente la figure de l’enfant pour en faire une source d’effroi et d’horreur. Pourtant, et c’est sûrement ce qui est le plus fort, il y a cette part du lecteur qui a envie de croire en un maigre espoir de rédemption pour Ruwanda. Un jeune homme qui arrive à montrer des petits instants émouvants qui résonnent encore plus fort quand on prend conscience de tout ce qu’il a traversé. Il a beau être un démon aux yeux de tous, on voit très bien que le fantôme de sa mère est profondément ancré dans son esprit. Une sorte de malédiction qui le pousse à chercher continuellement un amour maternel qui n’a jamais existé dans le sang et la mort. From the Red Fog est une saga qui joue très bien sur la noirceur qui anime chacun de ses acteurs. Bien sûr, elle varie d’une personnalité à l’autre, mais on est en contact direct avec ce qu’il y a de pire chez l’être humain. Ce gamin en est le parfait exemple et on ressasse tout ce parcours que l’on a déjà pu vivre à ses côtés en se demandant si tout ça s’arrêtera un jour. Si l’on suit cette excellente série, c’est autant pour son scénario que ce protagoniste qui nous terrifie et dont pourtant on ne peut que souhaiter qu’il puisse enfin trouver de l’espoir.

Je tenais absolument à parler de Ruwanda, car il est un très bon exemple de ce qu’il est possible de faire pour venir briser cette aura d’invulnérabilité que peuvent avoir certains types de personnages. Là où les enfants sont synonymes d’innocence et d’un besoin de protection, ici on a le droit au prédateur ultime qui devient une menace pour tous ceux qui croisent sa route. Il reste encore quelques tomes à la série pour développer encore plus l’écriture de cet acteur, mais il est déjà important de souligner tout ce qui a bien pu être réalisé en si peu de temps. Un mangaka qui a parfaitement saisi les codes de l’horreur et de la psychologie pour s’en servir comme des armes redoutables dans son intrigue. On nous fait baisser la garde pour que ce petit démon puisse frapper là où ça fait mal. Un diable aux deux visages et qui arrive justement à utiliser au mieux son visage chaleureux pour mieux atteindre sa cible. Dans un environnement où les êtres humains ne font que s’enfoncer dans leurs pulsions macabres, un monstre a vu le jour et arrive à donner des sueurs froides à l’ensemble de ses congénères. Un garçon qui aurait pu connaître un tout autre destin, mais qui a finalement été conduit jusqu’à ce sentier qui ne peut se construire qu’à travers le sacrifice de nombreuses victimes. Un avenir intenable et où l’on souhaite secrètement qu’il soit encore possible de faire demi-tour, même si cela est impossible. En quelques chapitres, on a devant nous une figure du mal dont on ne peut cependant s’empêcher de croire qu’il y a encore du bon en lui. Un résultat qui prouve l’ingéniosité de cet auteur.

N’hésitez pas à me dire dans les commentaires votre propre ressenti ainsi que votre avis concernant le personnage de Ruwanda dans From the Red Fog. Trouvez-vous que le manga a su proposer un protagoniste qui soit à la fois terrifiant et intéressant à analyser ? Est-ce que vous avez été tiraillé entre la crainte qu’apporte ce garçon et la tristesse de le voir s’enfoncer dans l’obscurité ? Êtes-vous intrigué de voir comment va se conclure la destinée de ce jeune garçon ? Pensez-vous qu’il a encore une chance de trouver un peu de lumière au sein de ce sinistre monde ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.

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